Vu la requête enregistrée le 24 mai 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 25 mai 2012, présentée pour Mme Svitlana X demeurant ... par Me Bachet ;
Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105183 du 24 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 octobre 2011, par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :
- le rapport de M. Henri Philip de Laborie, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme X, ressortissante ukrainienne née le 18 décembre 1969, est entrée en France le 9 octobre 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour ; qu'elle a bénéficié de deux titres de séjour mention " commerçant " valables du 16 mars 2009 au 26 janvier 2011 ; que par arrêté du 11 octobre 2011, le préfet de l'Aveyron a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de son titre de séjour et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que Mme X relève appel du jugement en date du 24 avril 2012, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2011 ;
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 juin 2012, Mme X a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que soit prononcée l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de la requérante sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur la légalité du refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
4. Considérant que la décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle précise par ailleurs les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de Mme X ; que, par suite, le préfet de l'Aveyron a suffisamment motivé sa décision en droit et en fait ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent 2° " ; qu'aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code, pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui envisage de créer une activité ou une entreprise doit présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique du projet. L'étranger qui envisage de participer à une activité ou une entreprise existante doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein (...). Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire " ; qu'aux termes de l'article R. 313-16-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité ou d'une entreprise, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le trésorier-payeur général du département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet. " ;
6. Considérant que Mme X a déposé une demande de renouvellement de titre de séjour portant la mention " commerçant " en se prévalant de l'activité de la Sarl Katucha, principalement spécialisée dans la vente par correspondance sur catalogue ; que la requérante soutient, d'une part, que la viabilité de son activité, qui n'a débuté que le 13 janvier 2009, ne peut être appréciée sur les seuls exercices des années 2009 et 2010 qui ont, au demeurant, vu une progression notable de son chiffre d'affaires et, d'autre part, que la progression de son activité se confirme en 2011, année au cours de laquelle sa société a suscité l'intérêt d'autres entreprises avec lesquelles elle a passé des partenariats ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le résultat net de son activité était déficitaire en 2009 et n'était bénéficiaire qu'à hauteur de 2 135 euros en 2010 ; que les avis circonstanciés de l'adjoint en charge de la gestion publique de la direction départementale des finances publiques concluent à la non pérennité et à la non viabilité de cette activité ; que si Mme X produit un contrat de collaboration passé avec une société et un devis pour un séjour touristique, ces éléments n'établissent pas le regain d'activité dont elle se prévaut ; que si sa situation financière a été jugée par la commission de surendettement comme n'étant pas irrémédiablement compromise, c'est à la condition qu'elle vende sa maison ; que la circonstance selon laquelle la vente de son bien a été retardée par le refus de son voisin de reconnaître sa responsabilité dans le sinistre qui les oppose, est sans incidence sur l'absence de croissance de sa société ; que, dans ces conditions, l'activité de la requérante, qui ne lui permet pas de dégager des revenus suffisants pour lui permettre de couvrir ses besoins et de rembourser ses dettes, n'est pas viable ; qu'enfin, Mme X ne saurait se prévaloir utilement de la circulaire du 29 octobre 2007, relative à la procédure applicable aux ressortissants étrangers projetant d'exercer sur le territoire français une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dès lors que celle-ci est dépourvue de valeur réglementaire ; que, par suite, en estimant que les conditions posées au 2° de l'article L. 313-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies, le préfet de l'Aveyron n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
8. Considérant que Mme X fait valoir qu'elle réside en France depuis quatre ans, qu'elle vit en concubinage depuis plus de deux ans, qu'elle maîtrise la langue française, qu'elle est propriétaire de sa maison, qu'elle a créé une entreprise et s'est parfaitement intégrée professionnellement ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée n'est entrée en France qu'en octobre 2008 à l'âge de 39 ans, qu'elle est célibataire sans charge de famille et qu'elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales en Ukraine ; qu'en particulier, à supposer sa relation de concubinage établie, le préfet déclare sans être contredit que son compagnon n'est autre que M. Y, ressortissant biélorusse, qui réside à l'adresse de la requérante et fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment aux conditions de séjour de la requérante en France, de ses difficultés financières et de la non viabilité de l'activité exercée, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet de l'Aveyron n'a ni méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...)/ II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / (...) " ; que les stipulations de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sont relatives au délai de départ volontaire qui doit être normalement accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, du même texte : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;
10. Considérant que les dispositions précitées, créées par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, dont l'objet était notamment de transposer la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, sont critiquées en ce qu'elles ne prévoient pas de motivation distincte pour la décision portant refus de titre de séjour et pour la décision portant obligation de quitter le territoire français, et seraient de ce fait incompatibles avec les stipulations, précises et inconditionnelles, de ladite directive, qui, dans son article 12, imposerait une telle motivation ; que, toutefois, l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un refus de titre de séjour constitue, avec le refus de titre de séjour, une décision unique de retour au sens de la directive du 16 décembre 2008 et n'a pas, par suite, à faire l'objet d'une motivation distincte de celle que comporte ce refus, à moins notamment qu'un délai plus court que le délai de principe n'ait été accordé à l'étranger pour quitter volontairement le territoire ; qu'ainsi, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec celles mentionnées ci-dessus de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; que, par suite, Mme X ne peut utilement invoquer les dispositions de la directive transposée à la date de la décision attaquée, à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs précédemment exposés, Mme X n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour prise à son encontre ;
12. Considérant, en troisième lieu, que pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle, Mme X fait valoir qu'en cas de retour en Ukraine, elle ne retrouvera pas une situation équivalente à celle dont elle bénéficie sur le territoire français et qu'elle risque de développer une pathologie liée à la thyroïde ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que sa situation en France est telle qu'un retour au pays d'origine entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en effet, l'intéressée n'est arrivée en France qu'en octobre 2008 à l'âge de 39 ans où elle n'établit pas avoir développé des attaches privées et familiales fortes ; que, par ailleurs, elle n'établit pas que son état de santé risquerait de s'altérer en cas de retour dans son pays d'origine ni qu'une éventuelle pathologie ne puisse y être prise en charge médicalement ; qu'ainsi le préfet de l'Aveyron n'a pas commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme X ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande aux fins d'annulation ; que le présent arrêt, qui rejette sa demande d'annulation, n'appelle lui-même aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions présentées en ce sens devant la cour doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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No 12BX01317