Vu la requête enregistrée le 13 décembre 2011 sous forme de télécopie, et régularisée par courrier le 15 décembre 2011 présentée pour M. Karamba X demeurant centre de rétention administrative à Bordeaux (33000), par Me Coste, avocat ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103329 du 12 août 2011 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime l'a placé en rétention administrative ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée, du séjour et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bentolila rapporteur public ;
1. Considérant que M. X, de nationalité guinéenne, a été condamné par un jugement du 8 janvier 2010 du tribunal correctionnel de Limoges à une peine d'emprisonnement de quatre mois, assortie d'une interdiction du territoire français pour trois ans, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 9 juin 2010 ; qu'à l'issue de son incarcération, le préfet de la Charente a pris à son encontre le 9 août 2011, une mesure de rétention administrative ; que M. X relève appel du jugement du 12 août 2011 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2011 par lequel le préfet de la Charente l'a placé en rétention administrative ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que l'intéressé soutenait devant le tribunal administratif que l'arrêté préfectoral était entaché d'erreur de fait ; qu'en considérant que ce moyen était inopérant dès lors que M. X faisait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire que le préfet était tenu d'exécuter, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen et n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer ; qu'il n'a pas non plus omis de répondre au moyen, qu'il a d'ailleurs visé, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la mesure de rétention, et a considéré qu'il ne pouvait être soulevé utilement par l'intéressé dès lors qu'il rentrait dans le cadre de l'article L. 551-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, il ressort du jugement que le tribunal a statué, certes succinctement, sur le moyen qu'il a d'ailleurs visé, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité posé par la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 et par l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant, d'une part, que le moyen était dépourvu de précision suffisante et d'autre part, qu'en tout état de cause le préfet n'avait commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. (...) " ; que l'arrêté du 9 août 2011 vise les textes applicables, notamment la convention de Schengen, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L. 551-2 et rappelle les éléments de la situation de M. X et notamment, la circonstance qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour escroquerie et d'une interdiction judiciaire du territoire pour trois ans, par jugement du tribunal correctionnel de Limoges, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Limoges du 9 juin 2010, qu'il est opposé à l'exécution de cette interdiction et à sa reconduite hors de France, qu'il a tenté de détruire son passeport, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire malgré un refus de séjour opposé en novembre 2008 et qu'il ne présente pas de garanties propres à prévenir le risque de fuite ; que cet arrêté qui précise les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivé ;
4. Considérant que l'article 2 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dispose que : " Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers: (...) b) faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l'objet de procédures d'extradition " ; que, par suite, M. X, qui fait l'objet d'une condamnation pénale assortie d'une interdiction du territoire pour trois ans ayant pour conséquence son retour, ne peut utilement invoquer les dispositions des articles 8, 15, 16 ni l'exposé des motifs de cette directive qui ne sont pas applicables à sa situation ;
5. Considérant que M. X ne peut utilement soutenir, par la voie de l'exception, que la décision préfectorale du 13 juillet 2011 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que les atteintes à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants, à les supposer établies, découlent directement de l'interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal a écarté ces moyens comme inopérants ;
6. Considérant que si M. X soutient qu'en cas de retour en Guinée équatoriale, il serait exposé à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation alors qu'il ressort des déclarations non contestées de l'administration qu'il doit être éloigné à destination de la Guinée Conakry dont il est originaire ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; ... " ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal, l'interdiction du territoire français prononcée contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit " entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière ", le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou sa réclusion ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. X faisait l'objet d'une condamnation pénale définitive assortie d'une interdiction du territoire pour trois ans ; que les dispositions de l'article L. 551-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient donc applicables à sa situation ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré des décisions de refus de séjour, qu'il a fait l'objet de condamnations pour escroqueries à deux reprises, et qu'il a tenté de détruire son passeport ; qu'ainsi, et alors même que par arrêt du 31 août 2010 la cour a annulé la décision de refus de titre de séjour opposée le 6 novembre 2008, le préfet de la Charente n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il ne présentait pas de garanties de représentation et en décidant son placement en rétention administrative ; qu'enfin en tout état de cause, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure de rétention dont il fait l'objet serait imputable à la négligence de l'administration qui aurait tardé à organiser son départ ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ; que l'article 13 de la même convention stipule que : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. " ;
10. Considérant que ces stipulations impliquent qu'un étranger faisant l'objet d'un placement en rétention ne peut être effectivement éloigné avant que le juge n'ait statué sur le recours qu'il a, le cas échéant, introduit contre la mesure de placement ; que, dès lors, en ne prévoyant pas, en dehors du cas visé à l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le placement en rétention est contesté devant le juge en même temps que l'obligation de quitter le territoire français, que le recours devant le juge contre une mesure de placement en rétention administrative suspend l'exécution de la mesure d'éloignement tant que le juge n'a pas statué, ledit code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011 672 du 16 juin 2011, est incompatible avec ces stipulations ; qu'il s'ensuit qu'en tant qu'il précise que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ", l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité et doit être annulé ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 août 2011 en tant qu'il prévoit que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ", et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M.X à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DECIDE
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Charente du 9 août 2011 est annulé en tant qu'il prévoit que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ".
Article 2 : Le jugement du 12 août 2011 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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No 11BX03257