Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2012, présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales ;
Le préfet des Pyrénées-Orientales demande à la cour d'annuler le jugement n° 1202507 du 29 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses décisions du 25 mai 2012 obligeant Mme C...D...à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et la plaçant en rétention administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2013 :
- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeD..., née le 8 août 1974 à Santiago et de nationalité dominicaine, a été interpellée le 24 mai 2012 alors qu'elle rentrait en France en provenance d'Espagne sans disposer d'un titre de séjour ou d'un visa ; que le préfet des Pyrénées-Orientales a alors pris à son encontre, le 25 mai 2012, un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixant comme pays de destination le pays dont elle a la nationalité ou le pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité et la plaçant en rétention pendant une durée de 5 jours ; que l'intéressée a attaqué l'ensemble de ces décisions devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 29 mai 2012, les a annulées au motif que Mme D...ayant sollicité l'asile le 25 mai 2012 à 10 heures, cette demande faisait obstacle à ce qu'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire soit pris à son encontre avant qu'il ne soit statué sur sa demande d'admission au séjour ; que le préfet des Pyrénées-Orientales interjette appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant que, par arrêté du 21 novembre 2011, publié au recueil des actes administratifs, le préfet des Pyrénées-Orientales a donné à M. B...A..., directeur de la règlementation et des libertés publiques, délégation pour signer les " mémoires contentieux relatifs aux mesures d'éloignement " des étrangers en situation irrégulière ; qu'ainsi M. A...était compétent pour signer le mémoire introductif de l'instance d'appel ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 741-3 du même code : " L'admission au séjour ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article L. 211-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 de ce code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / " (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 dudit code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours, jusqu'à ce que la commission statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 dudit code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable " ;
4. Considérant que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été préalablement rejetée par lui sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet peut, le cas échéant, sans attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, décider l'éloignement de l'étranger ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de police et de l'extrait du registre des arrivées au centre de rétention de Cornebarrieu que l'obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une décision de placement en rétention prise à l'encontre de Mme D...lui a été notifiée au Perthus le 25 mai 2012 à 13 heures 50 ; que l'intéressée a ensuite été transférée au centre de rétention de Cornebarrieu où elle est arrivée à 17 heures 15 ; qu'elle n'avait pas formulé lors de son interpellation le désir de demander l'asile en France, ayant au contraire indiqué qu'elle vivait en Espagne et souhaitait se rendre en Italie à Parme chez des amis ; qu'elle n'a sollicité, au plus tôt, que lors de son arrivée au centre de rétention un dossier de demande d'asile ; que la mention portée sur cette demande selon laquelle elle aurait été faite le 25 mai 2012 à 10 heures est contredite, comme le relève le préfet des Pyrénées-Orientales, par les autres éléments du dossier, notamment par le contenu même de cette demande qui mentionne que l'intéressée est informée que, pour être pris en compte, son dossier devra être déposé auprès des services de police au plus tard le 30 mai 2012 à 17 heures 15, et non pas à 10 heures ; que, par suite, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse ne pouvait pas retenir la mention relative à la date et à l'heure de la demande d'asile pour estimer que cette demande faisait obstacle à ce que le préfet prenne les décisions d'éloignement sans délai, fixant le pays de destination, et de rétention contestées ; qu'ainsi, c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif s'est fondée sur ce motif pour annuler l'arrêté du 25 mai 2012 ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme D...tant en première instance qu'en appel ;
7. Considérant qu'il convient, afin de leur donner une portée utile, de distinguer, parmi les moyens soulevés par Mme D...à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, ceux qui sont opérants à l'encontre de cette décision et ceux qui sont opérants à l'encontre de la décision fixant le pays d'éloignement ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
8. Considérant que le préfet n'ayant pris aucune décision de refus de titre de séjour, même implicite, à l'encontre de l'intéressée qui n'avait, ainsi qu'il a été dit précédemment, pas sollicité un tel titre, le moyen tiré de l'exception d'illégalité d'un refus de séjour implicite opposé à Mme D...sera écarté ;
9. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeD..., la motivation de l'arrêté contesté n'est pas stéréotypée, mais comporte de manière détaillée les circonstances dans lesquelles elle a été interpellée et les éléments propres à sa situation ; que l'arrêté vise également les textes dont il fait application ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait ; que cette motivation fait également ressortir que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation de l'appelante ;
10. Considérant que, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avant que l'intéressée, entrée irrégulièrement sur le territoire, n'ait fait connaître sa volonté de solliciter l'asile, le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
Sur la légalité de la décision fixant la République Dominicaine comme pays de destination :
11. Considérant que cette décision est motivée en fait et en droit et mentionne, contrairement à ce qui est soutenu, qu'elle est prise en application des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
12. Considérant que si Mme D...entend, pour soutenir que son retour en République Dominicaine lui ferait courir des risques pour sa liberté ou sa sécurité contraires aux stipulations de l'article 9-1 du pacte international relatif aux droits civils et politique et l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprendre les éléments figurant dans son procès-verbal d'interpellation selon lesquels elle a " eu des ennuis avec un homme qui a abusé sexuellement de ma fille. Ma fille m'a tout dit et j'ai déposé plainte auprès des services de police mais cet homme est très important politiquement et de ce fait pratiquement intouchable. Par contre il nous a menacées de mort avec ma fille ", ce seul récit ne peut suffire à établir la réalité des risques allégués ;
13. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; 2° Si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. " ;
14. Considérant que Mme D...n'établit pas être légalement admissible en Espagne, pays où elle résidait irrégulièrement depuis quelques mois à la date de son interpellation, ni relever d'un des cas prévus par l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lesquels les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables à l'étranger ; que, par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales, n'était pas tenu de demander aux autorités espagnoles la réadmission sur leur territoire de l'intéressée, en application de l'accord bilatéral entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, quand bien même elle provenait directement d'Espagne, ni de la remettre aux autorités de l'Etat espagnol et pouvait désigner la République Dominicaine comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;
Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à MmeD... :
15. Considérant qu'il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet des Pyrénées-Orientales se serait cru lié par les critères posés par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser à Mme D...un délai de départ volontaire ; que l'intéressée étant entrée en France irrégulièrement et n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, le préfet pouvait, en application des dispositions du a) du 3° du II de cet article refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ; que, ce faisant, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, ni d'erreur de fait mais s'est borné à appliquer les critères prévus par la loi ;
Sur la légalité de la mesure de placement en rétention administrative :
16. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeD..., l'arrêté contesté indique précisément les circonstances de fait qui justifient son placement en rétention administrative ; que Mme D...n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle elle offrait des garanties de représentation, ni aucune précision quant à la nature de ces garanties ; que, par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas méconnu les principes invoqués par l'intimée de proportionnalité et de nécessité en la plaçant en rétention ;
17. Considérant que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne soumettant pas MmeD..., qui ne résidait pas en France et ne présentait pas de garantie de représentation, à une mesure d'assignation à résidence ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 mai 2012, obligeant Mme D...à quitter le territoire sans délai et fixant comme pays de destination celui dont elle a la nationalité ou le pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité et la plaçant en rétention pendant une durée de 5 jours ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de Mme D...demande sur leur fondement ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 29 mai 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Toulouse ensemble ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
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No 12BX01736