Vu le recours, enregistré le 20 juillet 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la reforme de l'Etat ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901230 en date du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a déchargé la SARL Elce des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002 et des pénalités y afférentes ;
2°) de rétablir partiellement la SARL Elce en droits et en pénalités aux rôles de l'impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt pour un montant de 70 313 euros en droits et 70 094 euros en pénalités ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2000-348 du 20 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- les observations de Me Pichon substituant Me Gasquet, pour la SARL Elce ;
1. Considérant que la SARL Elce a pour activité la location de salles, l'exploitation de débit de boissons et d'achat-vente de distribution de sodas, boissons, et tous produits alimentaires, achat-vente de vaisselle, électroménager, hifi, TV et généralement toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un de ces objets ; que par un courrier en date du 13 octobre 2003 et en vertu de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Limoges a informé l'administration de l'existence d'une procédure correctionnelle à l'encontre des représentants de la société en raison d'éléments permettant de présumer l'existence d'une fraude en matière fiscale ; que la société Elce a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur les exercices clos en 2000, 2001 et 2002, au cours de laquelle l'administration a mis à jour une activité occulte d'organisation de lotos ; qu'elle a procédé à la rectification des bénéfices imposables au titre de ces exercices selon la procédure contradictoire prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales en reconstituant le chiffre d'affaires compte tenu de l'absence de présentation des documents comptables ; que, par jugement du 31 mars 2011, le tribunal administratif de Limoges a fait droit aux prétentions de la société au motif qu'elle devait être réputée avoir apporté la preuve de ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge ont été établies sur le fondement d'une méthode radicalement viciée dès lors que le vérificateur a reconstitué les recettes procurées par l'organisation des soirées lotos sans déduire les charges correspondantes et notamment les achats des lots mis en jeu ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 21 décembre 2009, postérieure à l'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande de la société, le directeur des services fiscaux de la Haute-Vienne avait accordé un dégrèvement à concurrence de la somme de 16 592 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, la contribution sur l'impôt sur les sociétés et les pénalités y afférentes auxquelles la société Elce a été assujettie au titre de l'exercice 2001 ; que la demande était, dans cette mesure, devenue sans objet ; que le tribunal administratif a omis de constater dans cette limite le non-lieu à statuer ; qu'il y a lieu pour la cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur le recours du ministre :
3. Considérant que le ministre soutient que la méthode à laquelle a recouru le vérificateur n'est pas radicalement viciée ; qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires occulte en cause, le vérificateur a recouru à une méthode extracomptable en exploitant les renseignements obtenus dans la cadre des auditions de M. Patrick Vingat, gérant de fait de la société Elce, selon lesquels 300 à 450 personnes participaient chaque semaine aux lotos sur la commune de Feytiat moyennant 13 à 15 euros par personne ; que le vérificateur en a tiré la conclusion que les recettes encaissées par la société à la faveur de détournements de fonds opérés par M. Vingat et Mme Monin au préjudice de l'association Nouvel Horizon s'élevaient à 460 euros par semaine pour l'activité buvette et 4 500 euros pour l'activité loto ; que, par ailleurs, l'administration fiscale, tant dans ses écritures devant le tribunal que dans l'acceptation partielle, datée du 21 avril 2009, de la réclamation présentée par la société, ne conteste pas que les lots, d'une valeur maximale de 381 euros, mis en jeu au cours des soirées lotos étaient achetés par le gérant de fait de la société Elce ; que, dans ces conditions, les achats de ces lots, en dépit de l'absence de toute facture, doivent être regardés comme établis ; qu'ainsi, en se bornant, pour évaluer les bénéfices imposables au titre des années 2000, 2001 et 2002, à reconstituer les recettes procurées par l'organisation des soirées lotos sans déduire du chiffre d'affaires les charges correspondant notamment aux achats des lots mis en jeu, l'administration a radicalement vicié les redressements auxquels elle a procédé ; que devant le tribunal, l'administration s'est bornée à faire valoir, en réponse au moyen tiré du caractère vicié de la procédure, que la société contribuable n'a produit aucun justificatif des achats occultes en cause ; que l'administration fiscale n'a proposé aucune méthode alternative de reconstitution des bénéfices dégagés par ces activités occultes, de nature à atténuer le vice dont la méthode initialement employée par le vérificateur était ainsi entachée ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le contribuable devait être réputé apporter la preuve de ce que les impositions mises à sa charge ont été établies sur le fondement d'une méthode radicalement viciée ;
4. Considérant que l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, invoquer tout nouveau moyen de nature à faire reconnaître le bien-fondé des impositions à la condition qu'un débat contradictoire ait lieu sur ce point devant le juge et que le nouveau fondement invoqué ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi, ce qui est le cas en l'espèce ; que le ministre fait valoir pour la première fois en appel que la reconstitution du chiffre d'affaires de la société n'est plus viciée dès lors que le coût d'achat des lots distribués aux gagnants peut être pris en compte pour un montant estimé à 20 % des recettes occultes ; que, dès lors que l'administration ne disposait pas de données fiables émanant de la comptabilité de la société pour évaluer les charges constituées par l'achat des lots, la déduction pour un montant forfaitaire de 20% de ces charges, qui au demeurant était demandée par la société elle-même, apparaît de nature à permettre une évaluation exacte du bénéfice de la société Elce ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la nouvelle méthode de reconstitution de la société Elce ainsi proposée par le ministre n'est plus radicalement viciée dans son principe et son montant ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a prononcé la décharge des impositions en litige ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Elce devant le tribunal administratif de Limoges et devant la cour ;
En ce qui concerne la durée de la vérification de comptabilité :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a reçu le 24 juillet 2004 un avis de vérification de comptabilité portant sur l'année 2000 qui prévoyait une première intervention du vérificateur le 25 août 2004 ; qu'à la demande de la société, cette intervention a été reportée au 2 septembre 2004 ; que le 6 septembre, Me Gasquet avocat de la société, a demandé que la vérification se déroule dans les locaux de l'administration ; que, toutefois, l'expert-comptable ayant indiqué qu'il ne détenait pas les documents comptables, le vérificateur a dressé le 27 septembre 2004 un procès-verbal pour défaut de présentation des documents comptables ; qu'ainsi, la vérification de comptabilité n'a pas pu débuter le 2 septembre 2004 ; que, par suite, la société Elce n'est pas fondée à soutenir que la durée de la vérification de comptabilité portant sur l'année 2000 aurait excédé le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant, en second lieu, que si la société Elce soutient que les redressements seraient intervenus irrégulièrement en l'absence de toute vérification de comptabilité alors qu'un avis de vérification lui avait été adressé, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'aucune vérification sur place n'a été possible, la société n'ayant pas présenté de pièces comptables ;
En ce qui concerne le délai de prescription :
9. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. (...) " ;
10. Considérant que les investigations menées dans le cadre de la procédure judiciaire ont révélé que la société requérante avait exercé une activité d'organisation de jeux de hasard qui est de nature commerciale compte tenu du caractère répétitif des manifestations, des moyens mis en oeuvre pour accueillir la clientèle et du caractère lucratif de l'activité ; qu'alors même que cette activité ne figure pas dans l'objet social déclaré par la société, elle entrait dans le champ des activités devant faire l'objet d'une déclaration au centre de formalités des entreprises ; que la circonstance que la société n'était pas autorisée à exercer cette activité car la réglementation en vigueur en réservait l'exercice aux associations à but non lucratif ne faisait pas obstacle à ce qu'elle soit tenue de déclarer celle-ci à un centre de formalité des entreprises dès lors que les revenus tirés de cette activité relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que seule, la transmission des procès-verbaux de gendarmerie a permis à l'administration d'avoir connaissance de cette activité qui doit dès lors être regardée comme occulte et relevant, par suite, du délai de reprise spécifique visé par les dispositions précitées ; qu'ainsi, le moyen tiré de la prescription des impositions dues au titre de l'année 2000 doit être écarté ;
En ce qui concerne le respect des droits de la défense :
11. Considérant que, dès lors que les documents comptables saisis n'ont pas été exploités par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, la société requérante ne peut pas utilement faire valoir que le juge d'instruction ayant refusé de restituer ces pièces comptables, les droits de la défense n'auraient pas été respectés ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
13. Considérant que s'il résulte de l'instruction que la société Elce a entendu utiliser des associations caritatives comme cautions pour l'organisation des loteries, l'administration n'a pas remis en cause la réalité et l'existence de ces associations ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun contrat n'avait été passé entre les associations et la société Elce ; que, par suite, le vérificateur n'a pas eu à écarter des clauses contractuelles ou leur rendre leur véritable portée ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure de répression des abus de droit prévue aux dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
En ce qui concerne la régularité des avis de mise en recouvrement :
14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-348 du 20 avril 2000 : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de redressement contradictoire, il fait référence soit à la notification prévue à l'article L. 57 et, le cas échéant, aux différentes pièces de procédure adressées par le service informant le contribuable d'une modification des rehaussements, soit au document adressé au contribuable qui comporte l'information prévue au premier alinéa de l'article L. 48. " ;
15. Considérant que les avis de mise en recouvrement du 22 mars 2007 par lesquels l'administration a, à l'issue d'une procédure contradictoire, assujetti la société Elce, au titre de l'année 2001, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt mentionne que ces rappels trouvent leur origine dans la notification de redressements en date du 21 décembre 2004 et dans la réponse aux observations du contribuable du 22 juillet 2005 et indique également le montant des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de l'avis ; que toutefois, ces avis ne font pas référence à la lettre en date du 8 septembre 2005, qui avait informé la société de nouvelles conséquences financières qui ont augmenté les bases de l'impôt ; qu'ainsi, à défaut de faire référence à l'un des documents informant la contribuable d'une modification des redressements, ces avis ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et contributions à cet impôt en litige ont été établis à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité substantielle ; que ces avis de mise en recouvrement constituant la décision même qui fixe la créance du Trésor, leur irrégularité entraîne la décharge de l'intégralité de l'imposition concernée ; que, dès lors, c'est à tort que l'administration a prononcé la seule décharge de l'imposition résultant des éléments nouveaux figurant dans le document du 8 septembre 2005 ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge de la totalité de l'imposition relative à l'année 2001 ;
En ce qui concerne l'imposition de la société Elce :
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association Nouvel Horizon servait uniquement de façade à la réalisation de bénéfices commerciaux par la société requérante dès lors que cette dernière mettait à la disposition du public l'ensemble du matériel nécessaire à l'organisation des soirées ; qu'elle louait ainsi la salle " Le Polygone " dans laquelle les jeux de lotos étaient organisés et supportait elle-même le coût des achats de lots ; qu'en outre, les sommes misées étaient créditées sur le compte bancaire personnel de la présidente de l'association et non sur celui de l'association avant d'être reversées à M. Vingat, gérant de fait de la société ; qu'enfin, la société Elce avait une activité régulière, détenait une clientèle, des moyens d'exploitation, un compte bancaire, des lignes téléphoniques, des stocks de lots ; qu'elle avait des employés et avait souscrit des déclarations fiscales, tenait une assemblée et avait ainsi une vie sociale ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a taxé entre les mains de la société Elce les profits présumés avoir été réalisés par l'activité de jeux de hasard ;
En ce qui concerne le montant de la reconstitution du chiffre d'affaires :
17. Considérant, en premier lieu, que la société Elce fait valoir qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir présenté sa comptabilité au vérificateur dès lors que le juge d'instruction conservait celle-ci dans le dossier d'instruction et que l'administration aurait dû en demander la communication au juge afin de procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires à partir de cette comptabilité ; que, d'une part, aucune disposition légale n'oblige le vérificateur à adresser au juge pénal une demande tendant à la transmission des pièces qu'il détient ; que, d'autre part, dans le cas présent, le vérificateur a exploité les éléments communiqués spontanément par l'autorité judiciaire qui ne comprenaient pas la comptabilité de la société ; que si la requérante fait encore valoir que les documents comptables se trouvaient également chez l'expert-comptable, un courrier de ce dernier en date du 27 septembre 2004 révèle qu'il n'en disposait plus ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, l'administration fiscale a établi, pour l'exercice clos en 2000, un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité ; que la société Elce ne saurait utilement faire valoir qu'elle avait adressé au service des documents comptables pour la vérification de comptabilité portant sur les années 2001 et 2002, dès lors que l'administration les lui a retournés à bon droit le 4 mai 2004 au motif que le délai de vérification de comptabilité de ces deux exercices avait expiré ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a recouru à une méthode extracomptable de reconstitution du chiffre d'affaires ;
18. Considérant, en deuxième lieu, que la société Elce soutient que le vérificateur n'a pas tenu compte des déclarations concernant l'activité du premier trimestre 2000 et qu'il s'est borné à extrapoler à partir des recettes reconstituées pour une partie de l'année ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les déclarations du gérant de fait, M. Vinguat, qui indiquait que le niveau des recettes hebdomadaires se situait entre 3 900 et 6 750 euros ; qu'ainsi, en fixant à 4 500 euros le montant des recettes hebdomadaires, l'administration a pris en compte un montant proche du seuil inférieur des déclarations du gérant de fait qui incluait nécessairement la situation fluctuante sur une année complète décrite par ce dernier ; qu'à supposer que l'administration ait pris en compte les recettes liées à l'activité de buvette alors qu'elles étaient déjà incluses dans les recettes générées par l'activité de loto, le montant de 460 euros retenu pour l'activité de buvette ajouté aux 4 500 euros retenu pour les recettes de loterie laisse le montant estimé des recettes à un niveau encore inférieur à celui admis par le gérant de fait au cours des auditions réalisées lors de la procédure correctionnelle engagée à son encontre ;
19. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme Monin, qui dirigeait l'association Nouvel Horizon par l'entremise de laquelle les lotos étaient organisés, a reconnu dans un procès-verbal de police 2002/48/D/3 qui fait foi, qu'elle détournait une partie des fonds générés par cette activité en les encaissant sur son compte bancaire personnel avant de les transférer à la société Elce moyennant la perception d'une commission ; que les commissions perçues par Mme Monin ne constituent donc pas des détournements de fonds commis au préjudice de la société Elce mais au préjudice de l'association dont elle est dirigeante ; que, d'autre part, la reconstitution de recettes étant fondée sur ces déclarations de police, la circonstance que Mme Monin se serait attribué des commissions supérieures à celles dont elle-même et M. Vingat auraient convenu est sans influence sur le montant de la reconstitution de la société ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les détournements de recettes opérés par Mme Monin à hauteur de 130 000 francs ne pouvaient être inclus dans le montant du bénéfice sur le fondement de l'article 38 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les pénalités :
20. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ; que cet article vise les déclarations fiscales et les insuffisances ou défauts qui peuvent les affecter ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'activité de la société Elce revêtait le caractère d'une activité occulte illicite, comme le reconnaît le gérant de fait ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % au montant des droits mis à la charge de la société ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'économie est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a prononcé la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions à cet impôt au titre des exercices 2000 et 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Elce demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mars 2011 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SARL Elce tendant à la décharge d'une partie des contributions d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice 2001.
Article 2 : A concurrence de la somme de 16 592 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SARL Elce devant le tribunal administratif en ce qui concerne respectivement les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2001 ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le résultat fiscal imposable de la SARL Elce est arrêté à la somme de 602 788 francs (91 894,44 euros) au titre de l'exercice clos en 2000 et à la somme de 60 999 euros au titre de l'exercice clos en 2002.
Article 4 : L'impôt sur les sociétés et les contributions à cet impôt au titre des exercices clos en 2000 et 2002, calculés conformément aux bases définies à l'article 3 sont remis à la charge de la SARL Elce, ainsi que les pénalités correspondantes.
Article 5 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 3 et 4 ci-dessus.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la SARL Elce devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
''
''
''
''
2
N° 11BX01745