Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 29 avril 2013, présentée pour Mme C...B..., élisant domicile..., par MeA... :
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301279 du 27 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 23 mars 2013 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite, d'autre part, de la décision, en date du 23 mars 2013, par laquelle cette même autorité l'a placée en rétention pour le temps nécessaire à l'organisation de son départ ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention de Dublin du 15 juin 1990 publiée par le décret du 30 septembre 1997 ;
Vu le règlement CE n° 343/2003 du Conseil européen du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ensemble le règlement CE n° 1560/2003 de la Commission européenne du 2 septembre 2003 pris pour son application ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :
- le rapport de M. Henri Philip de Laborie, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante de Guinée Equatoriale, est entrée irrégulièrement en France à une date indéterminée en provenance d'Espagne ; qu'à la suite de son interpellation le 9 janvier 2013, le préfet du Rhône a pris le même jour à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français et l'a placée en rétention administrative ; que de nouveau interpellée le 23 mars 2013 à la frontière franco-espagnole, par arrêté du même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine et a décidé de son placement en rétention administrative ; que Mme B...relève appel du jugement du 27 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2013 précité ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que dans sa demande devant le tribunal administratif, Mme B...avait soulevé le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ; que le premier juge n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; qu'il a ainsi entaché son jugement d'une omission à statuer ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, Mme B...est fondée à en demander l'annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige a été prise au visa des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la situation de MmeB... ; qu'elle indique que l'intéressée n'est pas en mesure de justifier sa situation régulière sur le territoire français et qu'elle circule sous couvert d'un passeport délivré par les autorités guinéennes qui ne l'autorise ni à circuler ni à se maintenir dans l'espace Schengen ; qu'elle mentionne également des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de MmeB..., notamment son célibat, ses deux enfants à charge ainsi que les liens qu'elle a conservés avec son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; que la seule circonstance que l'arrêté litigieux ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas de nature à le faire regarder comme insuffisamment motivé ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la motivation de la décision révèle que le préfet de la Haute-Garonne a procédé, contrairement à ce que soutient MmeB..., à l'examen de l'ensemble de sa situation personnelle ;
6. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...soutient qu'elle est la mère de deux enfants résidant en Espagne qui sont à sa charge et qu'elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour espagnol ; que, toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation tant en ce qui concerne la présence de ses enfants en Espagne que la prise en charge financière de leur entretien et de leur éducation ; qu'au demeurant, elle ne fait valoir aucun obstacle pouvant s'opposer à ce que ses enfants la suivent dans leur pays d'origine ; qu'il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Guinée Equatoriale et ne fait état d'aucune attache en France où elle n'a résidé que quelques mois ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 553-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger maintenu dans un centre de rétention qui souhaite demander l'asile présente sa demande dans le délai de cinq jours à compter de la notification qui lui a été faite de ce droit conformément à l'article L. 551-3. A cette fin, l'étranger remet sa demande soit au chef du centre de rétention soit à son adjoint ou, le cas échéant, au responsable de la gestion des dossiers administratifs. / L'étranger maintenu dans un local de rétention qui souhaite demander l'asile peut remettre à tout moment sa demande au responsable du local de rétention administrative ou à son adjoint. / La demande d'asile formulée en centre ou en local de rétention est présentée selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article R. 723-1 " ; qu'aux termes de l'article R. 553-16 du même code : " L'autorité dépositaire de la demande enregistre la date et l'heure de la remise du dossier de demande d'asile par l'étranger sur le registre mentionné à l'article L. 553-1. / L'autorité dépositaire de la demande saisit sans délai par tout moyen comportant un accusé de réception, notamment par télécopie ou par voie électronique sécurisée, le directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du dossier de demande d'asile tel qu'il lui a été remis par l'étranger, en vue de son examen selon les modalités prévues à l'article R. 723-3 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 723-1 du même code : " (...) La demande d'asile ou du statut d'apatride est rédigée en français sur un imprimé établi par l'office. L'imprimé doit être signé et accompagné de deux photographies d'identité récentes et, le cas échéant, du document de voyage et de la copie du document de séjour en cours de validité. / Lorsque la demande est présentée complète dans les délais, l'office l'enregistre sans délai et en informe par lettre le demandeur. (...) " ;
9. Considérant, d'une part, que si le 14 janvier 2013 Mme B...a fait part de son intention de déposer une demande d'asile dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 723-1 du code précité, en remettant au chef du centre de rétention de Lyon un document-type à l'en-tête de ce centre prévu à cet effet, elle n'établit ni avoir effectivement déposé cette demande dans les formes prescrites par l'article précité, ni avoir été empêchée de le faire ; que la circonstance que ledit document soit titré " demande d'asile " n'est pas suffisante pour le faire regarder comme une demande effective ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la requérante se serait présentée en préfecture à la sortie du centre de rétention afin de solliciter l'asile ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement invoquer le droit de se maintenir en France tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne s'est pas prononcé sur la demande d'asile alléguée ; que, par suite, en prononçant la mesure attaquée, le préfet des Pyrénées Orientales n'a ni commis d'erreur de droit ni violé le droit de la requérante à solliciter l'asile ;
10. Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de demande d'asile, le moyen tiré de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait été incompétent pour traiter de sa demande de séjour au titre de l'asile est inopérant ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que le même préfet aurait dû prononcer une mesure de réadmission en Espagne dès lors que la requérante n'établit ni être légalement admissible dans ce pays, ni y avoir présenté une demande d'asile ;
En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :
11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) " ;
12. Considérant, d'une part, que l'arrêté litigieux vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 511-1-II précité ; qu'il mentionne également que Mme B...ne justifie d'aucune garantie de représentation suffisante et indique que le risque de fuite est avéré ; que, par suite, la requérante ne peut valablement soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait insuffisamment motivée ;
13. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée irrégulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle ne justifie d'aucun domicile stable et ne présente ainsi aucune garantie de représentation suffisante ; que, dès lors, l'autorité préfectorale a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser à Mme B...le bénéfice d'un délai de départ volontaire ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant, en premier lieu, que le préfet des Pyrénées Orientales, qui a visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a relevé que l'intéressée n'alléguait pas être exposée à des peines ou traitements contraires aux stipulations de cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi ;
15. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort de la lecture du dispositif de l'arrêté contesté que la personne concernée par la mesure attaquée est née le 7 août 1988 et est de nationalité marocaine, il ressort toutefois de l'ensemble des dispositions de l'arrêté litigieux que cet arrêté a été pris à l'encontre de Mme B...dont l'état civil et la nationalité sont indiqués sans erreur ; qu'ainsi, ces erreurs de plume n'affectent pas la légalité de l'arrêté ;
16. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme B..., qui n'a sollicité l'asile ni en Espagne ni en France, soutient risquer de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément précis de nature à établir la réalité de tels risques allégués ;
17. Considérant, enfin, que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 doivent être écartés pour les mêmes motifs que ci-dessus indiqué ;
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : ( ...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement (...) est écrite et motivée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;
19. Considérant, d'une part, que l'arrêté contesté du 23 mars 2013 ordonnant le placement en rétention de Mme B...vise les articles L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise notamment que l'intéressée n'offre pas de garanties de représentation suffisantes pour envisager une mesure moins coercitive et rappelle qu'elle ne dispose d'aucune domiciliation stable en France ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait ;
20. Considérant, d'autre part, que le moyen invoqué par la voie de l'exception et tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ne peut qu'être écarté pour les motifs précédemment exposés ;
21. Considérant, enfin, que la requérante, qui ne disposait ni de domicile personnel, ni de document lui permettant de circuler et de se maintenir dans l'espace Schengen, ni de revenus licites, ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes ; qu'il existait un risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ; que, dans ces conditions, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, placer l'intéressée en rétention administrative pendant le temps nécessaire à son départ dans la limite de cinq jours ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2013 du préfet des Pyrénées Orientales ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme B...le versement à l'Etat de la somme de 1 000 euros au titres des frais exposés non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301279 du 27 mars 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Mme B...versera à l'Etat la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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N° 13BX011512