Vu la requête, enregistrée par télécopie le 20 février 2013 et régularisée par courrier le 21 février 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par la SCP Lagrave-Jouteux ;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003209 du 21 décembre 2012 du tribunal administratif de Poitiers, qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 27 septembre 2010 du préfet de la Charente-Maritime refusant de lui accorder un agrément en vue de l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 73 282 euros en réparation des préjudices subis de ce fait ;
2°) d'annuler cette décision et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 70 486 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :
- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...a présenté aux services de la préfecture de la Charente-Maritime, par lettre du 29 juillet 2010, une demande d'agrément en vue d'exploiter l'établissement d'enseignement de la conduite, pour lequel un agrément avait été délivré au gérant de la société ETR Conduite, dans les locaux commerciaux de cette société dont il devait reprendre l'activité ; que, le 5 août 2010, ces services ont accusé réception de la demande, réclamé des pièces complémentaires et apporté certaines précisions ; que, par décision du 27 septembre 2010, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté cette demande ; que M. B...relève appel du jugement du 21 décembre 2012 du tribunal administratif de Poitiers, qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis de ce fait ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 213-1 du code de la route : " L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière ainsi que l'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière mentionnés à l'article L. 223-6 ne peuvent être organisés que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative, après avis d'une commission. " ; que l'article L. 213-3 de ce code fixe les conditions auxquelles doivent satisfaire les candidats à l'exercice de cette activité et son article L. 213-6 détermine les sanctions pénales applicables notamment en cas d'exploitation d'un établissement sans agrément ; que l'article R. 213-1, figurant au nombre des dispositions d'application prises en vertu de l'article L. 213-8, précise que l'agrément est délivré par le préfet du lieu d'implantation après avis de la commission départementale de la sécurité routière ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 : " I.-Pour les exploitants des établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière et pour les exploitants des établissements de formation des candidats à l'un des titres ou diplômes exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite, l'agrément prévu à l'article L. 213-1 est délivré aux personnes remplissant les conditions suivantes : / 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation prononcée par une juridiction française ou par une juridiction étrangère à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle pour l'une des infractions prévues à l'article R. 212-4 ; / 2° Justifier de la capacité à gérer un établissement d'enseignement de la conduite (...)/ 3° Etre âgé d'au moins vingt-trois ans ; / 5° Justifier de garanties minimales concernant les moyens de formation de l'établissement. Ces garanties concernent les locaux, les véhicules, les moyens matériels et les modalités d'organisation de la formation ; / 6° Justifier de la qualification des personnels enseignants (...) / Les conditions fixées au présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. " ; que ces conditions ont été précisées par l'arrêté du 8 janvier 2001 relatif à l'exploitation des établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, dont l'article 1er précise que doit faire l'objet d'un agrément chaque établissement, lequel est constitué par un exploitant et un local d'activité et dont l'article 2 énumère notamment les pièces justificatives que doit fournir la personne désirant exploiter l'établissement ; qu'aux termes de l'article 11 de cet arrêté : " En cas de reprise du local d'activité par une personne désirant exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, cette dernière doit adresser au préfet une demande accompagnée des pièces énumérées à l'article 2 du présent arrêté, au moins deux mois avant la date de reprise de l'établissement. " ; que selon l'article 12 de cet arrêté, le préfet retire l'agrément, notamment en cas de cessation définitive d'activité déclarée par le titulaire de l'agrément ;
3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les conditions à remplir et les justifications à fournir à l'appui d'une demande de nouvel agrément ou à l'appui d'une demande pour la reprise d'un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, ainsi que la procédure à suivre par l'administration sont les mêmes ; que celles qui fixent un délai, dont le point de départ est déterminé par la date de la reprise de l'exploitation de l'établissement et non par celle de la cessation de celle-ci, pour présenter la demande, ne peuvent avoir d'autre objet que de préciser la période à l'issue de laquelle l'agrément de cet établissement devra être retiré ; qu'ainsi, il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque l'exploitant d'un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur déclare cesser définitivement l'exploitation de l'établissement, le préfet doit retirer l'agrément accordé pour cet établissement, sauf si une autre personne lui a présenté, dans le délai, une demande en vue de la reprise de l'établissement ; qu'ainsi, le délai de deux mois avant la reprise de l'établissement, mentionné par les dispositions précitées de l'article 11 de l'arrêté du 8 janvier 2001, ne court pas à compter du début du deuxième mois précédant la cessation de l'activité mais, au plus tard, à compter de la date déclarée pour cette cessation ; que lorsqu'une telle demande a été présentée dans ce délai le rejet de cette demande et le retrait de l'agrément se confondent ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 6 septembre 2010, le gérant de la société ETR Conduite avait déclaré cesser l'exploitation de l'établissement que souhaitait reprendre M.B..., le 23 juillet 2010 ; que toutefois, il indiquait dans cette même lettre qu'il restait gérant de la société jusqu'à ce que son agrément soit accordé à M.B... ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit au point 3, le délai de deux mois avant la reprise de l'établissement, dont le respect est exigé par les dispositions précitées de l'article 11 de l'arrêté du 8 janvier 2001, n'avait couru qu'à compter de la date de la cessation de l'exploitation de son établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur par la personne qui entendait le céder à M.B... ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin de rechercher si la date de cette cessation était bien, compte tenu des termes de la lettre susmentionnée de cette personne, celle du 23 juillet 2010, la demande d'agrément, présentée le 29 juillet 2010 et dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle n'aurait pas été dument complétée en temps utile, ne pouvait pas être regardée comme tardive ; que, dès lors, c'est à tort que la demande d'agrément de M. B...a été rejetée au motif qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai fixé à l'article 11 de l'arrêté du 8 janvier 2001 ;
6. Considérant que, pour refuser de délivrer à M.B... l'agrément demandé, le préfet de la Charente-Maritime a également estimé que l'intéressé avait exploité un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-6 du code de la route ; qu'il n'est pas contesté, qu'entre le 23 juillet et le 6 septembre 2010, M. B...a exercé, sous le couvert de l'établissement qu'il devait reprendre, une activité d'enseignement de la conduite ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'agrément qui avait été délivré au gérant de la société ETR Conduite a été abrogé avec effet au 23 juillet 2010, et non pas retiré ainsi que le soutient le préfet, et que le gérant de cette société a continué, ainsi qu'il l'a indiqué dans sa lettre mentionnée au point 4, à assumer cette fonction ; que, par suite, c'est à tort que M.B... a été regardé comme ayant exploité un établissement sans agrément ;
7. Considérant que le préfet de la Charente-Maritime a aussi rejeté la demande d'agrément de M.B... au motif que celui-ci avait manqué aux règles déontologiques de la profession en dispensant des leçons de conduite automobile sans être le salarié ou le collaborateur de la société ETR Conduite et en faisant verser le prix de ces prestations sur le compte bancaire ouvert au nom de la société qu'il exploitait antérieurement à Chalon-sur-Saône ; qu'en admettant que ces faits constituent un tel manquement, celui-ci ne figure pas expressément au nombre de ceux devant faire regarder un candidat comme ne remplissant pas les conditions énumérées aux dispositions de l'article L. 213-3 et de l'article R. 213-2 du code de la route ; qu'il ne présenterait pas, en tout état de cause et dans les circonstances de l'espèce, un caractère de gravité justifiant un refus d'agrément ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2010 du préfet de la Charente-Maritime ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. B...ne justifiait pas, en ce qui concerne tant ses capacités professionnelles que la disposition de locaux, de matériels et de véhicules, qu'il remplissait toutes les conditions exigées pour se voir accorder l'agrément litigieux ;
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Considérant que M. B...fait valoir qu'il a pris en crédit-bail, avec des mensualités de 507,82 euros, deux véhicules d'une valeur de 23 658,29 euros chacun, qu'il a souscrit une assurance automobile pour un coût de 430,34 euros auxquels s'ajoutent 47,50 euros de frais de dossier, qu'il a également fait l'acquisition de divers matériels d'aménagements de locaux ou de matériels pédagogiques d'une valeur totale de 4 613,57 euros, qu'il a engagé des frais de dissolution de sa société d'un montant de 873,08 euros et qu'il a enfin subi une perte de 17 205 euros, correspondant au passif de la liquidation de sa société de Chalon-sur-Saône ; qu'il demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant égal au total de ces sommes ;
10. Considérant que si la justification de la disposition d'un seul véhicule était suffisante dans le dossier de demande d'agrément, la circonstance que M. B...avait envisagé de disposer, dès le début de son exploitation, de deux véhicules, ne révèle pas, contrairement à ce que soutient le préfet, une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de l'administration, laquelle se trouve engagée du fait de l'illégalité de la décision de refus d'agrément ;
11. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction qu'un agrément pour l'exploitation, à La Rochelle, à compter du 1er août 2011, dans des locaux différents de ceux de la société ETR Conduite, d'un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur a été accordé à M. B...; que celui-ci n'apporte aucun élément de nature à permettre de regarder le passif de la liquidation de sa société pour l'exploitation, qui avait cessé avant qu'il présente sa demande rejetée par la décision contesté, d'un établissement d'enseignement de la conduite automobile à Chalon-sur-Saône ou les frais de sa dissolution , comme présentant un lien avec l'illégalité de cette décision ; qu'en ce qui concerne les autres frais, le requérant, qui n'établit pas qu'il les aurait tous effectivement exposés, n'apporte pas davantage d'éléments permettant de les regarder, dans leur intégralité, comme ayant été engagés en pure perte ou comme correspondant à des frais supplémentaires résultant du retard avec lequel il a pu commencer à exploiter établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur à La Rochelle ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une somme correspondant au montant de leur totalité ;
12. Considérant, en revanche, que M. B...a subi, du fait de ce qu'il n'a pas pu exercer son activité et n'a perçu aucun revenu de remplacement entre le 7 septembre 2010 et le 31 juillet 2011, un préjudice résultant de ses pertes de bénéfices, dont il sera fait une juste évaluation, compte tenu des éléments avancés par le requérant, en fixant à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité destinée à le réparer ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 15 000 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du ministre de l'intérieur tendant à leur application ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser, en application de cet article, une somme de 1 500 euros à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2012 du tribunal administratif de Poitiers et la décision du 27 septembre 2010 du préfet de la Charente-Maritime sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser une indemnité de 15 000 euros à M.B....
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...et les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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No 13BX00555