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14/10/2014 | FRANCE | N°13BX01512

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 14 octobre 2014, 13BX01512


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 juin 2013, et régularisée par courrier le 6 juin suivant, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001544 du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet que lui a opposé le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique à sa demande indemnitaire préalable du 25 mars 2010 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui ve

rser la somme de 311 186,66 euros au titre des préjudices qu'elle a subis ;

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 juin 2013, et régularisée par courrier le 6 juin suivant, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B...;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001544 du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet que lui a opposé le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique à sa demande indemnitaire préalable du 25 mars 2010 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 311 186,66 euros au titre des préjudices qu'elle a subis ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 311 186,66 euros au titre des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais d'expertise à hauteur de 1 500 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 48 euros en remboursement du droit de timbre et du droit de plaidoirie ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., agent d'administration principal du Trésor public, en fonction à la trésorerie de Cugnaux (Haute-Garonne), a été victime d'une nécrose myocardique rudimentaire, sur son lieu de travail, le 31 janvier 2007 ; qu'elle a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Rangueil où la nécrose a aussitôt été traitée par angioplastie, avant de subir, le 12 février 2007, un triple pontage nécessité par une maladie coronarienne ; que le 22 février 2007, l'intéressée a formulé une déclaration d'accident de travail ; que la commission de réforme départementale de la Haute-Garonne a ajourné sa séance du 23 avril 2007 dans l'attente d'une expertise cardiologique ; que le 12 juin 2007, le docteur Vigreux, cardiologue, a rendu son rapport ; que la commission de réforme a émis, d'une part, un avis favorable à la prise en charge des soins jusqu'au 30 avril 2007 avec un taux d'IPP de 15% et, d'autre part, un avis défavorable à la prise en charge de la prolongation de son arrêt de travail du 1er mai au 31 juillet 2007 ; que, par une décision du 31 décembre 2007, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident en estimant que la preuve d'un lien de causalité direct, certain et exclusif n'était pas apportée, décision qui n'a pas été contestée par la requérante ; que Mme C...ayant sollicité auprès du tribunal administratif le bénéfice d'une expertise médicale, le docteur Ginolhac, psychothérapeute, a rendu son rapport le 29 novembre 2008 ; que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance, du 7 juillet 2009, condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 15 000 euros à titre de provision ; que l'intéressée ayant sollicité une expertise complémentaire, le docteur Ginolhac a déposé son nouveau rapport le 5 février 2010 ; que la requérante a adressé, le 25 mars 2010, une demande préalable au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, par laquelle elle se fonde exclusivement sur la responsabilité pour faute de l'Etat dans la survenance de son accident cardiaque, en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime et demande l'allocation d'une indemnité de 311 186,66 euros ; que Mme C...fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2013, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, sur le fondement de la responsabilité pour faute, la somme précitée de 311.186,66 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ainsi que la somme de 1 500 euros en remboursement des frais d'expertise ; que la mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie venant aux droits de la mutuelle du Trésor, demande de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 876, 37 euros au titre des indemnités pour perte de traitements et salaires pour la période du 1er février au 30 octobre 2008 ainsi que la somme de 4 372,43 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a exposés en faveur de son adhérente ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que MmeC..., qui invoque exclusivement la responsabilité pour faute de l'Etat, doit, pour engager cette responsabilité, établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux ;

3. Considérant qu'à titre principal, en appel, Mme C...soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique ; qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ;

4. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

5. Considérant que, pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la requérante se réfère aux énonciations des deux rapports établis par l'expert judiciaire, le docteur Ginolhac ; que si le ministre fait valoir qu'il n'appartient pas à un expert nommé par le tribunal de se prononcer sur la qualification juridique des faits, la requérante peut néanmoins se prévaloir de l'ensemble des constatations de faits, débattues de façon contradictoire devant la cour, et découlant de l'expertise judiciaire ainsi que des autres expertises ;

6. Considérant toutefois que la qualification de harcèlement moral prononcée par le docteur Ginolhac n'est étayée par aucun autre élément du dossier alors qu'elle est fortement contestée en défense ; que, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, cet expert se borne à procéder, par voie d'affirmations, sans étayer ses propos ; qu'en outre, il est psychothérapeute et non cardiologue comme l'est le docteur Vigreux dont le rapport d'expertise est daté du 12 juin 2007, et a effectué ses deux rapports le 29 novembre 2008 et le 31 janvier 2010, soit à des dates éloignées de l'accident subi par Mme C...; qu'il indique néanmoins que la requérante a connu des difficultés relationnelles avec son chef de poste et souffre d'un état de stress post-traumatique sur fond d'état dépressif résiduel anxieux ainsi que de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de son infarctus ; que si le médecin de prévention, qui a reçu la requérante quelques jours avant son accident, indique que cette dernière lui " a exprimé une souffrance réelle, et [qu'il] a constaté que cette situation de travail avait des retentissements sur sa santé en générant un stress important avec début de somatisation et anxiété manifeste ", il se borne par ailleurs à retranscrire les propos de l'intéressée quant à son ressenti professionnel ; que le rapport d'expertise établi par le docteur Vigreux, le 12 juin 2007, à la demande de la commission de réforme, évoque, outre les doléances de la requérante, des "contrariétés à son travail " et l'existence d'un " stress professionnel important qu'elle ressentait depuis quelques temps et qui a été aggravé le 31 janvier par une nouvelle remarque de sa hiérarchie " ;

7. Considérant que si la requérante soutient avoir, depuis l'arrivée de son nouveau supérieur hiérarchique, en 2006, subi un harcèlement moral, elle n'apporte aucun élément de fait ni aucun témoignage en ce sens ; que si elle fait valoir s'être plainte à sa hiérarchie du comportement de ce supérieur, aucun élément ne vient étayer cette allégation ; qu'aucune circonstance, ni aucun document ou témoignage contemporain de l'année 2006, ne vient corroborer ses dires, alors qu'au contraire, elle a toujours été notée, y compris au titre de l'année 2006 par ce même chef de poste, comme un bon agent, donnant satisfaction dans l'exercice de ses fonctions ; que, si Mme C...a fait l'objet d'une " lettre d'observation " de la part de son chef de service, le 11 janvier 2007, ce qu'elle présente comme une " contrariété " qui aurait été à l'origine de son malaise cardiaque, c'est en raison du fait qu'elle s'est octroyée deux jours de congé supplémentaires, sans autorisation préalable de sa hiérarchie et sans motif particulier ; qu'en ayant agi ainsi, son chef n'a pas excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique ; que dans ces conditions, Mme C...ne peut utilement soutenir que le courrier du 11 janvier 2007 serait la manifestation d'un harcèlement moral ; qu'enfin, si le rapport du docteur Vigreux fait état d'une nouvelle contrariété qu'aurait connue la requérante peu de temps avant son malaise cardiaque, cette dernière n'apporte aucune précision quant à la teneur et au contexte dans lequel se seraient placées les remarques qui lui auraient été faites, émanant d'ailleurs non du chef de service mais de son adjointe ; qu'enfin, la circonstance que l'intéressée n'aurait eu aucun antécédent psychiatrique tout comme celle que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux lui a alloué une provision de 15 000 euros sont sans incidence sur l'absence de faits constitutifs de harcèlement moral ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral imputable au supérieur hiérarchique de la requérante, la faute de service que l'Etat aurait commise en ayant laissé de tels agissements se perpétrer sans prendre les mesures adéquates pour les faire cesser n'est pas établie ;

9. Considérant qu'à titre subsidiaire, la requérante fait valoir en appel que l'accident cardiaque dont elle a été victime aurait été causé par un stress professionnel imputable au service; que cependant, alors même que le rapport du docteur Vigreux relève qu'il est " fort probable qu'à partir de ces lésions latentes ", à savoir les lésions coronariennes préexistantes, " le stress professionnel important qu'elle ressentait depuis quelques temps " " a pu être à l'origine de la nécrose rudimentaire ", Mme C...n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait exercé ses fonctions dans des conditions, matérielles ou psychologiques, de pression anormales en raison d'une faute dans l'organisation du service, d'une mauvaise organisation de celui-ci ou de dysfonctionnements spécifiques, alors qu'au demeurant, les différents rapports médicaux évoqués font état d'une " personnalité anxieuse ", de difficultés personnelles que connaissait l'intéressée ainsi que d'un traitement thyroïdien en cours et difficile à équilibrer ; que, comme cela a déjà été dit ci-dessus au point 7, la lettre d'observation qui lui a adressée par son supérieur n'excédait pas l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique ; que, dans ces conditions, les pièces du dossier ne font pas apparaître d'éléments objectifs établissant l'existence d'un stress professionnel ; que par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurait commis des fautes à l'origine du stress professionnel qu'invoque la requérante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de toute faute de l'Etat, les conclusions présentées par la mutuelle général de l'économie, des finances et de l'industrie (MGEFI) aux fins de remboursement de ses débours exposés en faveur de son adhérente ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

12. Considérant qu'en l'absence de toute responsabilité fautive de l'Etat, les conclusions de Mme C...tendant à ce que celui-ci soit condamné à supporter les frais d'expertise, mis à la charge de la requérante par le jugement attaqué en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, y compris les droits de plaidoirie ; qu'il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du même code, de faire droit aux conclusions de Mme C...tendant au remboursement de la contribution pour l'aide juridique d'un montant de 35 euros que l'intéressée a acquittée ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie venant aux droits de la mutuelle du Trésor, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les sommes de 5 876,37 euros au titre des indemnités pour perte de traitements et salaires et de 4 372,43 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques exposés en faveur de Mme C..., sont rejetées.

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No 13BX01512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01512
Date de la décision : 14/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. JOECKLÉ
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : ATTAL-GALY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-10-14;13bx01512 ?
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