Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C...;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401961 du 1er octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2014 du préfet de la Charente lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient :
- qu'elle produit sa carte de séjour et celle de son époux, délivrées par les autorités italiennes en juillet 2013, expirant le 18 août 2015 ; qu'ainsi, c'est à tort que le préfet a relevé qu'ils se trouvaient en situation irrégulière dans l'espace Schengen ; que la circonstance que ces titres n'ont pas été communiqués à l'administration est sans incidence sur l'erreur manifeste d'appréciation commise notamment en ce qui concerne l'atteinte à sa vie familiale ;
- que sa famille a fixé ses attaches en France où ses quatre enfants sont scolarisés ; qu'elle a suivi une formation linguistique en 2012 ; que son époux a produit des contrats de travail et des bulletins de salaire obtenus grâce à ses formations spécialisées dans le désamiantage, ce qui justifiait d'ailleurs sa demande sur le fondement de l'article 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), demande que le préfet a refusé de transmettre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- que les dispositions de l'article L.313-11-7° du CESEDA ont été méconnues ; qu'en application de l'article 21 de l'accord de Schengen, elle était autorisée à circuler sur l'ensemble du territoire, notamment entre l'Italie et la France ; qu'elle justifie d'ailleurs de fréquents allers et retours ; que la cellule familiale ne peut se reconstituer hors de France ; que ses enfants y ont depuis bientôt 3 ans suivi leur scolarité et noué des relations personnelles ; qu'ils n'ont aucune famille en Italie ;
- qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement de l'article L.511-1 2° du CESEDA ; qu'elle bénéficiait d'un titre de séjour italien et avait respecté le délai de 3 mois pour se rendre régulièrement en Italie ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2014, présenté par le préfet de la Charente, qui conclut au rejet de la requête ;
Il oppose la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des prescriptions de l'article R.411-1 du code de justice administrative et fait valoir :
- que l'intéressée était titulaire d'un titre de séjour italien ne l'autorisant pas à résider plus de 3 mois en France ; que son époux, dont la situation devait être examinée au regard des articles 3 de l'accord franco-marocain et L.311-7 du CESEDA, n'a pas sollicité un visa de long séjour et ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ; que ses derniers bulletins de salaire datent de septembre 2013 ; qu'il n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ; qu'en tout état de cause, il ne justifiait d'aucune circonstance exceptionnelle permettant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L.313-14 du CESEDA ; que s'il a déclaré vivre dans la maison de son père, cette habitation a été signalée comme insalubre ;
- que lors de leur demande du 12 mars 2014, les époux avaient transmis des titres expirant en 2012 et en 2013 ; que les copies illisibles des cartes de séjour italiennes expirant le 18 août 2015 ne présentent aucune garantie d'authenticité ; qu'en tout état de cause, ces titres permettent seulement de circuler en France pendant 3 mois ;
- qu'eu égard notamment à la circonstance que les époux font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement et au caractère récent tant de leur entrée en France que de la scolarisation de leurs enfants sur le territoire, la cellule familiale peut se reconstituer en Italie ; qu'il n'a donc pas porté une atteinte excessive à la vie familiale des intéressés ;
- que ces derniers, qui n'établissent pas être repartis en Italie depuis le 16 décembre 2012, se trouvaient en France depuis plus de 3 mois à la date de l'arrêté contesté et pouvaient donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement de l'article L.511-1 2° du CESEDA ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 15 janvier 2015 à 12 heures ;
Vu le mémoire enregistré le 3 février 2015, présenté pour MmeB... ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 novembre 2014, admettant Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord Schengen conclu le 14 juin 1985 ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine, fait appel du jugement du 1er octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2014 du préfet de la Charente lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
Sur le refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 : " Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre (...) en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres parties contractantes (...)" ; que l'arrêté contesté mentionne que compte tenu de l'expiration de la validité de son titre de séjour italien, Mme B...se trouvait en situation irrégulière dans l'espace Schengen ; qu'en admettant que compte tenu des copies produites en appel, au demeurant illisibles, du titre de séjour italien expirant le 18 août 2015, le préfet aurait commis une erreur de fait en estimant que l'intéressée ne disposait pas d'un titre de séjour régulièrement délivré par une des parties contractantes à la convention de Schengen, il fait valoir dans ses écritures en défense qu'elle séjournait en France depuis plus de trois mois ; qu'en se bornant à soutenir qu'elle se rend régulièrement en Italie et à produire la copie d'une carte d'embarquement et d'un billet d'autocar justifiant d'un départ à Rome le 16 décembre 2012, suivi d'un retour à Bordeaux le 8 janvier 2013, Mme B...n'établit pas être entrée pour la dernière fois en France moins de trois mois avant la décision contestée du 11 avril 2014 ; qu'elle doit, dans ces conditions, être regardée comme se trouvant en situation irrégulière en France à la date de l'arrêté contesté ; que le préfet a pu, pour l'appréciation du caractère excessif de l'atteinte à la vie familiale de l'intéressée, tenir compte de cette circonstance au titre des buts poursuivis par le refus de séjour ;
3. Considérant que le 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire " à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; que si MmeB..., entrée en France selon ses dires en mars 2012, se prévaut de son apprentissage de la langue française, du contrat de travail de son époux et de la scolarisation de ses quatre enfants sur le territoire, il est constant que son époux faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que rien ne s'oppose à ce que ses enfants poursuivent leur scolarité hors de France où la cellule familiale pourra se reconstituer ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, le refus de séjour n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le préfet n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions précitées ;
4. Considérant que si MmeB..., qui fait valoir qu'en dépit du contrat de travail produit par son époux, le préfet s'est abstenu de solliciter l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a entendu exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M.B..., par un arrêt du même jour, la cour a confirmé la légalité de cette décision ;
Sur la mesure d'éloignement :
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français (...) s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ; qu'en vertu de l'article L.511-3 du même code, ces dispositions sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention de Schengen, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer, notamment, aux stipulations, citées au point 2, de l'article 21 de ladite convention, prévoyant que les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par un autre Etat contractant peuvent, sous le couvert de ce titre en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum dans l'espace Schengen ;
6. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que Mme B...n'établit pas être entrée pour la dernière fois en France moins de trois mois avant la décision contestée du 11 avril 2014 ; qu'elle doit, dans ces conditions, être regardée comme s'étant maintenue sur le territoire français au-delà d'un délai de trois mois à compter de son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et comme se trouvant ainsi dans le cas où le préfet pouvait légalement faire application du 2° du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obliger à quitter le territoire ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2015 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Bertrand Riou, président-assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mars 2015.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse LACAU Le président,
Aymard de MALAFOSSE
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Virginie MARTY
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No 14BX03067