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02/06/2015 | FRANCE | N°14BX03290

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 02 juin 2015, 14BX03290


Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2014, présentée pour DjamelB..., demeurant..., par Me Cohen Tapia, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403305 du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays d'éloignement ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'

enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification...

Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2014, présentée pour DjamelB..., demeurant..., par Me Cohen Tapia, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403305 du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays d'éloignement ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 600 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des droits de plaidoirie prévus par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité algérienne, serait entré en France le 6 avril 2013, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa de trente jours délivré par le consul général de France à Oran ; qu'ayant épousé en Algérie, le 21 janvier 2010, une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, il a sollicité le 6 janvier 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par arrêté du 19 juin 2014, le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé un refus de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné l'Algérie comme pays d'éloignement en cas d'exécution forcée de cette obligation ; que M. B...interjette appel du jugement du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité ;

Sur la demande tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a, par une décision du 2 décembre 2014, admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union " ;

4. Considérant que, lorsque le préfet refuse de délivrer ou de renouveler un titre de séjour à un ressortissant étranger qui en fait la demande, il ne saurait être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne au sens des stipulations précitées de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il suit de là que le moyen invoqué par M. B...et tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait méconnu le principe posé par l'article 41 de ladite charte faute de l'avoir mis à même de faire connaître ses observations avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

5. Considérant, il est vrai, que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

6. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que, par suite, si M. B...n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire vers l'Algérie, cette seule circonstance n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté vise les stipulations conventionnelles, notamment les articles 6 (5°) et 7 (b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et les dispositions législatives, en particulier les I, II et III de l'article L. 511-1 du CESEDA, dont le préfet de la Haute-Garonne a fait application ; que cet acte rappelle les conditions d'entrée et de séjour de M. B...sur le territoire français, sa situation familiale, les conditions dans lesquelles son épouse a pu obtenir un certificat de résidence de dix ans, la situation professionnelle de cette dernière et la promesse d'embauche dont il se prévaut ; que l'arrêté, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il repose, est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 511-1 du CESEDA ; qu'il résulte de cette motivation que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.B... ;

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Considérant que, pour le même motif que celui exposé au point 4, M. B...n'invoque pas utilement la méconnaissance des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que, si M. B...soutient qu'il justifie d'une communauté de vie stable et effective avec son épouse, mère de son enfant né le 27 juin 2012 à Toulouse, et que cette dernière ne peut quitter le territoire français en raison de son emploi, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a rejoint son épouse presqu'un an après la naissance de l'enfant et qu'il séjournait sur le territoire national, au demeurant irrégulièrement, seulement depuis à peine plus d'un an à la date de la décision attaquée ; qu'il ne justifie pas d'autre attache sur le sol français ; que la circonstance que son épouse, algérienne ayant pu obtenir un certificat de résidence de dix ans, bénéficie d'un emploi à Toulouse dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de trente six mois ne fait nullement obstacle à son retour en Algérie pour permettre à la cellule familiale de se reconstituer ; que, dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour, non plus que l'obligation de quitter le territoire national vers ce pays, ne porte au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui les fondent ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour, qui ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation, ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui dispose que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ", n'est pas invoqué pertinemment à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ; qu'aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, qui peut être utilement invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français : " Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) " ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 10, la circonstance que Mme B... bénéficie d'un contrat de travail à durée déterminée ne fait pas obstacle, par elle-même, à son retour dans son pays d'origine pour permettre le maintien de la cellule familiale, au demeurant reconstituée depuis à peine plus d'un an à la date de l'arrêté attaqué ; que le requérant n'invoque aucune circonstance particulière qui s'opposerait au départ de l'enfant vers l'Etat d'origine de ses deux parents ; que, dans ces conditions, les décisions attaquées ne sauraient être regardées comme ayant méconnu l'intérêt primordial de l'enfant ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant comme l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas invoquées à juste titre ;

14. Considérant que M. B...ne se prévaut pas utilement du paragraphe 1 de l'article 9 de la convention précitée, aux termes duquel " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré ", qui n'a d'autre objet que de créer des obligations entre Etats membres sans ouvrir de droits à leurs ressortissants ; que l'intéressé ne peut davantage invoquer utilement la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, qui est dépourvue de valeur règlementaire ;

15. Considérant que les dispositions de l'article 373-2-6 du code civil, qui se rapportent à l'intervention du juge aux affaires familiales en cas de conflit entre les parents sur les décisions à prendre au sujet de l'enfant, ne font pas obstacle, par elles-mêmes, à ce que l'autorité préfectorale prononce, sur le fondement des dispositions législatives du CESEDA, une mesure d'éloignement à l'égard d'un parent d'enfant séjournant sur le sol national ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies et ses demandes tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'au remboursement les droits de plaidoirie doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant au bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M B...est rejetée.

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N° 14BX03290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX03290
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PRIOLLAUD COHEN-TAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-02;14bx03290 ?
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