Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2013, présentée pour M. et Mme E...D..., demeurant..., par Me A...C... ;
M. et Mme D...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1101678, 1101824, 1101825 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2005, 2006, 2007 et 2008 et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ainsi que des majorations et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la convention franco-britannique du 22 mai 1968 en matière d'impôt sur les revenus ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :
- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Lecomte, avocat de M. et MmeD... ;
1. Considérant que M. et Mme D...font appel du jugement du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 à 2008 ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L' auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ; que, si elle reprend les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance et si elle est formulée, dans une large mesure, dans les mêmes termes qu'en première instance, la requête de M. et Mme D...ne consiste pas dans la seule reproduction littérale et exclusive de la demande présentée au tribunal administratif et énonce de manière précise les moyens invoqués à l'encontre du jugement attaqué et des impositions litigieuses ; qu'elle satisfait, ainsi, aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et n'est, dès lors, pas irrecevable ;
Sur le moyen relatif à l'avis d'imposition :
3. Considérant que les omissions ou erreurs qui peuvent entacher l'avis d'imposition sont sans influence sur la régularité ou sur le bien-fondé de l'imposition ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement, au titre de l'année 2007, mentionnerait une somme de 23 338 euros qui ne peut être imputée à Mme D...dès lors qu'elle n'a jamais exercé d'activité passible d'impôt, est inopérant ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la qualité de marchand de biens :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. (...) 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'application du régime d'imposition relatif aux bénéfices industriels et commerciaux est subordonnée à la réalisation à titre habituel et dans une intention spéculative des opérations qu'elles mentionnent et qu'une telle intention doit être recherchée à la date de l'acquisition des biens immobiliers, fonds de commerces ou titres concernés, et non à la date de la cession ;
5. Considérant que, s'il est vrai que la maison sise au lieudit Herron à Moncrabeau, acquise en 1989, est demeurée la résidence principale des requérants et que la maison acquise en 2007 à Nérac l'a été au nom de la Sarl Herron Propriétés, il n'en reste pas moins que M. D...a acquis par trois transactions réalisées entre 2001 et 2006 des maisons qui ont été revendues entre 2005 et 2007, ce qui suffit à caractériser la condition d'habitude ;
6. Considérant que, si les requérants font valoir que la maison sise rue de la Fontaine à Moncrabeau, a été achetée en 2001 en vue de leur servir d'habitation dans l'attente de travaux importants devant être réalisés sur leur résidence principale, d'une part, les éléments qu'ils produisent ne permettent pas de tenir pour établie la nécessité en 2001 de quitter cette résidence pour la raison qu'ils indiquent, d'autre part, ils ont continué à recevoir leur courrier à leur ancienne adresse, enfin la maison acquise en 2001 l'a été pour un montant d'un peu plus de 15 000 euros seulement, ce qui tend à démontrer son mauvais état, et a été revendue seulement quatre ans plus tard pour un prix de 120 000 euros ; que, dans ces conditions, l'acquisition dont il s'agit ne peut être regardée comme dénuée d'intention spéculative ; qu'il en va de même s'agissant, d'une part, de l'acquisition le 22 septembre 2004 d'une maison à Mézin pour le prix de 121 960 euros, celle-ci ayant été revendue le 18 décembre 2005, soit à peine un peu plus d'un an après, pour le prix de 341 030 euros sans que soit établie l'intention des époux D...de s'y établir durablement, d'autre part, de l'acquisition le 9 mai 2006 d'une autre maison à Mézin pour le prix de 68 500 euros, celle-ci ayant été revendue, le 30 octobre 2007, soit seulement un an et six mois après, pour le prix de 182 500 euros sans que puisse être regardée comme suffisamment établie par les pièces versées au dossier l'intention des époux D...de s'y établir durablement ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration a pu estimer à juste titre que M. D...s'était livré au cours des années en litige à une activité relevant des dispositions précitées de l'article 35 du code général des impôts ; que la circonstance, à la supposer établie, que les requérants auraient par ailleurs été imposés au titre des plus-value immobilières est sans influence sur le bien-fondé de l'imposition résultant de l'activité de marchand de biens ;
En ce qui concerne le rehaussement des bénéfices de l'Eurl Batim :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.(...) "; qu'aux termes de l'article 60 du même code : " Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels. Ces sociétés sont tenues aux obligations qui incombent normalement aux exploitants individuels, " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'est pas porté atteinte au principe suivant lequel les sociétés concernées ont une personnalité et un patrimoine distincts des personnes et des patrimoines des associés et que le bénéfice net imposable d'une de ces sociétés, bien qu'il doive être déterminé dans les conditions fixées par le code général des impôts pour les exploitants individuels, doit être arrêté à l'égard de la société et, notamment, en ne tenant compte que des charges déductibles qui sont les charges propres de celle-ci ;
9. Considérant que l'Eurl Batim, dont M. D...est le gérant et l'unique associé, a réalisé des travaux de rénovation immobilière qui ont donné lieu à l'établissement en novembre 2005 de trois factures pour un montant total de 83 469, 22 euros ; que ce montant n'ayant pas été porté en tant que produits dans la comptabilité de l'Eurl, ce qui n'est pas contesté, l'administration a rehaussé d'autant le bénéfice déclaré par cette société au titre de l'exercice clos en 2005, imposable entre les mains de M.D... ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 8, les charges exposées personnellement par M. D...ne peuvent être prises en compte pour la détermination du bénéfice de l'Eurl ; que l'Eurl s'est abstenue de répondre à la proposition de rectification qui lui a été adressée et est ainsi réputée avoir accepté le redressement ; qu'aucun élément n'est versé au dossier qui permette de regarder l'administration comme ayant insuffisamment pris en compte les charges exposées par l'Eurl dans l'exercice de son activité au cours de l'exercice en litige ; que, si les requérants demandent l'application des dispositions de l'article L 205 du livre des procédures fiscales, ces dispositions ne sauraient permettre une compensation entre les produits réalisés par l'Eurl et les charges supportées par celle-ci ;
En ce qui concerne l'activité de la Sarl Herron Propriétés :
10 Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
11. Considérant que l'administration, après avoir constaté que le compte courant d'associé de M. D...ouvert dans les écritures de la société Herron Propriétés, dont il est le gérant, était crédité au 31 décembre 2007 des sommes de 8 000 euros et 7 600 euros, a imposé celles-ci dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que les requérants soutiennent que le montant de 8 000 euros correspondrait à un versement que M. D...aurait consenti, lors de transactions immobilières, au profit de la société ; que, toutefois, cette affirmation n'est pas assortie d'éléments propres à la justifier et ne saurait, dès lors, faire échec à la présomption rappelée au point 10 ;
En ce qui concerne l'imposition de revenus distribués par la société Workeurope Ltd :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts : "(...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions" ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 en matière d'impôt sur les revenus : "Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable" ; que le paragraphe 1 de l'article 4 de la même convention stipule : "Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité" ;
13. Considérant que l'administration a estimé que la société Workeurope Ltd, société de droit britannique, disposait d'un établissement stable en France la rendant passible de l'impôt sur les sociétés et a imposé entre les mains de M.D..., considéré comme le maître de l'affaire, les revenus réputés distribués par cette société en 2006, 2007 et 2008 et procédant de la reconstitution par l'administration de ses bénéfices ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Workeurope Ltd, qui a son siège social à Londres, a pour activité le recrutement d'artisans tchèques en vue de les mettre à la disposition de ses clients pour la réalisation de travaux dans le bâtiment ; que ses dirigeants statutaires sont MmeF..., qui réside en République tchèque, et M. B...D..., fils du contribuable ; que les contrats de recrutement sont signés par MmeF..., dont il n'est pas contesté qu'elle est seule capable de rechercher et sélectionner les artisans tchèques recrutés par la société ; que le fait, invoqué par l'administration, que M.D..., qui possède 1/1000 ème du capital de cette société, ait exercé les fonctions de secrétaire des assemblées de la société et ait utilisé les services de celle-ci pour la réalisation de chantiers en France via notamment l'Eurl Batim, ne saurait suffire à faire regarder la société Workeurope comme disposant, pour exercer son activité de recrutement d'artisans tchèques, d'un établissement en France ; que, dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a estimé que cette société était passible de l'impôt sur les sociétés en France et a, en conséquence, imposé entre les mains de M. D...les revenus réputés distribués par cette société ;
Sur les pénalités :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) " ;
16. Considérant qu'en relevant que D...ne pouvait ignorer, d'une part, l'obligation de justifier du bien-fondé des sommes inscrites au crédit de son compte courant dans les écritures de la société Herron Propriétés pour un montant total de 15 000 euros, d'autre part, que les montants des trois factures émises par l'Eurl Batim pour un montant total de plus de 80 000 euros devaient être inscrits dans la comptabilité de cette entreprise, l'administration établit suffisamment l'intention d'éluder l'impôt et, partant, le bien-fondé de la pénalité qu'elle a appliquée, en application des dispositions précitées, sur les impositions procédant de ces deux chefs de redressement ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en tant qu'elle portait sur les revenus réputés distribués par la société Workeurope Ltd et les pénalités y afférentes ;
18. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme D...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition de M. et Mme D...à l'impôt sur revenu au titre des années 2006 à 2008 sont diminuées des sommes qui ont été incluses dans les revenus de capitaux mobiliers à raison de revenus réputés distribués par la société Workeurope Ltd.
Article 2 : M. et Mme D...sont déchargés de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis et celles résultant de la réduction de base prononcée à l'article 1er ci-dessus, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 avril 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D...est rejeté.
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N° 13BX01761