Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité inter-entreprises des Trois Chênes a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a décidé de prononcer la fermeture définitive du camping de La Davière situé à la Couarde-sur-Mer.
Par un jugement n° 1102087 du 5 février 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande du comité inter-entreprises des Trois Chênes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 mars 2014, le 9 février 2015 et le 8 avril 2015, le comité inter-entreprises des Trois Chênes, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 21 juillet 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 94-614 du 13 juillet 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant le comité inter-entreprises des Trois Chênes.
Une note en délibéré présentée par le comité inter-entreprises des Trois Chênes.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a inondé le camping de La Davière situé à la Couarde-sur-Mer sur l'Île-de-Ré (Charente-Maritime). Par arrêté du 28 avril 2010, le maire de la Couarde-sur-Mer a interdit provisoirement l'exploitation de ce camping. Par courrier du 2 juillet 2010, le préfet de la Charente-Maritime a invité le maire précité à engager une procédure de fermeture définitive du camping en raison du danger d'inondation pour ses occupants. Toutefois, le maire a, par arrêté du 29 juillet suivant, autorisé la réouverture de celui-ci. Après une mise en demeure restée sans suite, l'autorité préfectorale a prononcé, par arrêté du 21 juillet 2011, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, la fermeture définitive du camping de La Davière. Le comité inter-entreprises (CIE) des Trois Chênes, propriétaire de ce camping, fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 février 2014, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'intérieur :
2. Aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant (...) les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...), il est réputé s'être désisté. " ;
3. Si le CIE des Trois Chênes a intitulé sa requête d'appel " requête sommaire " et y a expressément annoncé la production d'un mémoire ampliatif, qui n'avait pas été produit à la date de la première clôture de l'instruction, fixée au 20 octobre 2014 par une ordonnance du 9 septembre 2014, aucune mise en demeure de produire un mémoire complémentaire ne lui a été faite par la cour administrative d'appel sur le fondement de l'article R. 612-5 du code de justice administrative. Une ordonnance de clôture ne valant pas mise en demeure, la circonstance que le mémoire ampliatif a été déposé par le requérant après la première clôture est sans incidence en l'espèce, les textes applicables devant les cours administratives d'appel n'imposant aucun délai pour produire un mémoire ampliatif annoncé dans une requête sommaire et alors au demeurant que l'instruction a été rouverte en raison de la production du premier mémoire en défense du ministre de l'intérieur le 20 octobre 2014, puis la clôture reportée à deux reprises. En tout état de cause, le fait que le CIE ait intitulé sa requête " requête sommaire " est sans incidence, dès lors qu'elle est suffisamment motivée, contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions et satisfait ainsi aux exigences de l'article R.411-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de ce que le CIE des Trois Chênes devrait être regardé comme s'étant désisté de l'action ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les inondations, (...) ". Aux termes de l'article L. 2215-1 du même code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; (...) ".
5. En premier lieu, si le CIE a introduit sa requête d'appel le 21 mars 2014, il n'a soulevé des moyens de légalité externe, tenant au respect du caractère contradictoire de la procédure, que par son mémoire enregistré le 8 avril 2015, soit au-delà de l'expiration du délai d'appel puisqu'il ressort de l'accusé de réception de la notification du jugement attaqué que celle-ci lui a été faite le 11 février 2014. Par suite, ces moyens de légalité externe, qui reposent sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne, sont irrecevables.
6. En second lieu, pour prononcer la fermeture définitive du camping de La Davière, qui se situe en zone inondable, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé sur le risque grave et avéré d'atteinte à la sécurité des campeurs, l'éloignement de la zone sécurisée et la difficulté d'une évacuation à pied en cas de submersion marine des pistes cyclables, des travaux de mise en sécurité ne suffisant pas à protéger le camping en cas de submersion, et un cahier de prescriptions incomplet et totalement insuffisant dans la prise en compte du risque d'inondation. Pour prendre cet arrêté, le préfet s'est notamment appuyé sur l'avis du 10 mai 2011, défavorable à la poursuite de l'exploitation, émis par la direction départementale de la protection des populations, la direction départementale des territoires et de la mer et par le service interministériel de défense et de protection civile, ainsi que sur les rapports de janvier et de mars 2011 établis par les missions d'expertise du CGEDD et de la direction de la sécurité civile. Il ressort des pièces du dossier et notamment desdits rapports, que le terrain de camping de La Davière, situé dans la partie la plus étroite de l'île de Ré correspondant à un isthme historiquement submersible, classé en zone urbaine fortement inondable par le plan de prévention des risques naturels de la commune de la Couarde-sur-Mer établi en 2002, a été, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, submergé à 90 % avec une hauteur d'eau allant jusqu'à 1,60 mètre. Selon le rapport du CGEDD, la partie basse du terrain est " impropre à une utilisation comme terrain de camping autorisé " car elle peut " connaître des venues d'eau nécessitant des évacuations récurrentes en toutes saisons ", cette partie étant d'ailleurs régulièrement inondée lors des tempêtes d'hiver, alors que la partie du site comprise entre 3 et 3,80 mètres NGF est " inondable lors d'évènements rares mais moins exceptionnels que Xynthia ". Le rapport de la direction de la sécurité civile relève que le cahier des prescriptions d'alerte et d'évacuation ne répond pas aux exigences fixées par le décret du 13 juillet 1994 relatif aux prescriptions permettant d'assurer la sécurité des occupants des terrains de camping et de stationnements de caravanes soumis à un risque naturel ou technologique prévisible et qu'il est " très insuffisant pour justifier le fonctionnement de ce camping dans la situation de risque majeur où il se trouve ". Ce rapport souligne également que le seul point de regroupement identifié dispose d'une capacité d'accueil très insuffisante pour servir de refuge en cas d'inondation et que la possibilité d'utiliser les structures d'accueil de la commune est exclue en raison de l'isolement géographique du site. Si le CIE fait valoir que la reconstruction de la digue du Boutillon est de nature à atténuer le risque, il ressort au contraire du rapport du CGEDD que " compte tenu de la nouvelle structure du couronnement de la digue, la partie basse du terrain de camping est susceptible d'être inondée plus fréquemment que par le passé, y compris pendant l'été lors de coups de vent du sud survenant par fort coefficient de marée ". Enfin, si le requérant allègue qu'il peut faire évoluer le cahier des prescriptions, construire un refuge sur la toute petite partie du site qui n'a pas été inondée en février 2010 et que des travaux de renforcement des digues intérieures du Fier d'Ars sont en cours, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision du préfet, qui s'apprécie à la date de son édiction. En tout état de cause, il ressort des termes du rapport de la direction de la sécurité civile que " les différentes actions qui peuvent être réalisées par le gestionnaire du camping pour en accroître la sécurité face au risque de submersion marine, quelle que soit leur ampleur, ne peuvent compenser les effets cumulatifs de certains paramètres de vulnérabilité ", à savoir, comme cela a été dit ci-dessus, un aléa fort de submersion marine associé à l'isolement géographique du site et à la quasi-impossibilité de mettre en sécurité les occupants dans des locaux en dur. Dans ces conditions, quand bien même toutes les parties du site ne seraient pas soumises à un aléa de submersion identique, en prenant une mesure de fermeture définitive du camping de La Davière, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas pris une mesure disproportionnée par rapport à l'objectif de sécurité poursuivi.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le CIE des Trois Chênes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le CIE des Trois Chênes sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête du CIE des Trois Chênes est rejetée.
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N° 14BX01002