Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société à responsabilité limitée (Sarl) Net et Business a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 20 juillet 2012 par laquelle le préfet de la région Centre a mis à sa charge, solidairement avec ses dirigeants, le versement au Trésor public de la somme de 67 500,11 euros, sur le fondement des articles L. 6354-1, L. 6354-2 et L. 6362-7-1 du code du travail, d'ordonner le sursis au paiement de cette somme, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1201408 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2014, la société Net et Business, représentée par la SCP Thibault-Gravat-Bayard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 octobre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2012 du préfet de la région Centre ;
3°) d'ordonner le sursis au paiement de la somme de 67 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Net et Business a pour objet la vente de matériels informatiques et multimédia et de toutes prestations s'y rapportant, la formation et le développement de logiciels, l'ingénierie informatique, l'audit et le conseil, et est déclarée comme organisme dispensateur de formation professionnelle depuis le 1er février 2002. En 2011, elle a fait l'objet d'un contrôle administratif et financier diligenté par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre. A l'issue de ce contrôle, le préfet de la région Centre, par une décision du 24 avril 2012, a ordonné le versement au bénéfice du Trésor public d'une somme équivalente aux aides perçues frauduleusement auprès des organismes paritaires collecteurs agréés, soit 67 500,11 euros, au titre des exercices 2009 à 2011. Le recours administratif préalable formé par la société Net et Business contre cette décision a été rejetée par une décision du 20 juillet 2012. La société Net et Business fait appel du jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif de Limoges, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Centre du 20 juillet 2012 par laquelle il a confirmé sa décision initiale du 24 avril 2012.
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 6361-1 du code du travail : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs (...) et sur les actions prévues aux articles L. 6316-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue. ". Aux termes de l'article L. 6361-3 du même code : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 6362-6 du code du travail : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. ". En vertu de son article L. 6354-1 : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait. ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 6354-2 du code du travail, applicable jusqu'au 25 novembre 2009 : " En cas de manoeuvres frauduleuses relatives à l'exécution d'une prestation de formation, le ou les contractants sont assujettis à un versement d'égal montant de cette prestation au profit du Trésor (...) ". Aux termes de l'article L. 6362-7-2 du même texte dans sa version applicable à compter du 26 novembre 2009 : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus. ".
5. En application de ces dispositions, les organismes dispensateurs de formation professionnelle continue doivent établir, par tout document, d'une part, la réalité des actions de formation prévues par les conventions de formation qu'ils ont conclues, d'autre part, la conformité des dépenses à ces stipulations, en contrepartie des fonds qu'ils reçoivent.
6. Il ressort des pièces du dossier que la société Net et Business a fait l'objet, au cours de l'année 2011, d'un contrôle diligenté par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre, au titre des exercices 2009 à 2011, portant sur la réalisation des conventions de formation passées par des employeurs pour la formation de leurs salariés et pour ses salariés titulaires de contrats de professionnalisation, et sur l'usage des fonds perçus du Fonds d'assurance formation ingénierie et conseil (FAFIEC) et de l'Organisme paritaire collecteur agrée des métiers de l'informatique, de l'ingénierie et du conseil (OPCALIA) Centre. A l'issue de ce contrôle, le préfet de la région Centre a mis à la charge de la société requérante le versement au Trésor public d'une somme totale de 67 500,11 euros.
7. L'analyse des agendas numériques des salariés stagiaires en contrat de professionnalisation et des formateurs, des feuilles d'émargement des formations et des fiches d'intervention en clientèle de ces derniers a révélé, par recoupement, que le temps passé à des interventions telles que la vente, la maintenance, le dépannage et l'installation de matériels chez les clients, avaient été comptabilisé comme du temps consacré à la formation. Si, pour expliquer ces incohérences, la société requérante fait valoir que les interventions chez les clients font partie intégrante de la formation pratique dispensée, elle n'apporte, au soutien de ses allégations, aucun élément de nature à en établir l'exactitude qui, contrairement à ce qu'elle affirme, ne ressort pas des plannings de formation qui ne mentionnent aucune séquence d'enseignement pratique en situation. Par ailleurs, il n'est pas contesté que les feuilles d'émargement des six stagiaires en contrat de professionnalisation, établis a posteriori et à titre de régularisation ne sont pas probants, alors qu'au surplus, le gérant a reconnu lors du contrôle avoir signé en qualité de formateur des feuilles d'émargement pour des formations qu'il n'a pas dispensées. S'agissant en particulier de la formation de M. B...pour la qualification de webdesigner/webmaster, les feuilles d'émargement et les plannings du salarié et du formateur n'ont pas permis de vérifier quelles journées ont été consacrées à la formation et sa consistance. La formation intitulée " réseau-VPN-serveurs " au profit de M.A..., salarié de la société Net et Business, d'une durée prévisionnelle de dix-sept jours, n'a pu matériellement se déroulée, dès lors que M. A...a émargé à la fois comme stagiaire et comme formateur aux mêmes dates, et alors que, par ailleurs, son agenda numérique indiquait qu'il bénéficiait alors d'un congé de paternité. La circonstance alléguée qu'elle aurait pu bénéficier d'exonérations de cotisations sociales au titre des années 2008 à 2011 pour ses établissements situés en ZFU n'est pas de nature à établir la réalité des formations de ses salariés en contrat de professionnalisation que la société requérante prétend avoir menées au cours des années 2009, 2010 et 2011.
8. Les services de contrôle étaient également fondés à remettre en cause la réalité des formations qui auraient été assurées au profit des sociétés Autissier et Sport et Loisirs. La société requérante n'établit pas la réalité de la formation intitulée " action photoshop " au profit de la société Autissier, facturée à l'OPCALIA Centre à hauteur de 3 150 euros, dès lors que l'agenda numérique du formateur indique que pour chacune des dates émargées, il était affecté à d'autres missions. S'agissant de la formation " action webdesign/création de site " au profit de la même société, devant se dérouler du 9 au 23 décembre 2008 et facturée à l'OPCALIA Centre 2 009,28 euros, il ressort des feuilles d'émargement que le formateur n'y a consacré que deux jours sur les huit jours de formation prévue. Quant à la formation intitulée " action gestion commerciale " au profit de la société Sport et Loisirs devant prétendument se dérouler du 8 au 10 décembre 2009, les feuilles d'émargement sont également dépourvues de valeur probante, dès lors qu'elles sont en contradiction avec l'agenda numérique du formateur indiquant qu'il se trouvait alors occupé à d'autres missions. Ainsi, les incohérences nombreuses affectant ces formations, non sérieusement contredites par la société requérante, justifiaient la remise en cause de la réalité de ces formations.
9. Enfin, la société Net et Business conteste s'être livrée délibérément à des manoeuvres frauduleuses au sens des dispositions précitées des articles L .6354-2 et L. 6362-7-1 du code du travail, en soutenant que l'élément intentionnel de la fraude n'est pas caractérisé. Toutefois, les constatations du service de contrôle ont permis d'établir que la société requérante a affecté ses salariés en contrat de professionnalisation ainsi que leur formateur à des tâches d'intervention en clientèle, physique ou téléphonique, pendant le temps qui aurait dû être consacré à la formation professionnelle, et qu'elle a établi a posteriori de fausses feuilles d'émargement qu'elle a communiqué aux organismes paritaires collecteurs agréés, alors qu'elle ne pouvait ignorer l'inexistence des prestations correspondantes. En appel, la société Net et Business n'apporte aucun élément de nature à infirmer ces constatations. Dans ces conditions, le préfet de la région Centre doit être regardé comme établissant que la société Net et Business a utilisé intentionnellement des documents de nature à éluder ses obligations en matière de formation professionnelle continue et à obtenir indûment la prise en charge de la quasi-totalité du prix des prestations de formation professionnelle lié à l'action litigieuse. En estimant que ces procédés, par leur caractère répété et manifestement volontaire, étaient nécessairement constitutifs de manoeuvres frauduleuses, et en ordonnant le reversement par la société Net et Business au Trésor public de la somme totale de 67 500,11 euros, le préfet de la région Centre fait une exacte application des dispositions précitées.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Net et Business n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la société Net et Business tendant à ce que soit ordonné le sursis au paiement des sommes mises à sa charge doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la Société Net et Business demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Net et Business est rejetée.
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N° 14BX03485