Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...B..., épouse C...a demandé, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à lui verser la somme de 697 730 euros en réparation de ses préjudices subis du fait de l'intervention pratiquée le 4 avril 2000.
Par un jugement n° 1000320 du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir sursis a statuer par un premier jugement du 13 mars 2012 sur ces conclusions jusqu'à ce qu'il ait été procédé à l'expertise décidée par ce jugement, a condamné le CHU de Bordeaux à verser à Mme C...la somme de 18 561,33 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie(CPAM) de la Gironde la somme de 8 250,08 euros et à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) la somme de 2 806,67 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mai 2014, présentée par Me Delmouly, avocat, Mme C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1000320 du 1er avril 2014 du tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu'il lui accorde une indemnité d'un montant insuffisant ;
2°) de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser une indemnité de 682 730 euros ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er décembre 2015 :
- le rapport de M. Bernard Leplat,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de Me Delmouly, représentant MmeC..., et de MeA..., représentant l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 avril 2000, MmeC..., alors âgée de 50 ans, a subi une intervention au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour traiter des troubles urinaires, digestifs et gynécologiques, suivie d'une reprise chirurgicale, le 9 avril, révélant une perforation du colon sigmoïde, puis d'une nouvelle intervention de reprise de la continuité intestinale, le 16 juin 2000. Enfin, une nouvelle intervention a dû être réalisée le 16 mars 2001 du fait d'une éventration. Des expertises ont été effectuées en exécution de l'ordonnance du 29 décembre 2003, modifiée le 9 janvier 2004, du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux puis de l'ordonnance du 7 septembre 2004, modifiée le 24 septembre 2004, du même juge des référés. Une nouvelle expertise a été effectuée en exécution du jugement du 13 mars 2012 du tribunal administratif de Bordeaux décidant d'un supplément d'instruction avant de statuer sur la demande au fond de MmeC.... Celle-ci relève appel du jugement du 1er avril 2014 du tribunal administratif de Bordeaux statuant au fond, en tant qu'il lui accorde une indemnité d'un montant insuffisant. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde et la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO), demandent également à la cour de réformer ce jugement en leur accordant des sommes d'un montant plus élevé.
Sur l'appel de MmeC... :
En ce qui concerne la responsabilité :
2. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports des expertises, et il n'est pas contesté que deux fautes peuvent être retenues au passif du CHU de Bordeaux. Il s'agit, d'une part, de celle dans le fonctionnement du service résultant de ce que Mme C...n'a pas été informée des risques potentiels liés à l'intervention réalisée et de ce que cette intervention impliquait l'exérèse du col utérin restant. Il s'agit, d'autre part, de la faute médicale, constituée par un suivi post-opératoire défaillant de l'intervention du 4 avril 2000, qui a conduit à un retard de diagnostic d'un état sub-occlusif, lequel a rendu plus délicates les interventions qui ont dû être ensuite pratiquées et a donc pu accentuer certaines des complications dans leurs suites. Comme l'a estimé à bon droit le tribunal administratif de Bordeaux, les pourcentages représentatifs de l'ampleur de la perte de chance d'échapper au dommage qui s'est réalisé résultant de ces deux fautes ne sont pas susceptibles de se cumuler pour la détermination de la fraction du dommage dont la réparation doit être mise à la charge de l'hôpital et la perte de chance dont l'ampleur est la plus importante et qui devrait être retenue pour cette détermination serait celle résultant du retard de diagnostic.
3. En revanche, Mme C...soutient que cette erreur de diagnostic est de nature à engager l'entière responsabilité du CHU de Bordeaux et que c'est donc à tort que le jugement attaqué a estimé qu'elle ne lui avait fait perdre qu'une chance de 50 % et à fixé à ce pourcentage la fraction du dommage dont la réparation devait être mise à la charge de l'hôpital. Il est vrai que le rapport de l'expertise effectuée en exécution du jugement du 13 mars 2012 du tribunal administratif de Bordeaux relève que les complications pariétales sont entièrement imputables à la faute commise dans le suivi post-opératoire de l'intervention du 4 avril. Toutefois, cette observation fait suite aux constatations de ce que la perforation du colon sigmoïde ne résulte d'aucune faute et de ce que l'intervention du 9 avril aurait certainement dû être pratiquée plus tôt si l'équipe soignante, qui a mis à tort les doléances de la patiente sur le compte de ses troubles psychologiques, l'avait diagnostiquée plus rapidement mais était rendue nécessaire par cette perforation. Dans ces conditions, c'est à bon droit et sans contredire les rapports des expertises, que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le retard de diagnostic n'a eu pour effet que de faire perdre à Mme C...une chance d'éviter les complications, qui se sont notamment traduites par l'éventration qui a rendu nécessaire la nouvelle intervention du 16 mars 2001, qu'elle a dû supporter.
En ce qui concerne les préjudices :
Quant aux préjudices patrimoniaux :
4. Pour évaluer les préjudices résultant des pertes de revenus subies par Mme C... pendant les périodes d'incapacité temporaire totale, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur ses revenus déclarés au titre des années précédentes. Mme C...se borne à soutenir que cette évaluation aurait dû être effectuée sur la base des revenus de ses remplaçants pendant ces périodes d'incapacité temporaire totale. Elle n'apporte ainsi aucun élément de nature à remettre en cause la méthode d'évaluation retenue par les premiers juges.
5. Pour rejeter les demandes de Mme C...relatives à la réparation du préjudice subi du fait des pertes de revenus, y compris en ce qui concerne ses droits à pension de retraite, après la fin de son incapacité temporaire totale, et de l'ensemble de son préjudice professionnel, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé, après avoir relevé qu'elle avait déjà dû cesser son activité à plusieurs reprises auparavant pour des raisons relatives à son état de santé, que l'impossibilité de reprendre " ses activités professionnelles postérieurement aux interventions subies à compter d'avril 2000 ne saurait être regardée comme étant en lien direct et certain avec les fautes imputables au centre hospitalier ". MmeC..., qui se borne à invoquer les conséquences graves, notamment psychologiques, de l'intervention, qui ne sont pas toutes imputables à la faute commise, n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté ces demandes.
Quant aux préjudices personnels :
6. Mme C...soutient que c'est à tort que, pour déterminer le taux de l'incapacité permanente partielle dont elle reste atteinte, le tribunal administratif de Bordeaux a exclu la prise en compte des séquelles abdominales. Toutefois, il ressort du point 20 des motifs de son jugement, qu'en se fondant sur les rapports des expertises, il a relevé, d'une part, que la totalité de l'incapacité au plan digestif ne pouvait pas être imputée au retard fautif de diagnostic et, d'autre part, qu'il devait en aller de même de celle liée à l'aggravation de l'état psychique, pour fixer le taux de l'incapacité permanente partielle devant servir de base à l'évaluation des préjudices liés au déficit fonctionnel permanent. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la détermination de ce taux ne tiendrait pas compte de l'ensemble des incapacités dont elle demeure atteinte.
7. Mme C...réclame une indemnisation au titre du préjudice résultant de son déficit fonctionnel temporaire. Il est vrai que le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas distingué, dans l'indemnité accordée en réparation des préjudices de toute nature dans les conditions d'existence de la requérante et du préjudice d'agrément, liés au déficit fonctionnel, entre le déficit temporaire et le déficit permanent. Il pouvait procéder ainsi, eu égard à la nature de ces postes de préjudice. En ce qui concerne le préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire, Mme C...ne saurait revendiquer la prise en compte de la totalité de la période dont la durée n'a été que prolongée du fait de la faute de l'hôpital. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de la partie de cette période et du taux d'incapacité permanente imputable au retard de diagnostic et de son âge, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'en lui accordant, après application du pourcentage de 50 % résultant de la perte de chance, la somme de 8 000 euros, le jugement attaqué aurait fait une évaluation insuffisante de ses préjudices liés aux déficits fonctionnels temporaire et permanent.
8. En se bornant à invoquer une divergence pour l'évaluation, sur une échelle de 7, de l'intensité du préjudice subi du fait des souffrances endurées, entre le chiffre retenu par le tribunal administratif de Bordeaux et celui indiqué dans un des rapports d'expertise, alors que le juge n'est jamais tenu de reprendre les chiffres de l'expert, Mme C...n'est pas fondée à remettre en cause l'évaluation à un montant de 3 000 euros compte tenu du pourcentage susmentionné de 50 % de la somme devant lui être allouée en réparation de ce préjudice.
9. Le tribunal administratif de Bordeaux a refusé toute indemnisation du préjudice esthétique de MmeC.... Celle-ci ne saurait donc utilement soutenir qu'il a regardé à tort ce préjudice comme modéré. Au surplus, le jugement attaqué rappelle que la cicatrice, dont elle persiste à invoquer l'importance et le caractère disgracieux, résulte d'une intervention qui devait, de toute façon, être pratiquée et est donc sans lien avec la faute de l'hôpital.
10. Au point 23 de son jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de Mme C...tendant à l'indemnisation d'un préjudice propre résultant du manquement à l'obligation d'information, au motif qu'elle ne justifiait pas de troubles qu'elle a pu subir du fait qu'elle n'a pas pu se préparer à l'éventualité des dommages qu'elle a perdu la chance d'éviter, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. Elle se borne à persister à demander une somme de 10 000 euros à ce titre, sans apporter aucune justification relative à un tel préjudice d'impréparation.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que, par son jugement du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux lui a accordé une indemnité d'un montant insuffisant.
Sur les conclusions des tiers payeurs :
12. Le jugement du 1er avril 2014 du tribunal administratif de Bordeaux a limité le montant des sommes accordées à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde au titre des frais médicaux et des indemnités journalières en tenant compte des seuls frais ou périodes liés à la faute médicale et du pourcentage lié à la perte de chance. Devant la cour la CPAM de la Gironde se borne à réitérer sa demande de première instance sans critiquer ces motifs du jugement. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.
13. Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...)". Le point de départ du délai de deux mois prévu par ces dispositions est la date à laquelle la décision prononçant la condamnation est notifiée à la partie condamnée.
14. La CPAM de la Gironde présente des conclusions tendant à ce que les indemnités mises à la charge du CHU de Bordeaux portent intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il résulte des dispositions précitées du code monétaire et financier que ces conclusions de la CPAM de la Gironde sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées.
15. Les conclusions tendant à l'allocation de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, présentées par la CPAM de la Gironde, qui n'obtient le remboursement d'aucun frais dans la présente instance, doivent être rejetées.
16. La caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux ne lui a pas accordé le remboursement de l'intégralité des sommes versées par elle à Mme C...au titre tant d'indemnités journalières que des arrérages de la rente d'invalidité qu'elle lui sert, alors que la responsabilité du CHU de Bordeaux est entière. Ainsi qu'il est dit au point 3, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a limité à la fraction correspondant à l'ampleur de la perte de chance d'éviter le dommage qui s'est réalisé résultant d'un retard de diagnostic la part de la réparation devant incomber au CHU de Bordeaux. Au surplus et de toute manière, le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé, pour exclure certaines des demandes sur l'absence de tout lien entre la faute et l'impossibilité pour Mme C...de poursuivre son activité. Les conclusions de la CARPIMKO doivent donc être rejetées.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de MmeC..., de la CPAM de la Gironde de la CARPIMKO tendant à leur application.
DECIDE
Article 1er : La requête de MmeC..., ainsi que les conclusions de la CPAM de la Gironde et de la CARPIMKO sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., épouseC..., au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, à la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO) et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
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N°14BX01586