Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Plomby Culture a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 21 février 2013 par laquelle le préfet des Landes lui a retiré son autorisation d'exploiter le fonds agricole d'une superficie de 312,15 hectares situé sur le territoire de la commune de Pissos.
Par un jugement n° 1300616 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés le 10 mars 2014 et le 21 mars 2014, la SARL Plomby Culture, représentée par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300616 du tribunal administratif de Pau du 6 février 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Landes du 21 février 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- vu le code de commerce ;
- la loi n° 84-741 du 1er août 1984 relative au contrôle des structures des exploitations agricoles et au statut du fermage ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme. Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SARL Plomby Culture.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Plomby Culture demande à la cour d'annuler le jugement n° 1300616 du 6 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2013 par lequel le préfet des Landes a retiré l'autorisation tacite dont elle était titulaire à compter du 5 août 2012 pour l'exploitation d'un fonds agricole d'une superficie de 312,15 ha sur le territoire de la commune de Pissos.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure devant le tribunal administratif de Pau n'est pas assorti des précisions suffisantes qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.
3. En second lieu, les premiers juges ont indiqué au point 5 du jugement attaqué que " lorsqu'il décide le retrait d'une autorisation tacite d'exploiter dans les quatre mois suivant la notification de cette première décision, au motif de son illégalité présumée, le préfet ne statue pas sur une nouvelle demande dont il aurait été saisi ; que, par suite, la circonstance que la CDOA, qui s'était déjà prononcée sur la demande présentée par la SARL Plomby Culture, n'ait pas été consultée avant la décision en litige, est sans incidence sur sa légalité ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait, pour prendre la décision en litige, se fonder sur l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du 26 avril 2012, dès lors qu'en application des articles R. 331-5 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, l'avis de la commission doit avoir été pris moins de six mois avant que le préfet ne se prononce sur la demande d'autorisation d'exploitation, manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée (...) ".
5. Aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 642-1 du code du commerce dans sa rédaction en vigueur à la date des faits du litige : " Lorsqu'un ensemble est essentiellement constitué du droit à un bail rural, le tribunal peut, sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant et nonobstant les autres dispositions du statut du fermage, soit autoriser le bailleur, son conjoint ou l'un de ses descendants à reprendre le fonds pour l'exploiter, soit attribuer le bail rural à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre a été recueillie dans les conditions fixées aux articles L. 642-2, L. 642-4 et L. 642-5. Les dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ne sont pas applicables. Toutefois, lorsque plusieurs offres ont été recueillies, le tribunal tient compte des dispositions des 1° à 4° et 6° à 9° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ". Il résulte de ces dispositions que le régime de l'autorisation au titre du contrôle des structures agricoles n'est pas applicable, selon les modalités précisées par la dernière phrase de l'alinéa 3 précité, dans la seule hypothèse mentionnée par celui-ci et relative à la cession d'un ensemble d'éléments d'exploitation agricole constitué " essentiellement " du droit au bail.
6. Il résulte de l'instruction que par jugement du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan du 19 janvier 2007, la société requérante s'est vu transférer la propriété de l'ensemble des terres appartenant à la SAS Matha Holding mise en liquidation judiciaire pour une surface de 265 hectares, 98 ares, moyennant le versement d'une somme de 1 700 000 euros et que par jugement du même jour, le tribunal de commerce a ordonné la cession à son profit des terres agricoles, des bâtiments et du matériel d'exploitation de la SCA de Matha ainsi que du bail à ferme, moyennant le versement d'une somme globale de 2 200 000 euros, la part correspondant aux bâtiments, aux terres et aux matériels étant respectivement fixée à 1 405 000 euros, 295 000 euros et 500 000 euros. Ainsi, tandis que la cession des biens de la SAS Matha Holding ne comprenait pas de droit à un bail rural, celle de la SCA de Matha portait essentiellement sur des éléments d'actifs corporels. La société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le tribunal de commerce a considéré que " les dispositions de l'article L. 621-84 du code du commerce relatives au contrôle des structures agricoles sont de droit exclues " de la cession de la SCA de Matha, ce jugement étant, en tout état de cause, dépourvu de l'autorité absolue de la chose jugée dans le cadre du présent litige dont l'objet, la cause et les parties sont différents. Par suite, la société Plomby Culture n'est pas fondée à soutenir qu'en tant que repreneur d'une société placée en liquidation, elle n'était pas tenue de solliciter l'autorisation d'exploiter les terres dont elle est devenue propriétaire, dans les conditions et formes prévues par les articles L. 331-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime au motif, erroné, que l'autorisation délivrée par le préfet des Landes, le 5 août 2012, présenterait un caractère superfétatoire et par suite ne serait pas susceptible d'être retirée.
7. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable, lorsqu'elle résulte de la transformation sans autre modification d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux qui en deviennent les associés ; 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ".
8. Il est constant que la superficie reprise par la société requérante excède le seuil de 90 hectares fixé par le schéma départemental et a pour effet d'étendre les terres agricoles de son exploitation créée le 16 octobre 1998. Elle entre ainsi dans le champ des dispositions du 1° de l'article L. 331-2 précité. Par suite, la circonstance alléguée par la société requérante selon laquelle la reprise porterait sur une exploitation mise en liquidation dans sa totalité, sans changement de structure foncière, et n'emporterait ainsi qu'une simple substitution d'exploitant de sorte qu'elle ne serait pas soumise à autorisation préalable en application du 2° de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, est, en tout état de cause, inopérante. Ainsi, le tribunal administratif a jugé à bon droit que la décision du 5 août 2012 ne présentait pas de caractère superfétatoire et qu'elle pouvait dès lors faire l'objet d'une décision de retrait.
9. Aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé " .
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet a tacitement accordé à la SARL Plomby Culture l'autorisation d'exploiter le fonds litigieux a fait l'objet d'un affichage réglementaire, en mairie de Pissos, à compter du 22 août 2012, ainsi que d'une publication au recueil des actes administratifs du département du mois d'août 2012. L'EARL de Matha ayant introduit un recours contentieux contre cette décision le 18 octobre 2012, soit dans le délai de deux mois suivant la plus tardive de ces deux dates, la décision par laquelle le préfet a retiré cette décision n'est pas intervenue de manière tardive au sens des dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000. Si la société requérante soutient qu'elle était titulaire à compter du 31 mai 2007 d'une autorisation tacite d'exploitation de sorte que la décision du 22 août 2012 présenterait un caractère purement confirmatif, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la commission départementale d'orientation et de l'agriculture du 3 mai 2007, que la société a retiré la demande d'autorisation d'exploiter qu'elle avait déposée le 30 janvier 2007. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 en ce qui concerne le délai dans lequel le retrait en litige est intervenu.
11. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " . Aux termes de l'article 2 du schéma directeur des structures agricoles pour le département des Landes, les priorités de la politique d'aménagement des structures d'exploitations sont, dans l'ordre : " 1. réinstallation d'un agriculteur (...) suite à une expropriation ou une éviction ; 2. installation d'un jeune agriculteur dans les conditions d'obtention des aides publiques à l'installation de l'Etat ou des collectivités territoriales 3. installation d'un jeune agriculteur répondant aux conditions de compétence professionnelle fixées en application de l'article R. 331-1 du code rural (...) 7. autres installations et agrandissements. ". Aux termes de l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : 1° Soit de la possession d'un diplôme ou certificat d'un niveau reconnu équivalent au brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) ou au brevet professionnel agricole (BPA) (...) ".
12. Il résulte des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles et qu'il ne peut délivrer plusieurs autorisations que lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur.
13. Pour autoriser tacitement la SARL Plomby Culture à exploiter le fonds de 312,15 ha en litige, le préfet des Landes a implicitement mais nécessairement considéré que sa demande relevait du même rang de priorité que celle présentée par l'EARL de Matha en vue d'exploiter le même fonds. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la commission départementale d'orientation et de l'agriculture du 26 avril 2012, que la demande de l'EARL de Matha concernait une exploitation comportant, en particulier, l'installation de deux jeunes agriculteurs, titulaires des brevets professionnels exigés par l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, alors que la demande de la SARL Plomby Culture ne relevait ni d'une priorité d'un rang supérieur à celle de l'EARL de Matha ni du même rang de priorité mais d'un rang inférieur dès lors que, contrairement à ce que la SARL Plomby Culture affirme, aucun de ses exploitants ne pouvait disposer de la qualité de jeune agriculteur en cours d'installation ou récemment installé. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt économique et social du maintien de l'exploitation aurait été méconnu par le préfet.
14. Enfin, si la société Plomby Culture soutient que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, les limitations apportées à l'exercice du droit de propriété sont inhérentes au contrôle des structures mis en oeuvre par la loi n° 84-741 du 1er août 1984 dont le conseil constitutionnel a admis la conformité à la constitution par sa décision n° 84-172 DC du 26 juillet 1984. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a retiré dans le délai imparti la décision tacite du 5 août 2012 par laquelle il avait irrégulièrement autorisé la SARL Plomby Culture à exploiter le fonds agricole concerné, en méconnaissance de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.
15. Il résulte de tout de ce qui précède que la société Plomby Culture n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Landes du 21 février 2013 retirant sa décision du 5 août 2012 lui accordant une autorisation tacite d'exploitation.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Ces dispositions font obstacle à ce que l'EARL de Matha qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamnée à verser à la SARL Plomby Culture la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de condamner la SARL Plomby Culture à verser à l'EARL de Matha la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SARL Plomby Culture est rejetée.
Article 2 : La SARL Plomby Culture versera à l'EARL de Matha la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 14BX00828