Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1504748 du 19 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation du placement en rétention administrative de M. C...et a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire des 1er et 3 décembre 2015, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 octobre 2015 en tant qu'il annule son arrêté du 13 octobre 2015 en tant qu'il oblige M. C...à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention de Genève ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115 CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Robert Lalauze,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant érythréen, né le 1er janvier 1997, a été interpellé le 13 octobre 2015 par la police aux frontières de Calais alors qu'il essayait de se rendre clandestinement en Angleterre. Par un arrêté du 13 octobre 2015, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de tout pays où il établirait être légalement admissible, lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an et a pris une décision de maintien en rétention dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières du Pas-de-Calais et de tout autre centre de rétention administrative durant cinq jours à compter de la notification de l'arrêté. Par un jugement n° 1504748 du 19 octobre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision le plaçant en rétention administrative et a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, enfin le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet relève appel de ce jugement en tant qu'il annule son arrêté du 13 octobre 2015 en tant qu'il oblige M. C...à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle :
2. M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale en première instance par une décision du 16 décembre 2015 dont le maintien en appel a été prononcé par une décision du 26 mars 2016. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté qu'il a été mis fin à la rétention administrative de M. C... avant la tenu de l'audience. En conséquence, à la date du 19 octobre 2015 à laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est prononcé, les conclusions de M. C...dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen relevaient d'une formation collégiale. Ainsi, le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.
4. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
5. Par un arrêté n° 2015-10-57 en date du 16 février 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...A..., chef de la section éloignement du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que les décisions de placement en rétention administrative. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il ressort de l'examen de l'arrêté du 13 octobre 2015 qu'il vise les textes applicables et notamment L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), fait état d'éléments spécifiques à la situation de M. C... en France et notamment de ce qu'il est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité et a été interpellé par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais. Cet arrêté expose ainsi les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée en fait au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée.
7. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., interpellé le 13 octobre 2015, a au cours de son audition le même jour par les services de la police aux frontières, été interrogé et a répondu tant au sujet de son identité, de son pays d'origine, de sa situation familiale et des conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Au cours de cette audition il a répondu négativement à la question " Y a-t-il d'autres éléments de votre situation que vous souhaitez porter à la connaissance du préfet ' ". Dans ces conditions, M. C...n'a pas été privé de la possibilité d'être entendu et de présenter ses observations avant l'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Ainsi le moyen invoqué, tiré de ce que l'arrêté aurait été pris en violation du droit d'être entendu manque en fait.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès verbal de son audition du 13 octobre 2015 que M. C...a indiqué que le motif du départ de son pays d'origine était de retrouver sa famille et vouloir rejoindre clandestinement la Grande-Bretagne. Dans ces conditions, M.C..., qui n'a pas indiqué son intention de déposer une demande d'asile, ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 1 de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés adoptée à Genève le 28 juillet 1951 selon lesquelles aucun Etat partie n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié ou un candidat à l'asile politique sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8, que la décision obligeant M. C...à quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités invoquées. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
10. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M.C..., qui vise les dispositions de l'article L. 511-1 II 3° a) et f) du CESEDA et indique que l'intéressé, qui ne peut justifier être entré régulièrement en France n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qui, dépourvu de document d'identité, n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, présente un risque de se soustraire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Par suite, ne peut qu'être écarté le moyen que cette décision est insuffisamment motivée.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés à l'appui des conclusions à fin d'annulation de cette décision ;
11. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
12. Compte tenu du contexte actuel de violences et de violations flagrantes, systématiques et généralisés des droits humains en Erythrée, reconnus notamment par la rapporteuse spéciale des Nations Unies le 8 juin 2015, et de l'utilisation de la torture comme " politique du gouvernement " qui à ce titre punit quiconque tente de quitter le pays sans permission, il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans ce pays courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir des traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, cette décision doit être annulée en tant qu'elle n'exclut pas l'Erythrée comme pays à destination duquel M. C...pourrait être renvoyé.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait privée de base légale.
14. Il ressort du III de l'article L. 511-1 du CESEDA que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a pas été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de son retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification et que l'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
15. La décision contestée, qui vise le III de l'article L. 511-1 du CESEDA, indique que M. C... représente une menace pour l'ordre public, qu'il n'est présent en France que depuis seulement vingt jours et qu'il n'établit pas l'existence de liens personnels et familiaux sur le territoire national. La circonstance que l'arrêté ne mentionne pas l'existence d'éventuelles précédentes mesures d'éloignement ne révèle pas, par elle-même, l'absence d'examen de ce critère et signifie seulement que le préfet n'a pas entendu retenir ce critère pour édicter l'interdiction de retour. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et l'erreur de droit invoqués doivent être écartés.
16. Aux termes de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susmentionnée : " 1. Les décisions de retour sont assorties d'une interdiction d'entrée : / a) si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire, ou / b) si l'obligation de retour n'a pas été respectée. / Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d'une interdiction d'entrée. / 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. [...] " . Ces dispositions n'imposent pas, contrairement à ce que soutient M.C..., que la situation de l'étranger, à l'encontre duquel une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français est envisagée, soit appréciée par l'autorité administrative au regard du territoire de l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen au lieu du seul territoire français. Ainsi les éléments d'appréciation énoncés par le III de l'article L. 511-1 du CESEDA, en particulier la durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté des liens avec la France et la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions de ladite directive. Ces dispositions ne sont, par suite, pas contraires aux objectifs de celle-ci. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision interdisant à M. C...de revenir sur le territoire français aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne peut, dès lors, qu'être écarté.
17. Il n'est pas contesté que M.C..., qui a pénétré dans la zone d'accès restreint du site Eurotunnel sans y avoir été autorisé, a été interpellé par les services de police et placé en garde en vue pour infraction de pénétration et circulation interdite sur la voie ferré et ses dépendances non ouvertes au public. Ces faits sont, en application de l'article L. 5336-10 du code des transports, passibles de poursuites pénales. Dés lors et quand bien même l'intéressé n'a pas fait l'objet de telles poursuites, le préfet du Pas-de-Calais, en estimant que le comportement de M. C...constituait une menace pour l'ordre public et en prononçant son interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander l'annulation de la décision fixant son pays de renvoi en tant qu'elle n'exclut pas l'Erythrée comme pays à destination duquel M. C...pourrait être renvoyé. Cette annulation n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C...présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. C...tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1504748 du 19 octobre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 13 octobre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il oblige M. C...à quitter le territoire français sans délai, fixe son pays de destination, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et le signale aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen
Article 3 : La décision fixant le pays de destination de M. C...est annulée en tant qu'elle n'exclut pas l'Erythrée comme pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Article 4 : Le surplus de la demande de M. C...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M . C...présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
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N° 15BX03833