La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2016 | FRANCE | N°16BX01938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 28 novembre 2016, 16BX01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une provision de 96 386,14 euros à valoir sur la réparation de son préjudice augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable.

Par ordonnance n° 1502710 du 30 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision de 86 542,79 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9

août 2012.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 14 juin 2016, le minist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une provision de 96 386,14 euros à valoir sur la réparation de son préjudice augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable.

Par ordonnance n° 1502710 du 30 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision de 86 542,79 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2012.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 14 juin 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande au juge d'appel des référés :

1°) d'annuler cette ordonnance du 30 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande de provision présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;

- la créance dont Mme A...se prévaut à l'encontre de l'Etat se heurte à une contestation sérieuse, dès lors qu'en application de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, l'assuré est seul habilité à procéder au versement des arriérés de cotisations en cas de refus de versement par l'employeur ;

- la créance dont Mme A...se prévaut à l'encontre de l'Etat se heurte à une contestation sérieuse, dès lors qu'en sa qualité de conjoint survivant, elle ne peut se prévaloir d'un préjudice direct en lien avec l'omission de versement des cotisations ;

- la créance dont Mme A...se prévaut à l'encontre de l'Etat est sérieusement contestable dans son montant, dès lors que l'assiette forfaitaire prévue à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ne peut pas s'appliquer au calcul de l'indemnité correspondant au montant du préjudice économique que l'intéressée a subi au titre des périodes d'activité liées au mandat sanitaire détenu par son époux ; la période des missions de prophylaxie est de soixante dix jours alors que l'article R. 351-11 prévoit une durée minimale de quatre vingt dix jours ; l'assiette forfaitaire pour le calcul des cotisations n'est pas applicable au conjoint survivant ;

- la circulaire du 24 avril 2012, qui organise la procédure amiable de traitement des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires, ne fait pas référence à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, et demande expressément aux vétérinaires de fournir des preuves des salaires perçus du titre du mandat sanitaire ;

- la durée d'activité du mandat sanitaire de M. A...est incertaine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2016, MmeA..., représentée par la SCP Richard, conclut au rejet du recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2016, M. Pierre Larroumec, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral. Dans le cadre d'un mandat sanitaire dont il a été titulaire de 1975 à 1989, il a en outre effectué des actes de prophylaxie collective des maladies animales en application de l'article 215-8 du code rural, devenu l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime. Il a été rémunéré à ce titre par l'Etat. MmeA..., veuve de M. A...décédé en 2008, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation de son époux au régime général de sécurité sociale et à l'IRCANTEC à laquelle ce dernier avait droit du fait du mandat sanitaire qui lui avait été confié par le préfet de la Charente. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de l'ordonnance du 30 mai 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision de 86 542,79 euros.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le juge des référés a indiqué précisément les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par Mme A...pouvait être regardée comme non sérieusement contestable. Dès lors, l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée.

Sur la demande de provision :

En ce qui concerne le principe non sérieusement contestable de l'obligation :

3. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. Ainsi qu'il vient d'être rappelé, la rémunération perçue par les vétérinaires au titre de leur participation aux opérations de prophylaxie a constitué un salaire. A ce titre, les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat, relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat.

5. Il est constant que durant toute la période d'activité de M. A...du 29 octobre 1975 au 31 décembre 1989, l'administration n'a jamais fait procéder à son immatriculation au régime général de la sécurité sociale et au régime de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités territoriales (IRCANTEC), ni versé les cotisations correspondantes. Il n'est pas contesté par le ministre que la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à l'égard d'un agent public non titulaire dans la mesure où l'Etat n'a pas satisfait à son obligation d'assurer son affiliation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi que son affiliation au régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et collectivités publiques et n'a donc pas versé les cotisations afférentes. Si, pour contester l'ordonnance condamnant l'Etat au versement d'une provision, le ministre de l'agriculture soutient que la créance dont Mme A...se prévaut à l'encontre de l'Etat se heurte à une contestation sérieuse dans la mesure où seul l'assuré est habilité à procéder au versement des arriérés de cotisations en cas de refus de versement par l'employeur, il résulte toutefois de l'instruction que la demande de Mme A...tend à ce que l'Etat soit condamné, non pas au paiement de cotisations, mais à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation de son époux au régime général de sécurité sociale et à l'IRCANTEC à laquelle ce dernier avait droit du fait du mandat sanitaire qui lui avait été confié par le préfet de la Charente. Ce défaut d'affiliation a nécessairement exercé une incidence sur le montant de la pension de réversion perçu par Mme A.... Ainsi, le ministre de l'agriculture ne saurait utilement faire valoir que le mécanisme de l'assiette forfaitaire ne s'applique pas au conjoint survivant. Ainsi qu'en a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, la créance de Mme A...résultant du préjudice subi du fait du défaut d'affiliation de son époux à la caisse primaire de sécurité sociale et au régime de retraite complémentaire des agents titulaires de l'Etat et collectivités publiques n'est pas sérieusement contestable dans son principe.

En ce qui concerne le quantum du préjudice pour lequel une provision sur indemnisation est demandée :

6. Il n'est pas contesté par le ministre, ni que M. A...a été titulaire d'un mandat sanitaire du 29 octobre 1975 au 31 décembre 1989 sans interruption, ni qu'il a accompli à ce titre non seulement des actes de prophylaxie collective tels que des vaccinations ne se limitant pas à la période hivernale de stabulation de novembre à mars, mais encore des actions de police sanitaire tout au long de l'année. Il n'est pas davantage allégué par l'administration ni a fortiori établi par les pièces du dossier que des circonstances propres aux années en litige auraient conduit M. A... à interrompre son activité au titre du mandat sanitaire. Par conséquent, et même si Mme A...ne peut justifier du montant précis des salaires perçus par son époux en 1975, 1976, 1977 et 1988, il doit être tenu pour établi avec une certitude suffisante que ce vétérinaire a effectivement perçu de l'Etat un salaire au titre des quatre années susmentionnées pour lequel l'Etat aurait dû verser des cotisations d'assurance vieillesse.

7. Si le ministre soutient que Mme A...n'apporte pas la preuve du montant des salaires effectivement perçu au titre du mandat sanitaire et ne peut pas non plus justifier d'une période minimale continue d'activité annuelle de 90 jours pour laquelle un versement de cotisation est admis en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale même lorsque le montant de la rémunération perçue n'est pas démontré, le ministre ne saurait utilement opposer les dispositions de la circulaire du 24 avril 2012 qui met à la charge des vétérinaires le preuve des salaires qu'ils ont perçus au titre d'un mandat sanitaire dans le cadre d'un régime de règlement amiable des demandes d'indemnisation, alors que l'Etat, employeur de l'intéressé, devrait être à même de produire lui-même de telles informations devant la cour.

8. Mme A...fournit dans son mémoire en défense des allégations suffisamment étayées pour démontrer que l'activité de police sanitaire, exercée en Charente de 1975 à 1989 sur les troupeaux de bovins, de caprins et d'ovins en période estivale, et donc plus étendue que les missions hivernales de prophylaxie, a excédé la période minimale de quatre vingt dix jours par an fixée par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, sans être sérieusement démenti par l'administration sur ce point.

9. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a estimé que la créance de Mme A...n'était pas sérieusement contestable et fixé à la somme de 86 542,79 euros le montant de la provision dont le calcul n'est pas contesté par l'administration.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision d'un montant de 86 542,79 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Fait à Bordeaux, le 28 novembre 2016.

Le juge d'appel des référés

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 16BX01938
Date de la décision : 28/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision. Conditions.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-28;16bx01938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award