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28/11/2016 | FRANCE | N°16BX02333

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2016, 16BX02333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 17 février 2016 par lesquels le préfet de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre sous astreinte au préfet de leur délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation et de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 1 500 euros au ti

tre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme D...A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 17 février 2016 par lesquels le préfet de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre sous astreinte au préfet de leur délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation et de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1600506, 1600507 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires respectivement enregistrés les 14 juillet et 22 septembre 2016, M. C...et MmeA..., représentés par Me Lelong, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de leur délivrer un titre de séjour assorti d'une autorisation de travail, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer leur demande et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...et MmeA..., nés respectivement les 5 mars 1991 et 19 janvier 1995, de nationalité turque, sont entrés en France, selon leurs déclarations, en 2014. Ils ont déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 27 avril 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 23 décembre 2015 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par arrêtés du 17 février 2016, le préfet de la Vienne Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...et Mme A...relèvent appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes dirigées contre ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. M. C...et Mme A...ont invoqué devant le tribunal administratif le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation. Le tribunal administratif a omis de statuer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les demandes de M. C...et Mme A...tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions leur refusant un titre de séjour et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. Les décisions portant refus de séjour visent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C...et MmeA.... Elles rappellent les conditions d'entrée et de séjour en France des intéressés, notamment le rejet de leur demande d'asile par l'OFPRA et la CNDA et la circonstance que, leur conjoint faisant l'objet d'une mesure d'éloignement concomitante, ils peuvent reconstituer une vie familiale normale dans leur pays d'origine, ou dans tout autre pays dans lequel ils justifieraient être légalement admissibles, accompagnés de leur concubin et de leur enfant. Dès lors, cette motivation, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement des refus de séjour, est conforme à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes des arrêtés contestés, qui mentionnent différents éléments de la situation particulière de M. C...et MmeA..., que le préfet de la Vienne se serait estimé lié par les décisions prises par l'OFPRA et par la CNDA sur leurs demandes d'asile et n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation au regard de leur droit au séjour.

6. L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. M. C...et Mme A...sont entrés en 2014 en France, soit récemment à la date de la décision préfectorale en litige. M. C...a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et Mme A...y a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. L'état de santé de Mme A...est par lui-même sans incidence sur l'appréciation des liens personnels et familiaux du couple en France et dans le pays d'origine. Les risques dont les requérants font état en cas de retour en Turquie du fait du refus de M. C...d'effectuer le service militaire sont également sans incidence sur cette appréciation. Si les requérants se prévalent réciproquement de la présence sur le territoire de leur conjoint et de leur jeune enfant, née en France en juin 2015, ils font chacun l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dont le présent arrêt ne prononce pas l'annulation. Ainsi, dès lors que rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale hors de France et que les requérants ne démontrent pas avoir d'autres liens sur le territoire ni y être particulièrement intégrés, les décisions portant refus de titre de séjour ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elles poursuivent et ne méconnaissent donc pas les stipulations de

l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Les certificats médicaux produits par les requérants faisant état, s'agissant de

MmeA..., d'un syndrome anxio-dépressif, ne comportent pas d'éléments suffisamment circonstanciés pour permettre d'estimer que le préfet, en refusant aux requérants un droit au séjour, aurait fondé ses décisions sur une appréciation manifestement erronée des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des intéressés, alors surtout que Mme A...n'a pas sollicité de titre de séjour à raison de son état de santé. Si les requérants font valoir les risques qu'ils encourraient en cas de retour en Turquie, en produisant notamment deux attestations du maire de leur village d'origine, une attestation établie par leurs proches ainsi que des articles de presse décrivant la situation des Kurdes en Turquie et l'obligation d'y effectuer le service militaire, l'existence de tels risques, à la supposer établie, ne peut davantage entacher d'erreur manifeste d'appréciation les décisions de refus de séjour qui ne fixent pas le pays de destination.

9. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. C...et Mme A...de leur enfant née en France en juin 2015. Compte tenu du jeune âge de cette enfant et de la circonstance qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, la décision contestée n'implique pas par

elle-même une rupture de la cellule familiale qui peut se reconstituer en Turquie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de titre de séjour ne sont pas entachées des illégalités alléguées. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient dépourvues de base légale doit être écarté.

11. Compte tenu des circonstances exposées au point 7 ci-dessus, en prenant à l'encontre des requérants les décisions les obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des intéressés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon l'article 3 de cette

convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."

13. Les requérants soutiennent qu'ils seraient exposés à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie. D'une part, si M. C...fait valoir qu'il risque d'être emprisonné au motif qu'il refuse d'effectuer son service militaire, il ne l'établit pas en se bornant à produire deux attestations peu circonstanciées et des articles de presse décrivant la situation des Kurdes en Turquie et l'obligation d'y effectuer le service militaire. D'autre part, si Mme A...soutient qu'elle craint des violences de la part de sa famille pour avoir échappé à un mariage forcé, elle n'apporte aucune pièce probante de nature à établir la réalité des risques personnels qui seraient encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Les requérants, dont les demandes d'asile ont au demeurant été rejetées par l'OFPRA et la CNDA, n'établissent pas qu'à la date de la décision en litige, ils étaient exposés, de façon directe et personnelle, à un risque sérieux pour leur vie, leur sécurité ou leur liberté. Par suite, les décisions fixant le pays de renvoi n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de

l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le surplus des conclusions :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...et Mme A...ne sauraient être accueillies.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au profit de l'avocat de M. C...et Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600506, 1600507 du tribunal administratif de Poitiers en date du 15 juin 2016 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour du préfet de la Vienne du 17 février 2016.

Article 2 : Les demandes présentées par M. C...et Mme A...devant le tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions portant refus de titre de séjour et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés.

5

N° 16BX02333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02333
Date de la décision : 28/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LELONG

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-28;16bx02333 ?
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