Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat à lui verser une provision de 115 676,17 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice né du défaut d'affiliation, du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989, aux régimes général et complémentaire de retraite, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable.
Par ordonnance n°1600285 du 11 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision de 115 676,17 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2012.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 27 juillet 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande au juge d'appel des référés :
1°) d'annuler cette ordonnance du 11 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la demande de provision présentée par M. A...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- si l'Etat ne conteste pas le principe de sa responsabilité, il ne peut être condamné à payer des somme injustifiées dès lors qu'il existe une procédure de transaction ayant pour but de rétablir les vétérinaires dans leurs droits sur des bases justes et validées ;
- la créance dont M. A...se prévaut à l'encontre de l'Etat se heurte à une contestation sérieuse, dès lors qu'en vertu de l'article L. 351-36 du code de la sécurité sociale, seules les caisses de retraite sont habilitées à calculer le montant des pensions des assurés de sorte que le requérant ne pouvait procéder lui-même au chiffrage de son préjudice en s'appuyant sur ses avis d'imposition ainsi que son relevé de carrière ;
- la créance dont M. A...se prévaut à l'encontre de l'Etat est sérieusement contestable dans son montant, dès lors que l'assiette forfaitaire prévue à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ne peut pas s'appliquer au calcul de l'indemnité correspondant au montant du préjudice économique que l'intéressé a subi au titre des périodes d'activité liées au mandat sanitaire ; la période des missions de prophylaxie est de soixante dix jours alors que l'article R. 351-11 prévoit une durée minimale de quatre vingt dix jours ;
- la circulaire du 24 avril 2012, qui organise la procédure amiable de traitement des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires, ne fait pas référence à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, et demande expressément aux vétérinaires de fournir des preuves des salaires perçus du titre du mandat sanitaire ;
- la durée d'activité du mandat sanitaire de M. A...est incertaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2016, M.A..., représenté par la SCP Richard, conclut au rejet du recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2016, M. Pierre Larroumec, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a exercé la profession de vétérinaire à titre libéral. Dans le cadre d'un mandat sanitaire dont il a été titulaire de 1976 à 1989, il a en outre effectué des actes de prophylaxie collective des maladies animales en application de l'article 215-8 du code rural, devenu l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime. Il a été rémunéré à ce titre par l'Etat. M. A...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation au régime général de sécurité sociale et à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités territoriales (IRCANTEC) à laquelle ce dernier avait droit du fait du mandat sanitaire qui lui avait été confié par le préfet de la Corrèze. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel de l'ordonnance du 11 juillet 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision de 115 676,17 euros, à valoir sur la réparation du préjudice correspondant aux cotisations patronales et salariales qui auraient dû être versées par l'Etat pour la période d'exercice du mandat sanitaire.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le juge des référés a indiqué précisément les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par M. A...pouvait être regardée comme non sérieusement contestable. Dès lors, l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée.
Sur la demande de provision :
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
4. Il résulte de l'instruction que M.A..., vétérinaire libéral, a accompli à compter du 1er janvier 1976 des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux en vertu d'un mandat sanitaire dont il a été investi par le préfet de la Corrèze. Il est constant que durant toute la période d'activité de M. A...du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989, l'administration n'a jamais fait procéder à son immatriculation au régime général de la sécurité sociale et au régime de l'IRCANTEC, ni versé les cotisations correspondantes. Cette méconnaissance d'une obligation légale, qui n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre dans ses écritures qui reconnaît sa responsabilité, et qui a même procéder à une évaluation de son préjudice en vue de la conclusion d'une transaction auquel le ministre n'a jamais donné suite, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Ainsi qu'en a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, la créance de M. A...résultant du préjudice subi du fait de cette faute n'est pas sérieusement contestable dans son principe.
5. Il n'est pas contesté par le ministre que M. A...a été titulaire d'un mandat sanitaire du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1989 sans interruption. Il n'est pas non plus contesté par le ministre que M. A...a accompli à ce titre non seulement des actes de prophylaxie collective tels que des vaccinations ne se limitant pas à la période hivernale de stabulation de novembre à mars, mais encore des actions de police sanitaire tout au long de l'année. Il n'est pas davantage allégué par l'administration ni a fortiori établi par les pièces du dossier que des circonstances propres aux années en litige auraient conduit M. A...à interrompre son activité au titre du mandat sanitaire. Par conséquent, et même si M. A...ne peut justifier du montant précis des salaires perçus en 1976 et 1978, il doit être tenu pour établi avec une certitude suffisante que ce vétérinaire a effectivement perçu de l'Etat un salaire au titre des deux années susmentionnées pour lequel l'Etat aurait dû verser des cotisations d'assurance vieillesse.
6. Si le ministre fait valoir que M. A...n'apporte pas la preuve du montant des salaires effectivement perçu au titre du mandat sanitaire et ne peut pas non plus justifier d'une période minimale continue d'activité annuelle de quatre vingt dix jours pour laquelle un versement de cotisation est admis en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale même lorsque le montant de la rémunération perçue n'est pas démontré, le ministre ne saurait ni utilement opposer les dispositions de la circulaire du 24 avril 2012 qui met à la charge des vétérinaires le preuve des salaires qu'ils ont perçus au titre d'un mandat sanitaire dans le cadre d'un régime de règlement amiable des demandes d'indemnisation, ni alléguer que seules la CARFAT et l'IRCANTEC sont habilitées à procéder aux calculs de sa pension de retraite, alors que l'Etat, employeur de l'intéressé, devrait être à même de produire lui-même de telles informations devant la cour. Au surplus, M. A...fournit dans son mémoire en défense des allégations suffisamment étayées pour démontrer que l'activité de police sanitaire, exercée en Corrèze de 1976 à 1989 sur les troupeaux de bovins, de caprins et d'ovins en période estivale, et donc plus étendue que les missions hivernales de prophylaxie, a excédé la période minimale de quatre vingt dix jours par an fixée par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, sans être sérieusement démenti par l'administration sur ce point.
7. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a estimé que la créance de M. A...n'était pas sérieusement contestable à hauteur de 115 676,17 euros, dont le calcul n'est pas contesté par l'administration.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 115 676,17 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
ORDONNE
Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Fait à Bordeaux, le 28 novembre 2016.
Le juge d'appel des référés
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX02588