Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Vignolles a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le permis de construire un hangar agricole délivré le 2 octobre 2015 par le sous-préfet de Cognac à M.C....
Par un jugement n° 1502937 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de la commune de Vignolles en annulant le permis de construire du 2 octobre 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 mai 2016 et le 27 octobre 2016, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Vignolles ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vignolles la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le règlement sanitaire départemental de la Charente ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M.C..., et de MeA..., représentant la commune de Vignolles.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 mars 2015, M. C...a déposé en mairie de Vignolles une demande de permis de construire un hangar agricole à usage de stabulation et d'entrepôt de fourrage. Ce projet étant situé dans le champ de visibilité de l'église Notre-Dame, inscrite à l'inventaire des monuments historiques, il a été soumis à l'architecte des bâtiments de France qui a rendu, le 31 juillet 2015, un avis favorable à sa réalisation assorti de prescriptions. Le 2 octobre 2015, le sous-préfet de Cognac a délivré le permis de construire demandé sous réserve de l'exécution des prescriptions émises par l'architecte des bâtiments de France. M. C...relève appel du jugement rendu le 17 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce permis à la demande de la commune de Vignolles.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire (...) tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, (...) dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 425-1 du même code : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (...) le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, (...) d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
3. La construction autorisée par le permis du 2 octobre 2015 consiste en un hangar agricole à usage de stabulation et d'entrepôt de fourrage qui présente une longueur de 39 mètres, une largeur de 20 mètres et une hauteur au faîtage de 6 mètres environ. Ce bâtiment doit être implanté à une centaine de mètres de l'église Notre-Dame, laquelle a été construite au XIIème siècle, rebâtie au XIVème puis restaurée au XIXème siècle et dont la partie médiévale, constituée par le chevet et le portail romans, a été inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historique.
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet de M. C...se situe dans une zone rurale où la construction de bâtiments agricoles est d'ailleurs autorisée par la carte communale de Vignolles. Plusieurs de ces bâtiments ont déjà été édifiés dans cette zone, à proximité de l'église Notre-Dame, parmi lesquels se trouve l'exploitation de M. C...dont le hangar projeté constitue une extension. Afin de limiter les impacts de ce projet sur l'église, l'architecte des bâtiments de France a émis, dans son avis du 31 juillet 2015, des prescriptions nombreuses et précises qui ont été reprises dans le permis contesté. Elles imposent au pétitionnaire la mise en oeuvre d'un enduit de teinte soutenue, en accord avec les enduits anciens utilisés dans les environs, l'utilisation de pierres de taille anciennes, la réalisation de soubassements en moellons de pierres naturelles et d'une couverture en plaques de fibro-ciment recouverte en chapeaux par un mélange de tuiles courbes anciennes, la mise en place de clôtures constituées de grillage doublées d'arbustes et de haies vives d'essences locales destinées à faire écran entre le projet et ses alentours. Ces prescriptions sont de nature à permettre l'insertion du hangar projeté dans l'environnement de l'église Notre Dame où se trouvent, ainsi qu'il a déjà été dit, d'autres bâtiments agricoles et dont certains présentent un caractère massif. Il en résulte que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le permis de construire du 2 octobre 2015 au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
5. Toutefois il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par la commune de Vignolles.
Sur la légalité du permis de construire du 2 octobre 2015 :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, le dossier de permis de construire déposé par M. C...comportait une notice décrivant avec une précision suffisante le projet envisagé. Il était accompagné d'un document graphique et de photographies des lieux de son implantation. Les informations contenues dans ces documents étaient suffisantes et ont permis au service instructeur de se prononcer en connaissance de cause au regard notamment de la proximité du projet avec l'église Notre-Dame. Par suite, la commune de Vignolles n'est pas fondée à soutenir que le projet architectural de la demande de permis ne répondait pas aux exigences des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme.
7. En second lieu, par un courrier du 9 avril 2015, le service instructeur a demandé à M. C... de préciser le nombre d'animaux devant être accueilli dans son hangar et, dans le cas où se projet relèverait de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, de compléter sa demande de permis en produisant le justificatif du dépôt de sa demande d'autorisation ou de déclaration au titre de cette législation. Toutefois, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier du 11 juin 2015 de la directrice départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, que le projet de M. C... n'est pas soumis à la législation sur les installations classées, ce dernier n'était pas tenu de compléter sa demande de permis. Celle-ci n'a donc pas fait l'objet d'une décision implicite de refus, en application de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, faute pour M. C... d'avoir complété sa demande. Par suite, la commune de Vignolles n'est pas fondée à soutenir que la naissance d'un tel refus implicite faisait obstacle à ce que le préfet poursuivre l'instruction de la demande et délivre le permis sollicité.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, comme il a été dit précédemment, la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de l'architecte des bâtiments de France du 31 juillet 2015. Il est constant que la commune de Vignolles n'a pas contesté cet avis devant le préfet de région dans le cadre du recours préalable obligatoire prévu par l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme. Par suite, elle ne peut utilement contester l'avis de l'architecte des bâtiments de France à l'appui de sa demande d'annulation du permis du 2 octobre 2015.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire (...) ".
10. Ces dispositions édictent une exigence d'éloignement minimal des constructions à usage non agricole par rapport aux bâtiments agricoles préexistants. Ainsi, la commune de Vignolles ne peut utilement soutenir qu'elles ont été méconnues par le permis du 2 octobre 2015 dès lors que celui-ci concerne un bâtiment agricole.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme : " Les cartes communales (...) délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises (...)".
12. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de M. C...est situé dans une zone où la construction de bâtiments à usage agricole est autorisée par la carte communale de Vignolles. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le permis délivré est contraire à la carte communale au motif qu'il contreviendrait au développement de l'urbanisation du centre bourg.
13. En quatrième lieu, les moyens soulevés par la commune de Vignolles, et tirés de ce que le permis méconnaît les articles R. 111-2, R. 111-5, R. 111-6, R. 111-8 et R. 111-16 du code de l'urbanisme, ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " Lorsque le bâtiment est édifié en bordure d'une voie publique, la distance comptée horizontalement de tout point de l'immeuble au point le plus proche de l'alignement opposé doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points. Lorsqu'il existe une obligation de construire au retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. (...) " .
15. Il ressort des pièces du dossier que le hangar projeté doit être construit avec un retrait de cinq mètres par rapport à la voie publique et que sa hauteur, calculée à l'égout du toit en l'absence de dispositions règlementaires contraires, s'élève à 4,91 mètres. Dès lors que cette hauteur est inférieure à la distance qui sépare le bâtiment de la voie publique, les dispositions précitées de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues.
16. En sixième et dernier lieu, selon l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental de la Charente, les porcheries sur pailles et les autres élevages ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de masse de la demande de permis, que le hangar projeté comporte deux parties, l'une destinée au stockage des fourrages, l'autre à la stabulation des animaux. Le plan de masse montre qu'il n'existe pas de bâtiments d'habitation à moins de 50 mètres de la partie du bâtiment dédiée à la stabulation des animaux. Par suite, le permis contesté n'a pas méconnu l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le permis de construire du 2 octobre 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Vignolles dirigées contre M. C... qui n'est pas la partie perdante à l'instance. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Vignolles la somme globale de 3 000 euros demandée par M. C...au titre des frais exposés par celui-ci, et non compris dans les dépens, en première instance et en appel.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1502937 du tribunal administratif de Poitiers du 17 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de la commune de Vignolles présentée devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : La commune de Vignolles versera à M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées devant la cour par la commune de Vignolles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 16BX01617