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17/01/2017 | FRANCE | N°16BX02849

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2017, 16BX02849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, l'a expulsé du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1400504 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés

les 23 août, 17 et 27 octobre et 21 novembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, l'a expulsé du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1400504 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 23 août, 17 et 27 octobre et 21 novembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de la l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

......................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992, approuvée par la loi n° 94-543 du 28 juin 1994 et publiée par le décret n° 95-436 du 14 avril 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité ivoirienne, est entré en France au cours de l'année 2001, selon ses propres déclarations, muni d'un passeport ivoirien. Ayant fait l'objet de multiples condamnations pénales depuis l'année 2002, il a sollicité, le 16 septembre 2013, alors qu'il se trouvait écroué au centre de détention de Muret, la délivrance d'un premier titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, en se prévalant de la naissance de ses deux fils, le 14 juillet 2009, issus de son union avec une ressortissante française. Après avoir saisi pour avis la commission départementale d'expulsion, qui s'est réunie le 17 décembre 2013, le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 20 janvier 2014, refusé de faire droit à sa demande, prononcé son expulsion du territoire national en se fondant sur les infractions nombreuses et graves commises par l'intéressé ayant conduit, notamment, à sa condamnation, le 4 mars 2011, à une peine de cinq ans de prison, et fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne les motifs pour lesquels la demande de titre de séjour présentée par M. B...en sa qualité de parents de deux enfants français mineurs est rejetée, et notamment le fait que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, qu'il ne démontre pas vouloir sérieusement s'insérer tant professionnellement que socialement sur le territoire et qu'il n'établit pas ne plus détenir de liens familiaux dans son pays d'origine, comporte un exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision de refus de délivrance de titre de séjour, alors même qu'il ne vise pas expressément l'alinéa 6 de l'article L. 313-11 de ce code. En outre, et ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la circonstance que ce même arrêté ne vise pas la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 est, en elle-même, sans influence sur le caractère suffisant de la motivation de cette décision, dès lors qu'il n'en fait pas application. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de ladite décision au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté.

3. En deuxième lieu, cette motivation révèle que le préfet de la Haute-Garonne a procédé, contrairement à ce que soutient l'appelant, à un examen attentif et circonstancié de sa situation personnelle et familiale avant de lui refuser le titre de séjour sollicité.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. B...se prévaut de ce qu'il est entré en France alors qu'il était encore mineur et qu'il y dispose d'attaches familiales importantes, et tout particulièrement sa compagne et ses deux fils, tous deux nés le 14 juillet 2009 en France et actuellement scolarisés en école maternelle, dont il subvient à l'entretien et l'éducation et sur lesquels il exerce l'autorité parentale conjointe et dispose d'un droit d'accueil libre et un droit de visite et d'hébergement, en vertu d'un jugement du 27 février 2013 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de treize condamnations pénales prononcées au cours des années 2002 à 2012, l'ayant ainsi conduit à cumuler plus de quatorze années de peines de prison, pour des faits d'escroquerie, de recel de bien provenant d'un vol, d'usage de faux, de contrefaçon ou falsification de chèque et usage de chèque contrefait ou falsifié et de détention non autorisée de stupéfiants, pour lesquels il a notamment fait l'objet, le 4 mars 2011, d'une condamnation ferme à une peine de cinq années d'emprisonnement prononcée par la Cour d'appel de Limoges. M. B... a également été condamné en dernier lieu le 15 novembre 2012 à une peine de deux mois d'emprisonnement pour violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint. Il ressort également des pièces du dossier que M. B...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent, selon ses propres déclarations, ses parents et sa soeur. Par suite, et alors même que l'appelant a reconnu ses deux enfants lorsqu'il était en détention et qu'il a reçu alors, à plusieurs reprises, leur visite en présence de sa compagne au parloir, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas, eu égard tant à la nature qu'à la gravité des faits pour lesquels il a fait l'objet des condamnations pénales susmentionnées et à la durée qu'il a passée en détention couvrant une part importante de son séjour en France, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, et à supposer ce moyen soulevé, elle n'a pas davantage méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant expulsion du territoire français :

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Selon les dispositions de l'article L. 521-2 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. ".

7. L'arrêté contesté, qui vise notamment les dispositions des articles L. 521-1 à L. 523-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise, d'une part, que M. B...a fait état d'une situation de concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants, nés le 14 juillet 2009, qu'il a reconnus au centre pénitentiaire de Seysses, le 1er décembre 2009, et, d'autre part, qu'il n'établit pas ne plus détenir de liens personnels et familiaux dans son pays d'origine où résident à tout le moins ses parents. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M.B..., il ressort de la motivation en fait de cet arrêté, qui n'avait pas à reproduire les motifs de l'avis rendu par la commission d'expulsion le 17 décembre 2013, que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il résulte également de la motivation de l'arrêté contesté que l'autorité préfectorale a relevé que l'appelant a fait l'objet, le 4 mars 2011, d'une condamnation ferme à une peine de cinq années d'emprisonnement prononcée par la Cour d'appel de Limoges, cas dans lequel les dispositions précitées de l'article L. 521-2 du même code permettent l'expulsion d'un étranger alors même qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Ainsi, la circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas expressément ce dernier point n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen particulier du dossier de M.B....

8. En cinquième lieu, selon l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : (...) / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) ". En vertu de l'article R. 522-8 du même code : " Dans tous les cas, la commission doit émettre son avis dans le délai d'un mois. / Le préfet ou son représentant assure les fonctions de rapporteur ; le directeur départemental chargé de la cohésion sociale ou son représentant est entendu par la commission. Ces personnes n'assistent pas à la délibération de la commission ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.

10. En l'espèce, il est constant que l'avis de la commission d'expulsion de la Haute-Garonne, qui a examiné la situation de M.B..., a été rendu sans que le directeur départemental chargé de la cohésion sociale, absent et excusé, ou son représentant, ait été entendu. Toutefois, ce directeur, dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas disposé en temps utile des éléments pertinents du dossier de l'intéressé nécessaires à son examen, a prévenu la commission de son absence et ne s'est pas fait représenter, et ne lui a pas davantage adressé d'observations. Dès lors, la circonstance que le directeur départemental chargé de la cohésion sociale n'ait pas été présent ni représenté à la séance de la commission n'a pu, en l'espèce, exercer une quelconque influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Haute-Garonne. Par ailleurs, l'audition par la commission de cette autorité administrative, qui ne participe pas au délibéré, ne constituait pas une garantie pour le requérant. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la commission d'expulsion aurait irrégulièrement rendu son avis doit être écarté.

11. En sixième lieu, compte tenu de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 5 et 7, le préfet de la Haute Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant l'expulsion de M. B...du territoire français.

12. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant expulsion du territoire français a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même, en tout état de cause, de celui tiré de la violation de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En dernier lieu, M. B...ne soulevant aucun moyen à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, ses conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

2

N° 16BX02849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02849
Date de la décision : 17/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-04 Étrangers. Expulsion. Droit au respect de la vie familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-17;16bx02849 ?
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