Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des rappels d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2005.
Par un jugement n° 1303789 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2015 et des mémoires enregistrés les 12 octobre et 16 novembre 2015, M. et MmeC..., représentés par MeB..., demandent :
1°) l'annulation de ce jugement ;
2°) la décharge de l'intégralité des suppléments d'impôts sur le revenu auxquels ils ont été assujettis, pour un montant global de 126 596 euros, cette somme étant assortie d'intérêts moratoires ;
3°) que soit mise à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. D...de la Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C...ont été assujettis à des rappels d'impôt sur les revenus des années 2003 à 2005 tenant à la remise en cause, à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale et d'un contrôle sur pièces engagé sur le fondement de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, de déductions de charges afférentes à la réhabilitation d'un immeuble classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Ils relèvent appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.
Sur la demande en décharge :
2. Aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux, au sens de cet article, lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en oeuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration dispose de ces informations, le délai prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition. La circonstance que ces informations seraient ultérieurement mentionnées dans une procédure judiciaire n'ouvre pas à l'administration le droit de se prévaloir de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales dès lors qu'en pareille hypothèse, ces informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par cette instance.
3. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C...ont fait l'acquisition en 2003 d'un appartement dans un immeuble en copropriété du centre de Tarascon, classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Ils ont adhéré à l'association syndicale libre " Maison Saint-Nicolas ", constituée entre les nouveaux propriétaires en vue de la restructuration et de la rénovation de cet immeuble dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière ouvrant droit à la déduction de charges et à la constatation de déficits fonciers sur les fondements des articles 31-I-1° et 156-I-3° du code général des impôts. Un permis de construire a été délivré à l'association syndicale le 11 juillet 2005 et M. et MmeC..., qui ont versé des fonds à cette association en vue de la réalisation des travaux de réhabilitation et ont contracté un emprunt immobilier à cette même fin, ont déclaré, au titre des années 2003 à 2005, des déficits fonciers pour des montants respectifs de 182 916 euros, 183 271 euros et 15 420 euros. A l'occasion d'un litige opposant devant le tribunal de grande instance l'association syndicale " Maison Saint-Nicolas " et l'entreprise générale de travaux " Archi Sud Bâtiment ", l'administration fiscale a exercé le 5 décembre 2011 son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales. Se fondant sur les informations ainsi recueillies qui établissaient que les travaux de réhabilitation de l'immeuble avaient été interrompus de manière vraisemblablement définitive, elle a procédé à la réintégration des sommes déduites au titre des années 2003 et suivantes en faisant usage du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 170 précité du livre des procédures fiscales.
4. Si M. et Mme C...font valoir, pour contester les suppléments d'impôts sur le revenu auxquels ils ont été assujettis, que l'administration avait nécessairement constaté avant l'expiration du délai de droit commun prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, au seul examen de leurs déclarations fiscales, que les travaux n'étaient pas achevés et que l'appartement n'avait pas encore été mis en location, cette circonstance ne présumait pas, par elle-même, de la remise en cause des déductions pratiquées, dès lors notamment que les articles 31-I-1° et 156-I-3° du code général des impôts ne soumettent à aucun délai particulier la réalisation des travaux éligibles aux dispositifs d'allègement fiscal qu'ils instaurent. En revanche, il résulte de l'instruction que, dès le 13 juillet 2007, au moins un autre des copropriétaires membres de l'association syndicale libre " Maison Saint-Nicolas " a informé l'administration fiscale du défaut d'achèvement des travaux et de l'interruption du chantier. Ainsi, et alors même que M. et Mme C...n'auraient pas eux-mêmes fourni cette information au service, celui-ci disposait dès alors de renseignements suffisants pour lui permettre, en faisant usage au besoin de ses pouvoirs d'investigations, d'établir les insuffisances d'imposition dans le délai de reprise de droit commun. Dans ces conditions, ainsi que le soutiennent les requérants, l'administration ne pouvait regarder ces insuffisances d'imposition comme révélées par une instance devant les tribunaux et bénéficier ainsi du délai de reprise dérogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales. Or, il est constant qu'à la date du 16 décembre 2011 à laquelle une proposition de rectifications a été adressée aux contribuables, leur créance fiscale était prescrite en application des dispositions de l'article 169 du livre des procédures fiscales.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C...sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué et la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2005.
Sur les intérêts moratoires :
6. En l'absence de tout litige né et actuel à ce titre, la demande des requérants tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peut être accueillie.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme C...de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1303789 du tribunal administratif de Bordeaux du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Il est accordé décharge à M. et Mme C...des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 à 2005.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 15BX00332