Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H...D...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 29 octobre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de La Réunion a autorisé son licenciement pour faute à la demande de l'association Frédéric Levavasseur (AFL).
Par un jugement n° 1301464 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 9 février 2015, 2 octobre 2015 et 28 janvier 2016, Mme H...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion en date du 27 novembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 29 octobre 2013 susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'ordre du jour du comité d'entreprise, qui s'est réuni le 14 octobre 2013, est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2325-15 du code du travail, il n'a pas été signé conjointement par le président et le secrétaire du comité d'entreprise, mais seulement par le président du comité d'entreprise, à savoir son employeur ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail dès lors qu'il est constant qu'il s'est écoulé un délai de plus de dix jours entre la date de remise en main propre de la mise à pied conservatoire, le 3 octobre 2013, et la réunion du comité d'entreprise, le 14 octobre 2013, ce qui entache d'illégalité la procédure suivie ;
- la présence du directeur des ressources humaines lors de l'entretien organisé avec l'inspecteur du travail est tout autant irrégulière dès lors que conformément à l'article R. 2421-4 du même code, elle aurait dû bénéficier d'un entretien individuel et personnel ;
- l'inspecteur du travail a manifestement bâclé l'enquête contradictoire et été probablement induit en erreur par les manoeuvres frauduleuses de 1'AFL ;
- les premiers juges, tout comme l'inspecteur du travail, se sont contentés de constater que, dans la mesure où un autre salarié est également licencié pour les mêmes faits, il n'existe pas de lien entre la mesure disciplinaire et son mandat, alors que son licenciement est en réalité motivé par son appartenance syndicale, ce qui constitue une discrimination syndicale. A cet égard, cette discrimination s'explique, d'abord, par le litige qui l'oppose à l'AFL au sujet de la reprise de son ancienneté dans le cadre de son reclassement réalisé le 1er janvier 2004, l'hostilité certaine qu'entretient l'AFL envers son syndicat d'appartenance (l'UNSA) et la volonté du directeur général de l'évincer en raison de son appartenance syndicale ;
- elle entend par ailleurs reprendre l'ensemble des moyens qu'elle a développés à l'appui de ses écritures de première instance, à savoir l'absence de mise à disposition de bulletins blancs au profit des membres du comité d'entreprise lors du vote, l'absence de délégation régulière au profit du directeur général pour solliciter l'autorisation du licenciement et l'inexactitude des faits qui lui sont reprochés ;
- s'agissant plus particulièrement de la matérialité des faits litigieux, il existait bien une démarche éducative, en accord avec l'équipe et la famille afin que le jeune F...puisse, si ce n'est acquérir la propreté complète, tendre vers un objectif de propreté en ne portant plus de couche et en lui apprenant à aller aux toilettes, dans le cadre d'un accompagnement qui respecte sa dignité. En outre, en ce qui concerne l'enfermement du jeune B...dans une pièce obscure, il semble que l'inspecteur du travail se soit contenté de reprendre la version des faits telle qu'elle a été présentée par l'AFL, alors qu'elle a expliqué qu'à aucun moment pendant ses prises en charge, elle n'avait procédé à un tel enfermement. En réalité, toutes les dénonciations proviennent de MadameA..., avec qui les relations s'avèrent particulièrement tendues ;
- l'inspecteur du travail s'est contenté d'une simple affirmation péremptoire pour considérer que les faits qu'il lui impute constituent une faute professionnelle suffisamment grave pour justifier son licenciement, alors qu'à supposer qu'elle en aurait été l'auteur, ils n'étaient pas de nature à justifier légalement une telle mesure ;
- la décision du 29 octobre 2013 est entachée d'une erreur de droit puisqu'elle a déjà été sanctionnée, par le biais d'une mise à pied disciplinaire, et non conservatoire, telle que définie par l'article 19 du règlement intérieur de 1'AFL, pour les faits qui lui sont reprochés et qui sont à 1'origine de son licenciement, ce qui constitue une violation du principe non bis in idem.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 mai et 16 décembre 2015, l'association Frédéric Levavasseur (AFL), représentée par la SCP Canale - Gauthier - Antelme - Bentolila, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la jurisprudence administrative considère que si l'ordre du jour du comité d'entreprise sur le projet de licenciement a été fixé unilatéralement par l'employeur, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement, dès lors que la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement est inscrite de plein droit à l'ordre du jour ;
- le respect du délai de dix jours prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail n'est pas prescrit à peine de nullité ;
- à aucun moment la loi n'impose à l'employeur de mettre des bulletins blancs à la disposition des membres du comité d'entreprise lors du vote et la jurisprudence rappelle que la règle du vote à bulletin secret n'est nullement substantielle ;
- l'article 19 du règlement intérieur de l'AFL donne au directeur général tous pouvoirs, et notamment celui d'engager des procédures de licenciement pour faute grave, de sorte qu'il a signé à bon droit la demande d'autorisation de licenciement qui fait pleinement partie de la procédure de licenciement ;
- l'appelante confirme dans sa requête introductive d'instance que son audition a été personnelle et individuelle puisqu'elle précise que son audition a débuté en présence d'un représentant de l'employeur ;
- les griefs reprochés à Mme D...sont clairement établis au vu du nombre et de la concordance des témoignages recueillis et constituent clairement des actes de maltraitance, voire pour certains de violences morales ou physiques, et sont à tout le moins en contradiction avec l'article 14 du règlement intérieur de l'AFL. En outre, ces " pratiques " non seulement ne figurent pas dans les projets personnalisés des enfants concernés ou n'ont pas été validés par l'équipe éducative, ni n'ont fait l'objet d'une information ou d'un questionnement auprès de la hiérarchie, mais, surtout, ont été maintenues par Mme D...et M. C...en dépit de la réprobation de leurs autres collègues de travail, qui ont parfois tenté soit de s'y opposer, soit d'en atténuer les conséquences auprès des enfants ;
- compte tenu des fautes reprochées à l'intéressée, son licenciement était justifié et apparaît sans lien avec son mandat syndical, et ce d'autant plus que MonsieurC..., salarié ordinaire, a lui aussi été licencié également pour faute grave dans cette affaire ;
Un mémoire en production de pièces présenté pour l'association Frédéric Levavasseur a été enregistré le 30 septembre 2015.
Par ordonnance du 31 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...a été engagée le 1er février 1995 par l'Association Saint-Jean de Dieu, par divers contrats à durée déterminée renouvelés à plusieurs reprises, puis, à compter du 5 novembre 1997, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'animatrice socio-éducative. A la suite de la liquidation de cette association, prononcée dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de l'intéressée a été transféré, à compter du 1er janvier 2004, à l'association Frédéric Levavasseur (AFL), où elle a exercé ses fonctions au sein de l'Institut médico-éducatif (IME), service dédié à la prise en charge d'enfants âgés de cinq à onze ans souffrant de déficience intellectuelle et / ou porteurs de troubles du spectre autistique. A la suite de l'envoi, au directeur de l'association, d'une lettre du 23 septembre 2013 co-signée par trois membres du personnel de la villa " Coco " où Mme D...était affectée depuis le mois d'août 2012, faisant état d'agissements susceptibles d'être qualifiables d'actes de maltraitance sur plusieurs enfants, imputés à celle-ci et à l'un de ses collègues, l'intéressée a été convoquée le 24 septembre 2013 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui devait se dérouler initialement le 3 octobre suivant puis a été fixé finalement le 10 octobre 2013. Compte tenu de ce que Mme D...était membre titulaire du comité d'entreprise depuis novembre 2012 et avait été désignée comme représentante du personnel au sein du conseil d'administration dudit comité le 26 février 2013, le directeur général de l'association Frédéric Levavasseur a, par une lettre du 16 octobre 2013, sollicité l'autorisation de licencier ce salarié protégé. Mme D...relève appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de La Réunion en date du 29 octobre 2013 autorisant son licenciement pour faute.
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les délais dans lesquels la consultation du comité d'entreprise et la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doivent être présentées ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a fait l'objet d'une mise à pied notifiée par son employeur lors d'un entretien organisé le 3 octobre 2013. Si, ainsi qu'elle le soutient, le comité d'entreprise de l'association Frédéric Levavasseur n'a été consulté que le lundi 14 octobre 2013, l'inspecteur du travail ayant été saisi pour sa part par le directeur général de l'association par courrier en date du 16 octobre suivant, le dépassement, limité à un jour, du délai de dix jours prévu par les dispositions précitées pour saisir le comité d'entreprise, qui s'explique notamment par le fait que le dixième jour expirait le dimanche 13 octobre 2013, n'a pas présenté, en l'espèce, un caractère excessif. Dès lors, un tel dépassement n'a pas été de nature à vicier la procédure suivie.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2325-15 du code du travail : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est arrêté par l'employeur et le secrétaire. / Toutefois, lorsque sont en cause des consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou par un accord collectif de travail, elles y sont inscrites de plein droit par l'employeur ou le secrétaire. ". Contrairement à ce que persiste à soutenir MmeD..., il ressort des termes mêmes des dispositions précitées que, dans le cadre de la consultation obligatoire de cette instance dans les cas énumérés par le code du travail, l'ordre du jour n'a pas à être arrêté conjointement par le représentant de l'employeur et par le secrétaire du comité. Par suite, l'élaboration unilatérale de cet ordre du jour par le représentant de son employeur n'est pas susceptible d'avoir entaché d'irrégularité la procédure de consultation dudit comité.
5. En troisième lieu, Mme D...soutient, comme elle l'avait déjà fait devant les premiers juges, que les modalités du vote du comité d'entreprise, réuni le 14 octobre 2013 pour se prononcer sur son licenciement, sont irrégulières, au seul motif que ses membres ne disposaient pas de bulletins blancs. Toutefois, et ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, les dispositions de l'article R. 2421-9 du code du travail, en vertu desquelles " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. (...) ", n'imposent pas la mise à disposition de tels bulletins, non plus d'ailleurs qu'aucun autre article de ce code ou aucun principe. En outre, il ressort des pièces du dossier que les membres de ce comité ont émis à la majorité un avis défavorable au licenciement de MmeD.... Il s'ensuit qu'un vice de procédure entachant le vote du comité ne pourrait, dans les circonstances de l'espèce, influencer sur le sens de la décision prise sur la demande de l'employeur.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...). ". Ces dispositions impliquent, pour le salarié dont le licenciement est envisagé, le droit d'être entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail.
8. Mme D...soutient que l'entretien réalisé le 23 octobre 2013 par l'inspecteur du travail, au cours de l'enquête préalable à son licenciement, était irrégulier dès lors que le directeur des ressources humaines, représentant de l'employeur, était présent à cet entretien, ce qui ne lui a pas permis d'être entendue personnellement et individuellement par cette autorité administrative. Toutefois, l'association Frédéric Levavasseur fait valoir sans aucun contredit utile que si l'inspecteur du travail a mis en place, en début de journée, une réunion liminaire avec toutes les parties concernées, de sorte que l'audition de Mme D...a débuté en présence de ce directeur, celui-ci s'est retiré par la suite, ce qui a permis à l'intéressée de bénéficier d'un entretien individuel et personnel avec l'inspecteur du travail, au cours duquel elle a été assistée du représentant de son choix. En outre, Mme D...n'établit pas, par ses seules allégations, que l'inspecteur du travail aurait " manifestement bâclé l'enquête contradictoire " et aurait été " probablement induit en erreur par les manoeuvres frauduleuses de 1'AFL ", lors de l'enquête diligentée au siège de l'association le 23 octobre 2013. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier de cette enquête doit être écarté.
9. En cinquième lieu, Mme D...reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de ce que le directeur général de l'association Frédéric Levavasseur (AFL) ne justifie pas de sa qualité pour solliciter, ainsi qu'il l'a fait par courrier du 16 octobre 2013, l'autorisation de la licencier. Elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif pertinent retenu par les premiers juges.
En ce qui concerne la légalité interne :
10. En sixième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.
11. Pour solliciter l'autorisation de procéder au licenciement de MmeD..., affectée depuis le mois d'août 2012 au sein de la " Villa Coco ", l'association Frédéric Levavasseur fait d'abord grief à l'intéressée, d'avoir, avec l'aide de l'un de ses collègues, M.C..., tenu à l'encontre du jeuneF..., âgé de sept ans et demi et souffrant d'un autisme diagnostiqué à l'âge de trois ans, des comportements qualifiables de maltraitance, en le forçant à plusieurs reprises, à l'occasion des repas organisés dans l'établissement, d'une part, à quitter la table et à l'asseoir sur les toilettes en le maintenant pendant une durée de 20 à 40 minutes par les bras et les pieds, dévêtu, en dépit de pleurs, cris et hurlements, afin de lui inculquer la propreté, et, d'autre part, à s'assoir sur une chaise face à un angle de mur, sans possibilité de bouger, lorsqu'il ne mangeait pas proprement. Ces agissements, portés à la connaissance du directeur général de l'association par une lettre du 23 septembre 2013 signée par pas moins de trois employés exerçant leurs fonctions au sein de la " Villa Coco ", ont été corroborés au cours de l'enquête contradictoire par des témoignages circonstanciés, détaillés, et concordants, émanant notamment d'une psychomotricienne, qui a indiqué avoir aperçu souvent le jeune F...sur une chaise face à un mur, et de M.G..., stagiaire moniteur éducateur affecté alors dans ce service, qui a relevé par ailleurs que l'état du jeune F...s'était dégradé par la suite de manière inquiétante. Contrairement à ce que soutient MmeD..., la circonstance que ces faits, commis à l'encontre de cet enfant en juin et juillet 2013, n'aient fait l'objet d'un signalement qu'en septembre 2013, ne suffit pas à remettre en cause leur existence matérielle, qui doit dès lors être regardée comme établie. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas de la pièce n° 16 dont l'appelante fait état, intitulée " attente des parents et besoins des professionnels enfants case coco " qu'un tel traitement du jeune F...aurait reçu en amont l'approbation de l'équipe éducative dans le cadre d'un projet personnalisé ni, davantage, de ses propres parents. Au contraire, il ressort des déclarations effectuées au cours de l'enquête, le 4 octobre 2013, par une psychologue intervenant au sein de la villa coco, que les parents du jeune F...n'ont jamais sollicité la mise en oeuvre de telles mesures qui, eu égard à leur nature et à leurs répercussions sur l'enfant concerné, avaient sollicité l'opposition de plusieurs des collègues de travail de MmeD.... Comme l'a relevé à juste titre l'inspecteur du travail dans la décision contestée, ces agissements commis à l'égard d'un enfant très jeune et vulnérable, qui ne sauraient être regardés, contrairement à ce que soutient l'intéressée, comme relevant d'une démarche éducative, constituent une faute professionnelle.
12. Il est également reproché à Mme D...d'avoir, en septembre 2013, à l'occasion d'un repas au cours duquel le jeuneB..., âgé de sept ans et réagissant anormalement aux perceptions sensorielles, se trouvait en état de crise sensorielle, pleurant, se bouchant les oreilles et se mordant la main, d'avoir fait quitter l'enfant de table pour l'enfermer ensuite dans une pièce plongée dans l'obscurité. Bien que l'appelante conteste avoir jamais agi de la sorte, un témoignage d'une de ses collègues de travail, MmeA..., présente alors sur les lieux, atteste avoir retrouvé l'enfant enfermé dans une pièce obscure, en pleurs, une vingtaine de minutes après ce repas. Si Mme D...soutient que cette collègue chercherait par tous moyens à l'évincer du service au motif qu'elle lui aurait reproché à plusieurs reprises d'utiliser ses heures de délégation afin d'exercer ses mandats représentatifs, l'intéressée ne démontre pas, en se bornant à produire un compte-rendu de son entretien préalable au licenciement du 10 octobre 2013 relatant ses propres dires sur ce point, l'animosité dont Mme A...aurait fait preuve à son encontre, et dont il n'y a dès lors pas de raison de remettre en cause l'objectivité. En outre, le témoignage particulièrement circonstancié rédigé par M.G..., stagiaire moniteur éducateur, déjà mentionné au point 12, corrobore l'existence de cette pratique consistant pour Mme D...à enfermer parfois les enfants dans l'obscurité, pratique qui, ainsi que l'a relevé là encore à bon droit l'inspecteur du travail, constitue une faute professionnelle.
13. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'inspecteur du travail, qui a effectué un examen concret de l'ensemble des faits à l'origine de sa saisine et qui ont d'ailleurs donné lieu à un signalement au procureur de la République et à l'Agence régionale de santé, n'a pas, en considérant que les faits mentionnés aux points 11 et 12 sont d'une gravité suffisante pour justifier, à eux seuls, son licenciement pour faute, entaché la décision contestée d'erreur d'appréciation.
14. En septième lieu, pour écarter le moyen, soulevé par MmeD..., et tiré de ce que la mesure de licenciement prise à son encontre par l'association intimée constitue une mesure de discrimination syndicale, le tribunal qui, contrairement, à ce qu'elle soutient, ne s'est pas borné à indiquer que son collègue, M. I...C..., a été licencié lui aussi en raison des mêmes faits, a expressément relevé " que d'une part, si elle se prévaut (...) du litige judiciaire en cours au regard de la reprise de son ancienneté lors de son reclassement, il est constant que (...) ledit litige existait avec l'ancien employeur de la requérante, sans que celle-ci démontre que l'AFL ait eu pour intention de l'évincer pour ce motif ; que d'autre part, en se bornant à soutenir que le directeur général fait preuve de partialité à son égard en raison de la réalisation d'un audit financier des comptes, pour lequel elle s'est prononcée favorablement lors de la réunion du comité d'entreprise en date du 30 mai 2013, elle ne démontre pas la discrimination dont elle prétend faire l'objet pour les faits établis ci-dessus, et pour lesquels l'inspecteur a estimé, pour écarter l'hypothèse d'une telle discrimination, que M. C...faisait l'objet d'une mesure identique ; que la requérante ne démontre pas, par la production du procès-verbal du conseil d'administration du 17 juillet 2013, le parti pris de son employeur à l'égard de l'organisation syndicale UNSA dont elle est membre ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'une de ses collègues se soit plainte des dispenses dont elle bénéficiait pour ses heures de délégation ne saurait suffire à établir une volonté de son employeur de l'évincer pour ce motif ". Mme D...ne se prévaut en appel d'aucun élément de fait ou de droit nouveau pour contester ce motif pertinent retenu par les premiers juges, qu'il y a dès lors lieu d'adopter.
15. En dernier lieu, aux termes de l'article 19 du règlement intérieur des établissements et services de l'association Frédéric Levavasseur, intitulé " sanctions disciplinaires " : " Tout agissement contrevenant aux obligations réglementaires, aux règles d'hygiène et de sécurité, est considéré comme fautif. Il pourra en fonction de la gravité, faire l'objet de l'une ou de l'autre des sanctions classées ci-après par ordre d'importance (...) / : - l'observation écrite (prononcée par le responsable de site ou le DG) / - l'avertissement (par le DG) / - la mise à pied disciplinaire, pour un maximum de 3 jours (suspension du contrat sans rémunération) (par le DG) / - le licenciement pour cause réelle et sérieuse (avec préavis et indemnités de rupture du contrat) (par le DG) / - le licenciement pour faute grave ou lourde (sans indemnités ni préavis) (par le DG) (...) / La procédure disciplinaire n'est pas applicable dans le cas de mise à pied immédiate à titre conservatoire (suspension du contrat de travail avec salaire) : cette mesure, n'étant pas une sanction, peut être prononcée dès l'instant où la faute a été commise. Elle est notifiée par écrit et motivée (...). ". En application de ces dispositions, le directeur général de l'association peut légalement décider, en cas de faits constitutifs d'une faute grave, de suspendre l'agent concerné de ses fonctions, dans l'intérêt du service et pendant le déroulement de la procédure disciplinaire engagée contre lui.
16. Mme D...soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure de licenciement pour faute grave prononcée à titre de sanction dès lors qu'elle avait déjà été sanctionnée pour les mêmes faits qui lui étaient reprochés par le biais d'une mise à pied qui, sous couvert d'un caractère conservatoire, revêtait en réalité un caractère disciplinaire. Toutefois, il ne ressort pas du contenu de la lettre du 3 octobre 2013 transmise par le directeur général de l'AFL à l'appelante ce jour-là au cours d'un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui se borne à indiquer que " nous devons vous informer que nous sommes amenés à envisager à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. (...) Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions une mise à pied conservatoire, avec effet immédiat, dans l'attente de la décision à intervenir ", qu'une telle mise à pied aurait revêtu, en l'espèce, la nature d'une sanction. D'ailleurs, le compte rendu de l'entretien susmentionné rédigé par le salarié de l'association qui assistait Mme D...à cette occasion, précise lui-même que le directeur général a indiqué que " la mise à pied à titre conservatoire a pour but aussi de protéger les usagers et qu'elle permet aux salariés d'être entendus (...) et que le temps de l'enquête interne, (...) il appliquera la présomption d'innocence (...) ". En outre, le bulletin de salaire d'octobre 2013, produit pour la première fois par l'intéressée en appel, comporte seulement la mention " Mise à pied conservatoire. Absence du 03/10/2013 au 31/10/2013 ". Dans ces conditions, la seule circonstance que le salaire de Mme D...a cessé de lui être versé à compter du 3 octobre 2013, date de la prise d'effet de sa mise à pied, ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait déjà fait l'objet, préalablement à la saisine de l'inspecteur du travail, le 16 octobre 2013, d'une première sanction fondée sur les mêmes griefs que ceux appelés à être soumis à son appréciation et sur lesquels il devait statuer en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date de sa décision. Dès lors, en autorisant, le 29 octobre suivant, son licenciement pour faute à raison des faits litigieux, l'inspecteur du travail n'a pas méconnu le principe non bis in idem.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Frédéric Levavasseur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante une somme de 1 000 euros à verser à l'association Frédéric Levavasseur sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera à l'association Frédéric Levavasseur la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Frédéric Levavasseur, à Mme H...D...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Copie en sera transmise au ministre des outre-mer et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2017.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX00452