Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SGM Manutention a demandé le 13 juin 2013 au tribunal administratif de La Réunion :
1°) d'annuler le titre de perception émis le 27 août 2009 à son encontre par le directeur des commissariats d'outre-mer des forces armées dans la zone sud de l'océan indien (FAZSOI) pour avoir paiement d'une indemnisation de 10 000 euros en réparation de la détérioration d'une hélice de Transal survenue lors du déchargement d'un conteneur le 25 mars 2006 ;
2°) d'annuler le commandement de payer émis le 26 septembre 2012 par le directeur régional des finances publiques de La Réunion pour le recouvrement de la somme susmentionnée ;
3°) d'annuler l'avis à tiers détenteur émis par le directeur régional des finances publiques de La Réunion qui lui a été notifié le 4 juin 2013 pour avoir paiement de la somme.
Par un jugement n° 1300814 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de La Réunion a jugé que l'opposition au titre exécutoire était tardive et déclaré sans fondement le commandement de payer et l'avis à tiers détenteur susmentionnés en raison de la prescription de la créance à la date de ces actes de poursuite.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 septembre 2015 et le 10 février 2016, le ministre de la défense demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 16 juillet 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la société SGM Manutention la somme de 2 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de la requête en appel a reçu délégation de signature de sorte que son recours est recevable ;
- le premier juge a commis une erreur matérielle dans la mesure où l'avarie n'est pas survenue le 20 février 2006 mais le 25 mars 2006 ;
- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors qu'en jugeant que la société requérante était forclose à contester le titre de perception en litige, il ne pouvait remettre en cause les actes de poursuite s'y rapportant en les déclarant sans fondement ;
- le juge administratif ne peut pas remettre en cause des actes d'exécution d'un titre de perception non contesté dans les délais utiles ;
- la créance en litige n'est pas prescrite ; par jugement du 8 décembre 2011, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire émis le 27 août 2009 d'un montant de 10 000 euros ; s'il est constant que le tribunal a également rejeté ses conclusions reconventionnelles, il est tout aussi constant que les conclusions relatives au recouvrement de la somme de 10 000 euros ne faisaient pas partie desdites conclusions reconventionnelles ; l'administration est donc fondée à poursuivre le recouvrement de la créance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2015, la société SGM Manutention conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête du ministre est irrecevable en l'absence de délégation régulière et opposable donnée à M.A... ;
- l'erreur matérielle contenue dans le jugement est sans incidence ;
- la créance dont se prévaut l'administration a été jugée prescrite par des décisions de justice définitives ; dès lors, les actes de recouvrement litigieux ne pouvaient qu'être annulés ; l'administration ne peut sans mauvaise foi se prévaloir du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 8 décembre 2011 pour faire revivre la créance prescrite.
Par ordonnance du 28 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2016 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n°66-420 du 18 juin 1966 ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ". Ces dispositions sont applicables, en vertu de l'article 35 du décret n° 2016-1480, à compter du 1er janvier 2017, y compris pour les requêtes enregistrées avant cette date.
2. Le 20 février 2006, le commissariat d'outre-mer des forces armées dans la zone sud de l'océan indien (FAZSOI) et la société SGM Manutention ont conclu un marché d'acconage à bons de commande pour une période d'un an reconductible deux fois, confiant à cette dernière le chargement et le déchargement des marchandises à bord des navires de l'escale de transits aérien et maritime des FAZSOI. Le 25 mars 2006, à l'occasion d'opérations d'acconage du navire " Eclipse " effectuées par la société SGM Manutention au port des Galets à La Réunion, un container est tombé d'une hauteur d'environ 5 mètres. Cette chute a endommagé le container ainsi que l'hélice d'avion Transal qu'il contenait et l'avarie a été immédiatement constatée par procès-verbal établi contradictoirement.
3. Le 27 août 2009, le directeur des commissariats d'outre-mer des FAZSOI a émis un titre de perception pour avoir paiement d'une somme de 10 000 euros " en recouvrement du préjudice subi lors de l'avarie du 25 mars 2006 ". Le 26 septembre 2012, le directeur régional des finances publiques de la Réunion a adressé à la société un commandement de payer cette somme et a signifié le 4 juin 2013 à la banque BNP Paribas un avis à tiers détenteur.
4. Saisi par la société SGM Manutention, le tribunal administratif de La Réunion a, par jugement du 16 juillet 2015, jugé que les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 27 août 2009 étaient tardives et par suite irrecevables. Mais il a déclaré sans fondement le commandement de payer et l'avis à tiers détenteur au motif que la créance pour laquelle ces actes de poursuite avaient été émis était prescrite. Le ministre de la défense doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a déchargé la société de l'obligation de payer l'indemnisation demandée par l'Etat en exécution des actes de poursuite en litige.
5. En premier lieu, contrairement à ce qu'affirme l'administration, la circonstance que la société SGM Manutention n'a pas fait opposition dans les délais requis au titre de perception du 27 août 2009 ne faisait nullement obstacle à ce qu'elle fît opposition à l'exécution du titre, contre les actes de poursuite pris par le comptable public pour avoir paiement de la somme en litige, en excipant la prescription acquise de la créance. Cette prétention touche à l'exigibilité de la dette de la société envers l'Etat ayant pour origine un préjudice subi lors de l'exécution d'un marché public et non à la régularité en la forme des actes de poursuite : le juge administratif est dès lors compétent pour en connaître.
6. En second lieu, le tribunal a jugé au point 4 de sa décision : " La société SGM Manutention soutient qu'à la date d'émission des actes de poursuites litigieux, la créance de l'administration militaire née de l'avarie survenue le 20 février 2006 était prescrite en application de la prescription annale précitée ; que, dans ses observations en défense, le ministre de la défense n'allègue ni même ne soutient que l'administration militaire aurait eu connaissance de l'avarie à une date postérieure au 20 février 2006 ou que le cours de la prescription aurait été suspendu en application des dispositions des articles 2234 et 2240 du code civil ; qu'il se borne à faire valoir que par le jugement devenu définitif précité du 8 décembre 2011 a rejeté les conclusions de la société " SGM Manutention " tendant à l'annulation du titre émis à son encontre le 27 août 2009, circonstance qui, par elle-même n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la prescription annale dont se prévaut la société requérante ".
7. Si l'administration fait à juste titre remarquer que le jugement est entaché d'une erreur de plume quant à la date de l'avarie, qui s'est produite non pas le 20 février 2006 mais le 25 mars 2006, elle ne fournit aucun élément en appel qui permettrait de contester que la prescription d'un an, applicable en l'espèce en vertu de l'article 32 de la loi du 18 juin 1966, commençait à courir à la date du 25 mars 2006 et aurait été interrompue entre le 25 mars 2006 et le 25 mars 2007 alors que, dans le jugement du tribunal de La Réunion n° 0900299 du 8 décembre 2011, devenu définitif à la suite de l'arrêt irrévocable n° 12BX00295 du 17 janvier 2013 de la cour, le tribunal a jugé que les créances de l'Etat nées de l'avarie survenue le 25 mars 2006 étaient prescrites le 25 mars 2007.
8. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que l'erreur de plume entachant le jugement attaqué quant à la date de l'avarie susmentionnée est sans incidence sur le bien fondé du jugement attaqué et, d'autre part, que l'administration n'est manifestement pas fondée à soutenir que le commandement de payer émis le 26 septembre 2012 et l'avis à tiers détenteur du 4 juin 2013 ne sont pas atteints par la prescription du recouvrement de la créance en litige constatée par le juge dans une décision devenue définitive.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la société SGM Manutention, que la requête d'appel est manifestement dépourvue de fondement et doit être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
10. La société SGM Manutention n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de l'Etat tendant au paiement des frais de procès ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la société SGM Manutention tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros sur ce fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête du ministre de la défense est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société SGM Manutention la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à la société SGM Manutention. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques-Aquitaine et Gironde.
Fait à Bordeaux, le 2 avril 2017.
Le président de la 4ème chambre,
Philippe Pouzoulet
La République mande et ordonne au ministre de la défense, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03069