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04/04/2017 | FRANCE | N°15BX01435

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15BX01435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités et prélèvements sociaux correspondants auxquels il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1203991 et 1205214 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 27 avr

il 2015 et le 13 novembre 2015, M. B...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités et prélèvements sociaux correspondants auxquels il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1203991 et 1205214 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 27 avril 2015 et le 13 novembre 2015, M. B...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 26 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est associé de la SCI du Gouzon, laquelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité des dépenses de travaux réalisées sur un immeuble situé à Gramat au motif que lesdits travaux s'assimilaient à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement et non à des travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les travaux ont été réalisés dans un bâtiment dont la destination d'origine était commerciale ; l'acte authentique de vente du bâtiment fait référence au contraire à un bâtiment à usage d'habitation au rez-de-chaussée ; si, en tout état de cause, ce bâtiment avait un usage commercial antérieurement à son acquisition, il n'en reste pas moins que la SCI du Gouzon a acquis un bien à usage d'habitation ; ainsi, le changement d'affectation du bâtiment était antérieur à sa vente et les travaux réalisés concernent bien un immeuble d'habitation ;

- il résulte de la jurisprudence et de la doctrine administrative (5 D-4-04 et 5D-2-07) que même une occupation temporaire à un usage autre que d'habitation n'est pas de nature à modifier la destination de l'immeuble ;

- c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que les travaux réalisés en 2008, 2009 et 2010 sur le bâtiment avaient pour objet d'aménager à usage d'habitation des locaux auparavant affectés à un autre usage ;

- les dépenses de réparation et d'entretien s'entendent de celles qui correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre en bon état un immeuble, d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial ; au contraire, des travaux de construction ou de reconstruction comportent soit la démolition complète d'un immeuble suivie de sa reconstruction, soit des modifications importantes apportées au gros oeuvre des locaux existants, soit encore des travaux d'aménagement à usage d'habitation de locaux auparavant affectés à un autre usage ;

- l'importance ou la nature des travaux effectués en l'espèce sur l'immeuble ne permettent pas, à elles seules, de qualifier lesdits travaux de construction ou de reconstruction ;

- ces travaux ont permis de doter l'immeuble d'un confort moderne et n'ont pas entraîné une modification de la surface existante ; ainsi, l'ampleur des fonds engagés pour financer ces travaux ne constitue pas un élément juridique à prendre en compte pour qualifier leur nature ; il s'agit bien de travaux d'entretien, de réparation qui sont déductibles du revenu foncier.

Par des mémoires en défense enregistré le 14 octobre 2015 et le 28 février 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- pour l'application de l'article 31-1 1° du code général des impôts, les dépenses de réparation et d'entretien déductibles du revenu foncier s'entendent de celles qui correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre en bon état un immeuble, d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial ; au contraire, des travaux de construction ou de reconstruction, non déductibles du revenu foncier, comportent soit la démolition complète d'un immeuble suivie de sa reconstruction, soit des modifications importantes apportées au gros oeuvre des locaux existants, soit encore des travaux d'aménagement à usage d'habitation de locaux auparavant affectés à un autre usage ;

- ainsi, des travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation ne sont pas déductibles du revenu foncier ; lorsque des travaux ont modifié la conception, l'aménagement ou les équipements d'un immeuble destiné originellement à l'habitation et que ces travaux permettent audit immeuble de retrouver sa destination d'origine, de tels travaux ne sont pas déductibles du revenu foncier ;

- il en va également ainsi dans l'hypothèse où ces travaux aboutissent à une augmentation du nombre d'unités de logement, aménagent à usage d'habitation des locaux constituant des dépendances d'un local d'habitation sans être eux-mêmes habitables ;

- les travaux réalisés par la SCI dans l'immeuble qu'elle a acquis en 2006 sont de grande ampleur car ils s'élèvent à 246 378,51 euros ; ils ont permis d'aménager deux appartements à usage d'habitation au rez-de-chaussée de l'immeuble qui accueillait auparavant un local commercial ; ces travaux ont consisté dans la démolition de la totalité des plafonds et des doublages intérieurs du rez-de-chaussée, dans la fermeture et la création d'ouvertures, de portes et de fenêtres, dans le ravoirage total du sol intérieur avec pose d'un isolant et d'un système de chauffage électrique au sol, dans le doublage des murs par un isolant, dans l'installation de sanitaires et d'un chauffe-eau électrique, dans le remplacement des huisseries et l'installation de volets roulants en PVC et dans l'ajout d'une terrasse extérieure ;

- de tels travaux ne peuvent s'analyser en des travaux d'amélioration, d'entretien ou de réparation ; d'autant que le rez-de-chaussée de l'immeuble n'était pas affecté à l'habitation au début des travaux ; il est en effet établi que cette partie du bâtiment comprenait alors un local à usage commercial et un appartement au premier étage ;

- l'argument selon lequel l'acte notarié du 3 avril 2009 indique que le rez-de-chaussée est à usage d'habitation ne peut être retenu dès lors que les travaux pratiqués sur l'immeuble par la SCI sont antérieurs à cet acte ;

- la doctrine administrative invoquée par le requérant n'ajoute rien à la loi fiscale et ne saurait en conséquence être invoquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...D...a acquis, le 13 novembre 2006, un immeuble situé route de Gramat à Saint-Céré. L'administration et la gestion de cet immeuble sont assurées par la société civile immobilière (SCI) du Gouzon, qui en est devenue le propriétaire et dont M. A...D...est le co-gérant avec ses deux frères, Benoît et Pierre. Des travaux ont été réalisés sur cet immeuble pour un montant de 246 378,51 euros qui a engendré, pour la SCI du Gouzon, un déficit foncier dont M. A...D...a demandé à l'administration, le 25 mai 2010, qu'il soit déduit de son revenu global imposable. Cette demande a été rejetée par l'administration au motif que les travaux réalisés ne consistaient pas en l'amélioration, l'entretien ou la réparation de l'immeuble existant mais constituaient au contraire une reconstruction de celui-ci. En conséquence, et en application de l'article 8 du code général des impôts, les revenus fonciers de M. B...D...ont été rehaussés à hauteur du coût des travaux représentatif de sa participation dans le capital de la SCI du Gouzon, laquelle s'élève à 50 %. M. B...D...a donc été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008, 2009 et 2010 assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Il a également été assujetti à des prélèvements sociaux au titre de la même période d'imposition. M. B...D...relève appel du jugement rendu le 26 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge de ces suppléments d'imposition ainsi que des intérêts et pénalités correspondants.

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (...), aux professions qu'ils exercent (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les dépenses de réparation, d'entretien ainsi que les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation effectuées par un propriétaire sur son immeuble sont déductibles de son revenu imposable. Tel n'est pas le cas, en revanche, des dépenses correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement de l'immeuble.

4. Au sens des dispositions précitées, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction. Doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'acte notarié du 13 novembre 2006, que lors de son acquisition par M. A...D..., l'immeuble en cause comprenait un rez-de-chaussée constitué d'un local à usage commercial et un étage abritant un appartement. De même, la SCI du Gouzon s'est dotée, lors de sa constitution le 20 avril 2007, de statuts dont l'article 32-2° précise également que l'immeuble concerné, qu'elle prévoit d'acquérir, est à usage commercial et d'habitation. Il résulte par ailleurs des autres éléments de l'instruction que le local commercial situé au rez-de-chaussée servait à une activité de boucherie.

6. Les travaux réalisés, pour un montant de 246 378,51 euros, ont concerné le rez-de-chaussée de l'immeuble dans lequel deux appartements ont été créés. Entrepris en 2007 jusqu'au 1er mars 2009, date de leur achèvement, ces travaux ont consisté dans la démolition de la totalité du plafond et des doublages intérieurs du rez-de-chaussée, la modification des ouvertures intérieures, la pose d'une chape de ravoirage avec un isolant et un système de chauffage électrique par le sol. De plus, il a été procédé à l'installation de sanitaires, à l'aménagement de deux cuisines et de deux salles d'eau, au remplacement des anciennes huisseries par des volets roulants en PVC et à la réfection de l'intégralité du système électrique. Les travaux ont également consisté dans la réalisation d'une terrasse extérieure. Ils ont ainsi abouti à la réalisation de deux appartements dont les surfaces habitables s'élèvent, respectivement, à 93,90 mètres carrés et 81,89 mètres carrés ainsi qu'il ressort des mentions portées sur les déclarations " modèle H2 " établies le 30 avril 2009 par le gérant de la SCI.

7. Eu égard à leur nature, de tels travaux doivent être regardés comme des travaux de reconstruction d'une partie de l'immeuble existant, au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts, et ne sont dès lors pas déductibles du revenu imposable de M. B... D.... C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a, pour ce motif, procédé au rehaussement des impositions en litige. Pour soutenir néanmoins que ces travaux portaient sur un immeuble déjà affecté à l'habitation, de sorte qu'ils consistaient en de simples travaux de réparation ou d'amélioration dont le coût est déductible de son revenu imposable, M. B... D...se prévaut d'un acte notarié du 3 avril 2009, établi lors de la vente de l'immeuble à la SCI du Gouzon, dont les mentions indiquent que ledit immeuble comprend un rez-de-chaussée à usage d'habitation composé de deux appartements. Toutefois, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il conviendrait de se référer à cette date du 3 avril 2009 pour apprécier l'affectation des locaux dès lors qu'à cette même date les travaux litigieux avaient été entièrement réalisés et qu'ils avaient consisté, ainsi qu'il résulte du point 6 du présent arrêt, à créer deux appartements dans un local qui servait auparavant à une activité commerciale.

Sur le terrain de la doctrine fiscale :

8. Comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Toulouse, les instructions du 26 mai 2004 (5 D-4-04) et du 23 mars 2007 (5 D-2-07 n° 20), publiées au bulletin officiel des impôts, ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale dont M. D...serait fondé à se prévaloir devant le juge de l'impôt sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusion présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 avril 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Péano Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

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N° 15BX01435


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