Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé l'autorisation d'exploiter des terres d'une superficie de 64 hectares, 65 ares et 43 centiares situées sur le territoire des communes de Daux et Merville, ainsi que la décision du 28 septembre 2012 par laquelle cette autorité a rejeté son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1205202 du 10 juin 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015, M.A..., représenté par la SELARL La Clé des Champs, cabinet d'avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse daté du 10 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2012 ainsi que le rejet de son recours gracieux en date du 28 septembre 2012 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont à tort opéré une substitution de motifs sans qu'il soit mis en mesure de présenter ses observations ;
- il peut se prévaloir d'une autorisation implicite d'exploiter née le 6 juillet 2012, dès lors que l'administration n'a pas prorogé le délai d'instruction de sa demande ; le courrier de l'administration du 1er juin 2012 ne mentionne pas la prorogation du délai d'instruction de sa demande ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- le refus litigieux méconnaît l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles ;
- les propriétaires des terres litigieuses lui ont consenti des baux à ferme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la circonstance tirée de ce que le délai d'instruction a été prolongé irrégulièrement n'est de nature à justifier l'annulation d'une décision relative aux autorisations d'exploiter que lorsque, du fait d'une évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant la prolongation, cette irrégularité a eu une incidence sur le sens de la décision ; en l'espèce, aucun élément n'est venu modifier la situation du pétitionnaire, de l'exploitant en place et encore moins des demandeurs concurrents, l'ensemble des demandes ayant été déposé avant l'expiration du délai de quatre mois ; l'irrégularité invoquée n'a donc pu exercer aucune influence sur le sens de l'arrêté attaqué ;
- en tout état de cause, M. A...a été informé le 21 mai 2012 de l'existence de demandes concurrentes, et le 1er juin 2012, d'une nouvelle demande concurrente ainsi que de la saisine de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) ; le préfet a donc implicitement mais nécessairement entendu prolonger le délai d'instruction de quatre à six mois ;
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ; aucun texte ni aucun principe n'imposent au préfet de joindre les éléments sur lesquels il s'est fondé pour justifier son refus ;
- M. C...relevait du rang de priorité n°1 fixé à l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles tandis que la demande de M. A...relevait du rang de priorité n°6 ; le préfet était donc tenu de refuser sa demande d'autorisation d'exploiter les terres en litige ; le fait que cette installation ne favorise pas la restructuration foncière de l'exploitation du requérant est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué puisqu'il s'agit de la priorité n°3 ; le fait que M. C...fournisse une aide familiale sur l'exploitation de ses parents ne fait pas de lui un agriculteur installé.
Par ordonnance du 13 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 5 septembre 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2017 :
- le rapport de M. Philippe Pouzoulet ;
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 janvier 2012, M. B...A...a déposé une demande d'autorisation d'exploiter des parcelles d'une surface totale de 64 hectares, 65 ares et 43 centiares situées sur le territoire des communes de Daux et Merville. Par un arrêté du 19 juillet 2012, confirmé par une décision du 28 septembre 2012 rejetant un recours gracieux, le préfet de la Haute Garonne a rejeté sa demande. M. A...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, sans se livrer à une substitution de motifs, se sont bornés à écarter le moyen soulevé devant eux et tiré de ce que le requérant pouvait se prévaloir d'une autorisation implicite d'exploiter les parcelles en litige en application de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime après avoir estimé que " la circonstance que la décision du 1er juin 2012 (qui indiquait à M. A...qu'en raison d'une demande concurrente, la commission départementale d'orientation de l'agriculture devait se prononcer le 19 juillet 2012) ne faisait pas expressément référence à la prolongation du délai d'instruction était sans incidence sur les effets produits par cette décision " et que, dans ces conditions, " la notification de la décision du 1er juin 2012, qui devait être regardée comme portant implicitement mais nécessairement le délai d'instruction de la demande de M. A...à six mois, faisait obstacle à la naissance d'une autorisation tacite au terme du délai normal de quatre mois ". Dès lors, le moyen relatif à l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version alors applicable : " I. - Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande. / Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'un autre département. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. (...) / A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que la notification au pétitionnaire, dans les quatre mois suivant l'enregistrement de sa demande, d'une lettre portant le délai d'instruction à six mois fait obstacle à la naissance d'une autorisation tacite au terme du délai normal de quatre mois. Il en va ainsi alors même que la décision prolongeant le délai d'instruction serait entachée d'une insuffisance de motivation. La circonstance que le délai d'instruction ait été prolongé irrégulièrement entache toutefois d'illégalité la décision d'accorder ou de refuser l'autorisation lorsque, du fait d'une évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant la prolongation, celle-ci a eu une incidence sur le sens de la décision.
5. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. A...d'exploiter les terres situées sur les communes de Daux et Merville était complète à compter du 6 mars 2012 et a fait courir à cette date le délai d'instruction de quatre mois prévu par l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime. Le préfet de la Haute-Garonne qui avait jusqu'au 6 juillet 2012 pour instruire cette demande a toutefois informé le requérant, par lettre du 21 mai 2012, que sa demande ainsi que les demandes concurrentes devraient être présentées, pour avis, devant la commission départementale d'orientation agricole (CDOA) du 7 juin 2012 et, par lettre du 1er juin 2012, que l'ensemble des demandes d'autorisation d'exploiter seraient finalement examinées lors de la séance de la CDOA du 19 juillet 2012 en raison d'une nouvelle demande concurrente. Comme cela résultait implicitement mais nécessairement de ces courriers, le délai d'instruction de la demande de M. A...se trouvait ainsi prorogé sans que ce dernier puisse utilement faire valoir que le courrier du 1er juin 2012 qui ne mentionnait aucune prorogation du délai d'instruction aurait été insuffisamment motivé. En tout état de cause, en l'absence de toute évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant la prolongation de l'instruction et ayant eu une incidence sur le sens de la décision de refuser l'autorisation d'exploiter les parcelles en litige, M. A...n'était pas titulaire d'une autorisation tacite lorsqu'est intervenu l'arrêté du 19 juillet 2012 lui refusant l'autorisation d'exploiter.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime alors applicable : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées (...) ".
7. Aux termes du II de l'article R. 331-6 du même code : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 ". Si le préfet doit, en vertu des dispositions précitées, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des éléments dont les dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime prescrivent de tenir compte.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral contesté, après avoir visé les textes applicables et le schéma directeur départemental des structures agricoles du département de la Haute-Garonne, a indiqué que les terres en litige ont fait l'objet d'une demande concurrente prioritaire déposée par M.C..., que cette demande est " située en priorité 2.1 du schéma départemental (installation initiale) ", tandis que " la demande de M. A... se situe en priorité 6 (agrandissement des exploitations dont la surface agricole utile est supérieure au seuil d'autorisation) ". Dans ces conditions, l'arrêté du 19 juillet 2012, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, précise les éléments permettant d'apprécier le caractère prioritaire de la demande de M.C..., est suffisamment motivé au regard des exigences du II de l'article R. 331-6 du même code sans que le préfet ait l'obligation de mentionner le contenu de la demande concurrente de M.C....
9. De plus, dès lors qu'est demandée l'annulation d'une décision initiale, suffisamment motivée, et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, les moyens critiquant les vices propres dont serait entaché le rejet du recours gracieux, qui ne se substitue pas à la décision initiale, sont inopérants. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 28 septembre 2012 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté le recours gracieux formé par M. A...contre l'arrêté du 19 juillet 2012, sans influence sur la légalité du refus d'autorisation d'exploiter, doit être écarté.
10. En dernier lieu, il résulte des dispositions précitées que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'exploiter des terres agricoles, doit pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles.
11. Il ressort des pièces du dossier que par décision du 19 juillet 2012, le préfet de la Haute-Garonne a refusé à M. A...d'exploiter les parcelles en litige au motif que M. C..., dont la demande d'autorisation d'exploiter accompagnait son installation initiale, relevait du rang de priorité 2.1 du schéma directeur départemental des structures agricoles du département de la Haute-Garonne, tandis que le requérant, dont la demande tendait à agrandir son exploitation dont la surface agricole utile est supérieure au seuil d'autorisation, relevait du rang de priorité 6 dudit schéma. Si M. A...soutient que sa demande tend en fait à favoriser la restructuration foncière de son exploitation et à tenir compte des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics, sans d'ailleurs assortir le moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ce motif, en tout état de cause, aurait relevé du rang de priorité 4 du schéma départemental qui est inférieur au rang de priorité dont pouvait bénéficier la demande de M.C.... Dès lors, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu l'ordre des priorités défini par le schéma. Enfin, la circonstance selon laquelle les propriétaires des parcelles en litige ont consenti des baux à ferme à M. A...et auraient choisi de faire appel à cet exploitant est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 19 juillet 2012.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2012 ainsi que de la décision du 28 septembre 2012 rejetant son recours gracieux. Les conclusions de la requête à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
Le président-assesseur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX02670