Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... -J... C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le contrat de concession conclu entre le préfet de La Réunion et la société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP), ainsi que les avenants à ce contrat, d'annuler la décision en date du 18 avril 2012 par laquelle le préfet de La Réunion a rejeté sa demande indemnitaire, de condamner solidairement l'Etat et la région Réunion à lui verser une somme de 5 848 000 euros en réparation du préjudice subi et, à titre subsidiaire, de désigner un expert afin de déterminer la perte de bénéfice qu'il a subi du fait de l'attribution de la concession à la SRPP.
Par un jugement n° 1200508 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 11 mars 2015, et 4 mars 2016, M. B... -J...C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 29 décembre 2014 ;
2°) d'annuler le contrat de concession conclu entre le préfet de La Réunion et la SRPP, ainsi que les avenants à ce contrat ;
3°) d'annuler la décision en date du 18 avril 2012 par laquelle le préfet de La Réunion a rejeté sa demande indemnitaire ;
4°) de condamner solidairement l'Etat et la région Réunion à lui verser une somme de 5 848 000 euros en réparation du préjudice subi ;
5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert afin de déterminer la perte de bénéfice qu'il a subi du fait de l'attribution de la concession à la SRPP ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat et de la région Réunion, pris ensemble, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- le tribunal administratif a jugé à tort que sa demande était irrecevable ; alors qu'il était le seul à avoir présenté une offre, pour le compte de la société en formation Tamarins Portail Services (TPS), le contrat de concession a été attribué à la SRPP qui n'avait pas présenté d'offres et apparaissait dans l'offre de la société en formation TPS en qualité de fournisseur de carburant ;
- il doit être regardé comme un concurrent évincé au sens de la jurisprudence ;
- l'attribution du marché à la SRPP ne lui a pas été notifiée alors qu'il était le concessionnaire signataire du cahier des charges et du récépissé de remise des offres ; le contrat est donc entaché d'un vice de forme de nature à en justifier l'annulation ;
- il doit être regardé comme un concessionnaire évincé au sens de la jurisprudence " Tropic " ;
- en attribuant le contrat de concession à la SRPP qui n'avait pas soumissionné, le préfet de la région Réunion et la région Réunion ont commis une faute de nature à engager la responsabilité solidaire de l'Etat et de la région ; il a subi un préjudice tenant à ce qu'il n'a pas reçu les gains attendus du contrat de concession ; ce préjudice s'établit à 5 648 000 euros, auquel il convient d'ajouter le préjudice moral subi, qui s'élève à 200 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2015, la société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C... de la somme de 4 000 euros au tire de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance du requérant était irrecevable faute de comporter l'adresse de celui-ci ; cette demande était par ailleurs tardive ; enfin, M. C... ne peut être regardé comme un candidat évincé au sens de la jurisprudence ;
- la requête d'appel est irrecevable ; elle est tardive ; M. C... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la circonstance que le cahier des charges ne serait pas daté est sans conséquence sur la légalité du contrat de concession, lequel n'avait par ailleurs pas à être notifié à M. C... ;
- les conclusions indemnitaires du requérant ne peuvent qu'être rejetées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2015, la région Réunion conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge du requérant d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est tardive et par suite irrecevable ; M. C... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ; le requérant ne peut soutenir qu'il agit en tant que gérant de la société TPS laquelle n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif ;
- la demande de première instance était irrecevable ; outre qu'elle était tardive, M. C... ne peut en effet être regardé comme un candidat évincé au sens de la jurisprudence ; il ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à titre personnel ;
- la circonstance que le cahier des charges ne serait pas daté est sans conséquence sur la légalité du contrat de concession, lequel n'avait par ailleurs pas à être notifié à M. C... ;
- contrairement à ce que soutient le requérant, la SRPP était bien candidate à l'attribution de la concession ; les modalités du partenariat entre la SRPP et la société Tamarin portail n'étant pas précisées dans l'offre, laquelle présentait la SRPP comme responsable du projet, l'Etat a pu valablement conclure avec cette dernière en laissant à ces deux sociétés privées le soin de déterminer ultérieurement les modalités de mise en oeuvre de leur partenariat dont le contrat de concession autorisait néanmoins le principe ; ce faisant, l'Etat n'a pas méconnu les termes de l'offre qui lui était soumise ;
- les conclusions indemnitaires du requérant ne peuvent qu'être rejetées ; aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat ou à la région ; M. C... n'a, à titre personnel, subi aucun préjudice ; il ne justifie pas des sommes qu'il réclame, ses conclusions indemnitaires étant par ailleurs mal dirigées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de La Réunion a jugé à bon droit que la demande de M. C... était irrecevable ;
- en tout état de cause, la créance de réparation de M. C... est prescrite et ses conclusions indemnitaires doivent par suite être rejetées ;
- M. C... n'avait pas la qualité de concurrent évincé ; dès lors, ses conclusions à fin d'annulation du contrat de concession sont irrecevables ; par ailleurs, son préjudice n'est pas établi.
Par ordonnance du 18 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2016 à 12h00.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
La société réunionnaise de produits pétroliers, la région Réunion et M. C...ont présenté des observations sur ce moyen par des mémoires enregistrés respectivement le 20 février 2017, le 22 février 2017 et le 23 février 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- les conclusions de M. I... de la Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeH..., représentant M. B...-J... C...et de Me A..., représentant la région Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. La direction départementale de l'équipement de La Réunion a publié le 14 décembre 2006 un avis d'appel public à la concurrence en vue de la passation de délégations de service public ayant pour objet l'exploitation de trois aires de service situées sur la route des Tamarins. Le 19 décembre 2007, le préfet de La Réunion et la société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) ont signé un contrat de concession pour l'établissement et l'exploitation de l'aire de service du Portail. M. C... fait appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce contrat ainsi qu'à la condamnation solidaire de l'Etat et de la région Réunion à lui verser la somme de 5 848 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat :
2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ces clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Cette règle, énoncée par l'arrêt Société Tropic Travaux Signalisation du Conseil d'Etat en date du 16 juillet 2007, ne trouve toutefois à s'appliquer, en vertu de cet arrêt, qu'aux recours exercés à l'encontre de contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à la date de sa lecture, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'avis d'appel public à la concurrence pour l'attribution du contrat litigieux ayant été publié le 14 décembre 2006. Par suite, le tribunal administratif de La Réunion ne pouvait rejeter comme irrecevables les conclusions en annulation présentées par M. C... en se fondant sur la règle énoncée par l'arrêt Société Tropic Travaux Signalisation.
3. Néanmoins, il résulte de l'instruction que M. C... n'était pas lui-même, en tant que personne physique, partie au contrat de concession signé entre l'Etat, auquel s'est par la suite substituée la région Réunion, et la SRPP. Aussi, comme l'a fait valoir la région Réunion devant les premiers juges, était-il sans qualité pour saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à ce que soit constatée la nullité dudit contrat, lequel ne constitue par ailleurs pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions dirigées contre le contrat de concession sont irrecevables et M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif en a prononcé le rejet.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Tout concurrent évincé peut engager un recours de pleine juridiction tendant à l'indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé.
5. M. C... soutient qu'il doit être regardé comme un concurrent évincé dans le cadre de l'appel d'offres lancé pour l'attribution du contrat de concession afférent à l'établissement et l'exploitation de l'aire de service du Portail dès lors qu'il a été le seul à présenter une offre et que le concessionnaire retenu, la SRPP, n'avait, pour sa part, pas présenté d'offres.
6. Il résulte de l'instruction que la seule offre remise en réponse à la consultation lancée pour l'établissement et l'exploitation des aires de service Saline-Aval et Portail, était accompagnée d'une lettre de couverture rédigée sur un papier à entête de la société SRPP et indiquant que " Nous vous remercions d'avoir bien voulu retenir la candidature de la SRPP qui apporte son soutien et son expertise technique à deux sociétés réunionnaises, " Tamarin-Aval " et " Tamarin-Portail ", ses partenaires, qui ont choisi d'investir en tant que concessionnaires sur les Aires de service de la Route des Tamarins. C'est avec enthousiasme qu'ensemble nous avons décidé de présenter deux dossiers relatifs aux aires Saline-Aval et Portail. (...) confier ces deux réalisations au partenariat " Tamarin-Aval "-" Tamarin-Portail " et SRPP permet des économies d'échelles tant en matière de réalisation que d'exploitation (...) ". Cette lettre était signée de première part par M. E... D..., en qualité de directeur général de la SRPP et, de seconde part, par M. B... C..., en qualité de gérant des sociétés " Tamarin-Aval " et " Tamarin-Portail ". Elle était accompagnée, s'agissant du projet " Portail ", d'un dossier de présentation de celui-ci dont l'introduction, signée par M. E... D...seul, en qualité de directeur général de la SRPP et de " responsable des dossiers de candidature au projets de stations-service de la Route des Tamarins ", commençait de la manière suivante : " Le projet présenté par SRPP et son partenaire local, la société Tamarin-Portail, est constitué sur des bases architecturales et dans un contexte environnemental particulièrement étudié (...) " et se terminait ainsi : " Nous remercions l'ensemble des décisionnaires d'avoir sélectionné SRPP pour participer avec ses partenaires locaux, la société Tamarin Portail en particulier, à cet appel d'offres. ". Il ne ressort pas de ces documents, ni d'aucun des autres éléments produits, que l'offre ainsi remise par le " partenariat " SRPP/SARL Tamarin-Portail aurait désigné M. C... comme seul concessionnaire et que la SRPP n'aurait eu vocation à participer au projet qu'en qualité de fournisseur de carburants. A cet égard, la circonstance que le récépissé de remise des offres ait été signé par M. C... ne permet pas d'établir que l'offre aurait été remise au seul nom de celui-ci, en qualité de concessionnaire, ce récépissé étant également signé par un représentant de la SRPP. De la même façon, la circonstance que seul M. C... aurait signé le cahier des charges communiqué aux candidats ne permet pas davantage de regarder l'offre présentée par le partenariat susmentionné comme émanant de M. C... seul.
7. Il résulte par conséquent de l'instruction, et notamment des termes dans lesquels était rédigée l'offre du " partenariat " SRPP/SARL Tamarin-Portail, laquelle ne donnait par ailleurs aucune précision sur les modalités juridiques de ce " partenariat ", ainsi que de l'article 1.1 du cahier des charges remis aux candidats, qui précisait que " Le concessionnaire est tenu, à titre prioritaire, d'assurer la distribution de carburants et lubrifiants (et de toute autre source d'énergie) aux usagers de la route ", d'une part, que la SRPP avait un rôle central dans la seule offre remise au concédant, et, d'autre part, que le second acteur de ce projet était, non pas M. C... lui-même, mais la société Tamarins-Portail, dont celui-ci était le gérant. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait présenté une offre qui n'aurait pas été retenue et qu'il devrait, à ce titre, être regardé comme un concurrent évincé.
8. Si M. C... fait également valoir, dans le dernier état de ses écritures d'appel, que la qualité de concurrent évincé doit en tout état de cause être reconnue à tout concurrent qui aurait eu intérêt à conclure le contrat contesté, alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé, en qualité de personne physique, aurait présenté un intérêt à conclure la délégation de service public en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à ce plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat ou de la région Réunion, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la région Réunion et par la SRPP.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Réunion et par la SRPP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... -J...C..., à la société réunionnaise de produits pétroliers, à la région Réunion et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIER
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00800