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02/05/2017 | FRANCE | N°14BX02717

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 14BX02717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., Mme E...H..., M. I...H...et M. F...H...ont demandé au tribunal administratif de Guyane l'indemnisation par le centre hospitalier Andrée Rosemon de leurs préjudices personnels et, en qualité d'ayants droit, de ceux subis par Mme G...B..., leur mère décédée, et la mise à la charge du centre hospitalier d'une somme de 5 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300316 du 14 mai 2014, le tribunal administratif de Guyane a cond

amné le centre hospitalier de Guyane à verser aux demandeurs, d'une part, en l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., Mme E...H..., M. I...H...et M. F...H...ont demandé au tribunal administratif de Guyane l'indemnisation par le centre hospitalier Andrée Rosemon de leurs préjudices personnels et, en qualité d'ayants droit, de ceux subis par Mme G...B..., leur mère décédée, et la mise à la charge du centre hospitalier d'une somme de 5 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300316 du 14 mai 2014, le tribunal administratif de Guyane a condamné le centre hospitalier de Guyane à verser aux demandeurs, d'une part, en leur qualité d'héritiers, la somme globale de 8 200 euros, et, d'autre part, au titre de leur préjudice propre, à Mme D...B..., à Mme E...H..., à M. I...H...et à M. F...H..., les sommes respectives de 19 619,09 euros, 13 000 euros, 13 000 euros et 13 000 euros et à verser aux demandeurs la somme globale de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le surplus des conclusions de la demande étant rejeté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 16 septembre 2014 et

5 mars 2015, Mme D...B..., Mme E...H..., M. I...H...et M. F...H..., représentés par MeJ..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Guyane en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Guyane à verser, en premier lieu, à chaque demandeur une somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral, en deuxième lieu, à verser aux ayants droit en réparation des préjudices subis par la victime une somme globale de 62 496,69 euros, en troisième lieu, à verser au titre de l'assistance à tierce personne la somme de 16 511 ,80 euros, en quatrième lieu, au titre du préjudice d'accompagnement une somme de 18 625 euros à verser à Mme D...B..., et de 15 000 euros chacun à verser à Mme E...H..., à M. I... H...et à M. F...H..., en cinquième lieu, à verser à Mme D...B...une somme de 3 652,10 euros au titre de l'indemnisation d'un mois de congés et en sixième lieu, à leur verser la somme globale de 6 328,37 euros au titre des débours ;

3°) d'assortir l'ensemble de ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable adressée le 23 août 2013, avec capitalisation des intérêts échus au 23 août 2012, puis à chaque échéance annuelle ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Guyane la somme de 5 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée ; l'expertise judiciaire a relevé plusieurs fautes de service et manquements déontologiques à l'origine du décès de MmeB..., notamment que la présence de barrières dans le lit de la patiente était indispensable au regard de son âge et de son état de santé ;

- les montants alloués par les juges de première instance ne correspondent pas à la réalité des dépenses engagées et des préjudices subis ; ainsi devront être alloués tant à chacun des demandeurs en réparation de son préjudice moral qu'à titre d'ayants droit, les sommes réclamées dans leurs conclusions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2014, le centre hospitalier de Cayenne, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'appel interjeté par Mme E...H...et MM. I...et F...H...est irrecevable en l'absence de date certaine de notification de la décision de première instance ;

- sa responsabilité n'est pas engagée car l'état de la patiente ne nécessitait pas de contention particulière ou une surveillance nocturne spécifique ;

- le retard de diagnostic de la fracture vertébrale ne peut entraîner qu'une indemnisation pour perte de chance ; Mme B...présentait avant son hospitalisation un état général très précaire, qualifié de grabataire par les experts ;

- les sommes allouées par les juges de première instance concernant l'ensemble des préjudices invoqués par les requérant doivent être confirmées.

La caisse générale de sécurité sociale de la Guyane, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 9 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...représentant le centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G...B..., âgée de 87 ans, a été hospitalisée le 12 juillet 2006 au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne en vue d'une intervention chirurgicale consistant en une amputation de deux orteils du fait d'une nécrose artéritique. Dans la nuit du 12 au

13 juillet 2006, elle a été victime d'une chute ayant entraîné une fracture-luxation du rachis cervical, à la suite de laquelle il lui a été délivré un traitement anti-douleur. Après son transfert, le 17 juillet 2006, dans le service de chirurgie viscérale, la patiente se plaignant de douleurs au niveau de la nuque, il lui a été prescrit une radiographie qui n'a été réalisée que le

26 juillet 2006. Le 31 juillet suivant, il a été prescrit à la patiente le port d'un collier cervical jour et nuit. A la suite d'un diagnostic identifiant une fracture de la deuxième vertèbre cervicale, qui a été posé le 11 septembre 2006, MmeB..., a été transférée le 5 novembre 2006 à l'hôpital

de la Pitié-Salpêtrière, où elle est décédée le 8 novembre suivant. Par jugement du 14 mai 2014, le tribunal administratif de Guyane a condamné le centre hospitalier Andrée Rosemon à verser aux ayants droit de la patiente une indemnisation en réparation des préjudices liés à la prise en charge et au décès de leur mère. Les requérants demandent la réformation de ce jugement en tant, d'une part, qu'il n'a pas retenu une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier et, d'autre part, qu'il a sous-estimé l'étendue des préjudices subis. Le centre hospitalier Andrée Rosemon demande la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le tribunal administratif de Guyane le 14 mai 2014.

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. Il résulte de l'instruction qu'aucun des éléments portés à la connaissance de l'hôpital de Cayenne Andrée Rosemon notamment quant à l'âge de la patiente, ses antécédents et son état de santé, ne justifiait une contention et une surveillance particulière de Mme B...qui, antérieurement à son hospitalisation, restait seule la nuit à son domicile selon les dires mêmes des requérants. D'ailleurs, l'équipe médicale n'avait prescrit ni l'une ni l'autre. Ainsi, il ne peut être considéré que le défaut de surveillance spécifique et de mise en place de barrières sur le lit qu'occupait MmeB..., équipé d'un dispositif d'appel des infirmiers et aides soignants, seraient constitutifs de fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service.

4. En revanche, le centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon ne conteste pas sa responsabilité du fait du retard de diagnostic de la fracture dont a souffert la victime et de la prescription d'un collier minerve au lieu d'une grande minerve, telle que l'a retenue le tribunal administratif.

Sur la réparation :

5. En condamnant le centre hospitalier à verser aux ayants droit de

Mme B...1 200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, durant une période allant du 14 juillet 2006 au 8 novembre 2006, 5 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées par les experts à 4 sur 7 et 2 000 euros au titre d'un préjudice esthétique temporaire, évalué par les experts à 2 sur 7, le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante des préjudices subis par la victime. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le préjudice d'agrément et le déficit fonctionnel permanent ne sont constitués qu'après consolidation de l'état de santé d'une victime. En l'absence de consolidation de l'état de santé de MmeB..., c'est à bon droit que ces chefs de préjudice ont été écartés par le tribunal. Compte tenu de l'état initial de la patiente, qui nécessitait déjà une assistance par une tierce personne, c'est également à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions tendant à la réparation par le centre hospitalier d'un préjudice lié à une assistance par une tierce personne lors du retour de Mme B...à son domicile, en l'absence d'éléments permettant de justifier une augmentation de ses besoins.

6. Les premiers juges ont fait droit aux conclusions de Mme D...B...tendant au remboursement des frais de 2 136,20 euros qu'elle a exposés pour l'accompagnement de sa mère en métropole. Ils ont également retenu le surcoût de frais d'obsèques lié à l'évacuation sanitaire en métropole, d'un montant de 2 482,89 euros, exposé par Mme D...B.... Les requérants ne produisent en appel aucun élément permettant d'estimer que le tribunal aurait fait de ces chefs de préjudice une évaluation insuffisante ni que les autres frais d'accompagnement et d'obsèques dont font état les requérants seraient en lien direct avec la faute commise par l'établissement, eu égard à l'état de santé initial extrêmement précaire de la patiente.

7. Le tribunal, après avoir relevé que les fautes de l'établissement avait accéléré de quelques mois le décès de MmeB..., a évalué le préjudice personnel subi par Mme D...B..., Mme E...H..., M. I...H...et M. F...H..., respectivement, à 15 000 euros, 13 000 euros, 13 000 euros et 13 000 euros, du fait de la perte prématurée de leur mère et de l'accompagnement qu'ils lui ont prodigué, notamment en ce qui concerne

Mme D...B..., qui a utilisé ses congés annuels pour rester à ses côtés. En condamnant le centre hospitalier à leur verser ces sommes, le tribunal n'a pas sous-estimé leur préjudice sur ce point.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Guyane, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guyane a limité à 19 619,09 euros, 13 000 euros, 13 000 euros et 13 000 euros les sommes qu'il a condamné le centre hospitalier de Cayenne à leur verser.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les consorts B...-H... demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...H..., M. I...H..., M. F...H...et Mme D...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...H..., à M. I...H..., à

M. F...H..., à Mme D...B..., à la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane et au centre hospitalier Andrée Rosemon.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No14BX02717


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