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13/06/2017 | FRANCE | N°15BX00193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 15BX00193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 février 2012 par lequel le président du conseil général de la Charente-Maritime lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de trois jours avec sursis et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1201993 du 19 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et un mémoire enregistrés les 19 janvier 2015, 11 juin 2015, 8 octobre 2015 et 26 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 février 2012 par lequel le président du conseil général de la Charente-Maritime lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de trois jours avec sursis et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1201993 du 19 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 janvier 2015, 11 juin 2015, 8 octobre 2015 et 26 septembre 2016, le département de la Charente-Maritime, représenté par MeB..., demande à la cour d'annuler ce jugement du 19 novembre 2014, de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Poitiers et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par pli recommandé du 20 janvier 2012, l'intéressé a, conformément à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, été informé de l'ouverture d'une procédure disciplinaire et informé de son droit à communication de son dossier ; l'entretien préalable, qui n'est requis par aucun texte, est sans conséquences sur la régularité de la procédure ; le caractère déloyal de cet entretien n'est en tout état de cause pas établi ; à aucun moment l'intéressé n'a été avisé de la suspension ou de l'arrêt de la procédure ; il ressort de l'attestation établie le 2 juin 2015 par l'ancien directeur des ressources humaines que l'agent, qui a mal interprété ces propos, a simplement été informé que la décision n'était pas prise " définitivement ", c'est-à-dire à l'issue de l'entretien ainsi que de la possibilité d'un sursis ; sa situation a été évoquée et il a pu s'exprimer à ce sujet ; il a toujours été soutenu en défense que les directeurs n'avaient jamais dit que la procédure était suspendue ; les témoignages de M. C...et de son collègue n'ont pas plus de valeur probante que celui qu'il verse au dossier ;

- le signataire de l'arrêté contesté, premier vice-président du Conseil général, disposait d'une délégation consentie par un arrêté du 31 mars 2011 ; la circonstance que M. C...n'ait reçu qu'une ampliation de la décision est sans incidence ;

- l'intéressé, qui n'a jamais accepté les consignes de travail et a adopté une attitude contestataire, déjà constatée lors de précédentes affectations, a méconnu son devoir d'obéissance en refusant d'utiliser le répertoire du serveur de l'agence ; le manquement au devoir de réserve est caractérisé par les propos tenus et confirmé par les techniciens qui ont relevé des agressions verbales répétées et un manque de respect à l'égard de la hiérarchie et des autres membres du personnel ; enfin, il est fait grief à l'intéressé de s'absenter sans autorisation et de présenter des pointages ne correspondant pas à ses horaires de présence effective.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2015, et le 31 mars 2016, M. C..., représenté par la Selarl Mitard Baudry, conclut au rejet du recours et à la condamnation du département de la Charente-Maritime à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- lors de son entretien, il n'a pas été mis à même de s'exprimer de manière précise et détaillée sur les faits reprochés, ses interlocuteurs lui ayant indiqué qu'ils entendaient suspendre l'engagement de la procédure disciplinaire ; l'attestation produite pour les besoins de la cause ne contient aucune description des échanges ; sa situation professionnelle a été abordée hors de tout aspect disciplinaire ; ont notamment été évoquées des possibilités de mutation et la possibilité de validation des acquis de l'expérience ; il n'a pas remis le courrier qu'il avait préparé et prévu de remettre en mains propres à l'issue de l'entretien et a été surpris de recevoir quelques jours plus tard notification de l'arrêté contesté ; le principe du contradictoire et le droit au procès équitable ont été méconnus ;

- au surplus, la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ; le logiciel présentait des dysfonctionnements, ce qui lui faisait perdre du temps ; il n'a occasionné aucune perturbation des tâches notamment de contrôle et d'impression ; il ne disposait pas des informations suffisantes pour traiter les commandes ; les faits reprochés, relatifs à l'aptitude professionnelle ne peuvent légalement fonder une sanction ; s'il a prononcé le mot " guignol ", il ne visait personne en particulier ; il servait de " bouc émissaire " ; ces propos qui n'ont fait l'objet d'aucune publicité, ne caractérisent aucun manquement à l'obligation de réserve ; il s'est expliqué à plusieurs reprises sur toutes ses absences qu'il a toujours justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ensemble la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 février 2012, le président du conseil général de la Charente-Maritime a infligé à M.C..., dessinateur de l'équipement alors détaché auprès du département en qualité d'adjoint technique de première classe au service des infrastructures, une sanction d'exclusion temporaire de trois jours, dernière des trois sanctions du premier groupe, assortie du bénéfice du sursis. Par un jugement du 19 novembre 2014, dont le département de la Charente-Maritime relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé cette sanction.

2. En vertu d'un principe général du droit, une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense.

3. Il est constant que, par un courrier du 20 janvier 2012 l'informant de ses droits à communication de son dossier et à l'assistance d'un conseil préalablement à l'entretien fixé le 13 février 2012, M. C... a été avisé de l'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire fondée sur des " manquements aux obligations d'obéissance, de réserve et de service ". Cet entretien destiné, selon les termes mêmes du courrier, à lui permettre de présenter ses observations sur les faits reprochés, s'est déroulé en présence du directeur des ressources humaines, du directeur du service des infrastructures et du collègue que M. C... avait choisi pour l'assister. En première instance, M. C... soutenait en n'étant pas sérieusement contredit sur ce point par les seules allégations du défendeur, d'une part, avoir été informé à plusieurs reprises au cours de cet entretien de la " suspension " de la procédure disciplinaire, d'autre part, n'avoir pu s'exprimer de manière précise et détaillée sur les griefs dès lors que ses interlocuteurs se sont bornés à évoquer sa situation professionnelle " hors de tout aspect disciplinaire ". A l'appui de ses allégations, il produisait une attestation circonstanciée, dont la valeur probante n'est pas sérieusement contestée, établie le 21 juin 2012, seulement trois mois après l'entretien, par son collègue qui l'assistait, qui a d'ailleurs confirmé ultérieurement ses déclarations par une nouvelle attestation du 10 novembre 2015. Le département de la Charente-Maritime produit en appel une attestation établie le 2 juin 2015, trois ans après l'entretien, par l'ancien directeur des ressources humaines, qui indique avoir rappelé " l'objet de notre rencontre qui était de l'entendre au préalable dans le cadre d'une procédure disciplinaire " et " les faits qui lui étaient reprochés ", l'avoir invité " à présenter ses observations sur sa situation professionnelle " et certifie que ni lui-même, ni l'autre directeur " n'avons prétendu que cette procédure disciplinaire était devenue sans objet ". Cette pièce confirme les sérieuses divergences d'interprétation des propos tenus par les interlocuteurs de M. C...et, partant, la relative confusion avec laquelle ils ont mené l'entretien. Aussi, dans les circonstances particulières de l'affaire, il peut être tenu pour établi que l'agent poursuivi a pu raisonnablement supposer que la procédure engagée à son encontre était interrompue, prendre acte de cette interruption et qu'il n'a ainsi pas été mis à même de s'exprimer de manière claire et précise sur les griefs puisqu'il n'a pas jugé utile d'organiser ultérieurement sa défense, ce qu'il expliquait d'ailleurs dans son recours gracieux du 23 mars 2012 en précisant que les directeurs lui avaient : " signifié une suspension de l'engagement de procédure disciplinaire et de plus ont souhaité que je fasse une validation des acquis de l'expérience ". S'il est vrai, comme le rappelle l'appelant, qu'une autorité administrative n'est tenue de se conformer qu'aux règles de procédure à caractère réglementaire existantes, M. C...ne peut, dans les circonstances rappelées ci-dessus, alors même, d'une part, qu'aucun texte ou principe général n'imposait en l'espèce cet entretien préalable, d'autre part, qu'il avait, le 24 janvier 2012, pris connaissance de son dossier conformément à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, être regardé comme ayant été mis à même de bénéficier effectivement des garanties de la procédure disciplinaire. L'intéressé précise d'ailleurs sans être contredit qu'il n'a pas remis le courrier qu'il avait préparé et prévu de remettre en mains propres à l'issue de l'entretien. Ayant pu légitimement constater l'interruption de la procédure, il a effectivement été privé, eu égard à la manière dont l'entretien a été conduit, de la possibilité de présenter de telles observations, sans que le caractère délibéré ou non du malentendu ait une incidence. Il en résulte que le département de la Charente-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé la sanction litigieuse.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'affaire, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge du département de la Charente-Maritime sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du département de la Charente-Maritime est rejeté.

Article 2 : Le département de la Charente-Maritime versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au département de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX00193


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