Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 24 octobre 2012 par laquelle le maire de la commune de Saint-Georges d'Oléron a refusé de lui accorder un permis de construire modificatif relatif à une maison individuelle.
Par un jugement n° 1203109 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 30 juillet 2015 et le 11 août 2015, M. A...D..., représenté par la SCP Lagrave/Jouteux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 11 juin 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du maire de Saint-Georges d'Oléron en date du 24 octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été pris par une autorité incompétente dès lors que l'arrêté de délégation pris au bénéfice de M.B..., signataire, ne lui permettait pas de se prononcer sur l'octroi ou le refus d'une autorisation d'urbanisme ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé car le maire se contente de reprendre partiellement l'avis de l'architecte des bâtiments de France et se borne à justifier sa position en évoquant une " incohérence avec les bâtiments environnants " une " atteinte à la qualité du bâti " ;
- l'avis défavorable au projet émis par l'architecte des bâtiments de France et sur lequel s'est fondé le maire est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a estimé que la modification du faîtage de la construction prévue au projet conduit à la réalisation d'un pignon sur rue dissymétrique de nature à porter atteinte à la qualité du bâti environnant ; ce faisant, l'architecte des bâtiments de France impose une nouvelle condition tenant à l'interdiction des pignons dissymétriques non prévue dans le règlement de la zone du protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) qui exige seulement une cohérence entre le projet et le bâti environnant ; de plus, la qualification de " pignon dissymétrique " retenue est contestable dans la mesure où la construction litigieuse ne comprend qu'un seul pan de toiture ;
- le maire et l'architecte des bâtiments de France ont aussi commis une erreur de droit en imposant au projet de respecter une règle de hauteur des constructions dès lors que l'article 4 du règlement de la ZPPAUP impose seulement de ne pas dépasser une hauteur maximale sans prévoir qu'une construction doit être strictement de la même hauteur que la construction mitoyenne ; or, l'obligation imposée de créer un mur pignon symétrique couplée à l'article 4 c) du règlement, lequel impose d'implanter une construction sur limite séparative, conduit directement à imposer la hauteur des constructions ; cette interprétation du règlement n'était pas opposable au pétitionnaire dont le projet présente une hauteur inférieure à la limite des 7 mètres à l'égout ;
- la décision en litige est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation car il est établi que le bâti avoisinant est composé de nombreuses maisons formées de pignons asymétriques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, la commune de Saint-Georges d'Oléron, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D...le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens tirés de l'incompétence et du défaut de motivation sont inopérants dès lors que l'auteur de la décision en litige s'est prononcé en situation de compétence liée ; tel est le cas en l'espèce dès lors que l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France contraignait le maire à refuser le permis sollicité ;
- en tout état de cause, ces moyens manquent en fait car le signataire de la décision contestée bénéficiait d'une délégation de signature consentie par arrêté du 10 avril 2008 et a exposé les considérations qui l'ont conduit à rejeter la demande de permis ;
- l'architecte des bâtiments de France n'a pas commis d'erreur de droit en ajoutant une condition non prévue dans le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) ; il lui était en effet loisible de considérer que dans un secteur protégé, un pignon dissymétrique était de nature à porter atteinte à la cohérence et à la qualité du bâti environnant ;
- la maison appartenant à M. E...est le prolongement d'un bâtiment existant et son projet conduit bien à la création d'un pignon sur rue dissymétrique ;
- si le règlement de la ZPPAUP impose seulement aux constructions de respecter une hauteur maximale, les projets de construction situées dans ce secteur doivent néanmoins s'insérer dans le bâti environnant avec lequel ils doivent être en cohérence ; ainsi, la hauteur d'une construction peut s'avérer incohérente avec celle du bâti avoisinant alors même qu'elle respecte par ailleurs la limite exigée par le règlement ; ainsi, le maire et l'architecte des bâtiments de France n'ont pas commis d'erreur de droit en se fondant sur la hauteur du nouveau projet pour se prononcer comme ils l'ont fait ;
- le projet a pour effet de créer sur le mur pignon une dissymétrie de 55 cm pleinement exposée à la rue ; et contrairement à ce que soutient le requérant, les lieux avoisinants dans leur ensemble ne comportent pas de tels pignons ; l'architecte des bâtiments de France et le maire n'ont donc pas commis d'erreur d'appréciation en s'opposant au projet.
Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 4 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.D..., et de MeF..., représentant la commune de Saint-Georges d'Oléron.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 juin 2011, le maire de Saint-Georges d'Oléron a délivré à M. D...un permis de construire une maison d'habitation comportant un étage, après démolition d'un bâtiment existant, sur la parcelle cadastrée section BR n° 809 située 88 rue du Moulin. A l'achèvement des travaux, il est apparu que la hauteur de la construction était de 7,05 mètres au faîtage alors que le permis délivré prévoyait une hauteur de 6,50 mètres. Dans le but de régulariser la construction édifiée, M. D...a déposé, le 2 octobre 2012, une demande de permis de construire modificatif qui a été rejetée par décision du maire en date du 24 octobre 2012. M. D...relève appel du jugement rendu le 11 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2012.
Sur la légalité du refus de permis de construire du 24 octobre 2012 :
2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux (...) sont soumis, en raison de leur emplacement (...) à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire (...) tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans (...) une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 642-6 du code du patrimoine dès lors que cette décision a fait l'objet de l'accord, selon les cas prévus par cet article, de l'architecte des Bâtiments de France, du préfet de région ou du ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés. ". Aux termes de l'article L. 642-6 du code du patrimoine : " Tous travaux (...) ayant pour objet ou pour effet de transformer ou de modifier l'aspect d'un immeuble, bâti ou non, compris dans le périmètre d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (...) sont soumis à une autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-8 du code de l'urbanisme. (...) L'autorité compétente transmet le dossier à l'architecte des Bâtiments de France. A compter de sa saisine, l'architecte des Bâtiments de France statue dans un délai d'un mois. En cas de silence à l'expiration de ce délai, l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir approuvé le permis (...) qui vaut alors autorisation préalable au titre du présent article. Dans le cas contraire, l'architecte des Bâtiments de France transmet son avis défavorable motivé ou sa proposition de prescriptions motivées à l'autorité compétente. (...) Le présent article est applicable aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (...) pour les demandes de permis (...) déposées à compter du premier jour du troisième mois suivant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de refuser la délivrance d'une autorisation de construire sur un terrain situé dans une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager si l'architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable sur le projet pour lequel cette autorisation est demandée. Toutefois, des moyens tirés de la régularité et du bien-fondé de cet avis peuvent être invoqués devant le juge saisi de la décision par laquelle l'autorité compétente statue sur la demande de permis de construire.
4. Il est constant que le terrain d'assiette du projet litigieux se situe à l'intérieur de la zone de réglementation des noyaux urbains historiques (ZR1) de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZZPAUP) instituée sur le territoire de la commune de Saint-Georges d'Oléron. Aux termes de l'article 2 du règlement de la ZPPAUP : " Bâti d'accompagnement existant. Ces constructions sont le complément architectural et urbain des constructions protégées. Il s'agit (...) de constructions dont l'intérêt architectural est plus faible voire inexistant. (...) ". Selon le rapport de présentation qui accompagne ce règlement, la ZPPAUP a pour objectif de protéger et de valoriser les centres anciens, de créer des zones adoptant des systèmes de gestion adaptés à la qualité des espaces et du bâti. Il y est également précisé que les maisonnettes à pignon sur rue sont devenues récurrentes à partir du XXème siècle. Enfin, aux termes de l'article 4 du règlement, relatif aux constructions neuves : " Les constructions neuves devront témoigner du savoir-faire des architectes et des bâtisseurs (...) L'idée n'est pas de figer l'architecture dans du faux ancien mais de valoriser un projet architectural de qualité qui tient compte de ses abords immédiats (les bâtiments limitrophes, leur composition et leurs volumes, le tissu urbain dans lequel il s'insère), autant que de sa mise en perspective à l'échelle du territoire urbain (valorisation d'un front bâti)... ".
5. Dans son avis défavorable au projet de M. E...rendu le 24 octobre 2012, l'architecte des bâtiments de France, après avoir rappelé que la modification du bâti d'accompagnement doit rester cohérente avec les bâtiments environnants, a considéré que " la modification du faîtage proposé qui amène à avoir un pignon sur rue dissymétrique est de nature à porter atteinte à la qualité du bâti ". Et pour rejeter la demande de permis présentée parD..., le maire a estimé, dans la décision du 24 octobre 2012 en litige, que " la modification du faîtage proposée amène à avoir un pignon sur rue dissymétrique en incohérence avec les bâtiments environnants " de sorte que le projet " est de nature à porter atteinte à la qualité du bâti ".
6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, le projet de M. D...prévoit la démolition d'un bâtiment et son remplacement par une maison d'un étage située dans le prolongement d'un bâtiment existant. Eu égard à ses caractéristiques, le bâtiment projeté entre dans le champ des dispositions de l'article 2 précité du règlement de la zone ZR1, relatif au bâti d'accompagnement existant et de l'article 4 du même règlement, relatif à la réalisation de constructions neuves. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que la nouvelle construction projetée par M.D..., tout comme celle dont elle est mitoyenne, présentent un intérêt architectural " faible, voire inexistant " au sens de l'article 2 du règlement. Sa réalisation doit, dès lors, seulement tenir compte de ses abords immédiats, en vertu de l'article 4 dudit règlement, sans que celui-ci impose dans ce cas précis d'obligations architecturales particulières.
7. Il est constant qu'une autre maison d'habitation est mitoyenne avec le bâtiment construit par M. D...et que celui-ci comporte une toiture à une pente qui forme, avec celle de la construction mitoyenne, un pignon sur rue. Celui-ci présente une forme dissymétrique dès lors que le bâtiment édifié par M. D...atteint au faîtage une hauteur qui excède de 55 centimètres environ celle du bâtiment avec lequel il est accolé. Toutefois, l'existence de ce pignon en dissymétrie ne saurait révéler, à elle seule, l'absence de prise en compte par le projet de ses abords immédiats et de sa mise en perspective à l'échelle du territoire urbain, au sens des dispositions précitées de l'article 4 du règlement de la ZPPAUP. En effet, dans le quartier où se situe la construction du requérant, les maisons à pignon dissymétrique ne sont pas inexistantes ainsi que l'établit le constat d'huissier réalisé le 20 juillet 2015 qui montre qu'il existe au moins quatre bâtiments présentant cette caractéristique dans le quartier. Dans ces conditions, et eu égard à la marge d'appréciation que laissent les dispositions précitées du règlement de la ZPPAUP à l'autorité administrative pour accorder ou refuser une autorisation d'urbanisme, l'avis défavorable au projet de M.D..., émis par l'architecte des bâtiments de France doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme entaché d'erreur d'appréciation. Il en va de même du motif, repris de cet avis, qui fonde le refus de permis en litige.
8. Il en résulte que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Dès lors, le jugement du tribunal du 11 juin 2015 doit être annulé ainsi que, par voie de conséquence, le refus de permis de construire modificatif délivré le 24 octobre 2012.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Saint-Georges d'Oléron la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle aux conclusions de la commune dirigées contre M. D...qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1203109 du 11 juin 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : Le refus de permis de construire modificatif du 24 octobre 2012 est annulé.
Article 3 : La commune de Saint-Georges d'Oléron versera à M. D...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Georges d'Oléron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la commune de Saint-Georges d'Oléron.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Christine Mège, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2017.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Christine MègeLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
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N° 15BX02700