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13/06/2017 | FRANCE | N°16BX03420

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 16BX03420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 mars 2016 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1601409 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête, enregistrée le 20 octobre 2016, Mme A...épouseB..., représentée par Me D...E..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 mars 2016 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1601409 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2016, Mme A...épouseB..., représentée par Me D...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 11 mars 2016 lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il apprécie une question relevant du contentieux de la nationalité française pour lequel la juridiction civile de droit commun est compétente ;

- le père de son époux est titulaire d'un certificat de nationalité française ; par filiation paternelle, son époux est français et ce dernier a saisi le 22 mai 2015 le tribunal de grande instance de Bordeaux pour revendiquer la reconnaissance de sa nationalité française ;

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur de droit en s'estimant compétent pour apprécier la nationalité de son époux, en méconnaissance de l'article 29 du code civil, et pour lui avoir opposé un refus de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français ;

- il appartenait au préfet de la Haute-Garonne de saisir la juridiction civile compétente s'il entendait contester la nationalité de son époux au motif que ce dernier s'était vu opposer un refus de délivrance de certificat de nationalité française, contrairement à ce qu'avait estimé le consul général de France à Alger ;

- le refus de délivrance d'un certificat de résidence fondé sur des considérations tenant à l'extranéité présumée de son époux ne peut résulter du simple refus de délivrance d'un certificat de nationalité française par le tribunal d'instance qui n'est pas une autorité judiciaire mais une autorité administrative ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent, par conséquent, être annulées du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence d'un an.

Par un mémoire en défense, enregistré 9 janvier 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne se prévaut d'aucun moyen nouveau ni d'élément nouveau ;

- l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune illégalité ;

- les moyens soulevés par la requérante doivent être rejetés.

Par ordonnance du 25 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au

10 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A...épouseB..., née le 27 janvier 1987 à Larbaa Nath Irathen (Algérie), de nationalité algérienne, est entrée en France le 17 mai 2015, sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa "famille de français" de 90 jours, valable

du 7 mai 2015 au 2 novembre 2015, délivré par le Consulat de France à Alger (Algérie). Elle a contracté un mariage le 20 août 2014 à Larbaa Nath Irathen (Algérie) avec M.B..., né

le 8 janvier 1988 à Larbaa Nath Irathen, titulaire d'une carte nationale d'identité française délivrée par le préfet de la Haute-Garonne, le 12 octobre 2006. Selon ses dires, leur mariage a été transcrit dans les registres de l'état-civil consulaire français à Nantes. Le 24 juin 2015, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le 16 novembre 2007, son époux a fait l'objet d'une décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française. Cette décision de refus a été confirmée le 24 avril 2012 par le ministère de la justice. Elle relève appel du jugement n° 1601409 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel ".

3. Il résulte des dispositions précitées que le juge administratif ne peut trancher lui-même la question de la nationalité française d'un requérant et qu'il doit, s'il est saisi en ce sens, se borner à apprécier la question préjudicielle posée. Mme A...soutient que le jugement attaqué a apprécié une question relevant du contentieux de la nationalité française pour lequel la juridiction civile de droit commun est compétente. Ainsi, elle fait valoir que, par le jugement rendu, l'étendue de la compétence de la juridiction administrative a été méconnue. Toutefois, il ressort de la motivation du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a ni apprécié ni tranché une question relevant du contentieux de la nationalité française mais s'est borné à tirer les conséquences des pièces versées au dossier, et notamment du rejet explicite du ministère de la justice, en date du 24 avril 2012, faisant suite au recours gracieux introduit par l'époux de la requérante contre le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposé par le tribunal d'instance de Marseille. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'incompétence pour avoir apprécié voire tranché une question relevant du contentieux de la nationalité française pour lequel la juridiction civile de droit commun est compétente.

Sur la légalité de l'arrêté en date du 11 mars 2016 :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un certificat de résidence d'un an :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (. . .) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (. . .) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l 'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de 1'état civil français (. . .) ".

5. L'article 18 du code civil dispose que : " Est français, l'enfant dont l'un des parents, au moins, est français ". Aux termes de l'article 20-1 du même code : " La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du code précité que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française. Par ailleurs, l'exception de nationalité française ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

6. La requérante soutient que son époux s'est vu délivrer une carte nationale d'identité française le 12 octobre 2006 suite à la production d'un certificat de nationalité française du père de son époux. Toutefois, après une décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française en date du 16 novembre 2007, le ministre de la justice a rejeté le recours gracieux de l'époux de la requérante au motif que ce dernier ne pouvait se prévaloir de la présomption de nationalité française posée par l'alinéa 2 de l'article 30 du code civil au profit des titulaires de certificat de nationalité française puisque seul son père était titulaire d'un tel certificat. Ainsi, il ressort des pièces produites par le préfet de la Haute-Garonne que l'époux de la requérante s'est vu indûment délivrer une carte nationale d'identité française. Or, en vertu de l'article 30 du code civil, l'époux de la requérante n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française, la charge de la preuve lui incombe. Toutefois, les éléments produits par la requérante à l'appui du moyen tiré de l'exception de nationalité française de son conjoint ne caractérisent pas, à eux seuls, une difficulté sérieuse concernant la question de savoir si son époux est français par filiation paternelle. Par voie de conséquence, et bien que l'instance introduite par l'époux de la requérante le 22 mai 2015 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin de solliciter la reconnaissance de sa nationalité française soit encore en cours d'instruction le 21 mars 2017, l'exception de nationalité soulevée par la requérante ne présente aucune difficulté sérieuse. Ainsi, le présent litige n'entrant pas dans les dispositions de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à la décision de l'instance judiciaire introduite le 22 mai 2015 par l'époux de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'exception de nationalité française doit être écarté.

7. La requérante soutient que le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant compétent pour avoir constaté l'extranéité de son époux, et pour avoir refusé à l'intéressée la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français. Toutefois, il ressort de la lecture de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne s'est borné à tirer les conséquences des éléments en sa possession et notamment du refus explicite au recours gracieux introduit par l'époux de la requérante. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en concluant que, l'époux de la requérante n'ayant pas la nationalité française, cette dernière ne remplissait pas les conditions du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien afin d'obtenir un certificat de résidence en qualité de conjoint de français. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'un an sur le fondement du 2° de l'article 6 précité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ses conclusions, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouse B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Gil Cornevaux Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Vanessa Beuzelin La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

N° 16BX03420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03420
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DEBAISIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-13;16bx03420 ?
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