Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 16 décembre 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1605740 du 23 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi et renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaires, enregistrés le 4 mars, le 22 mars, le 14 avril et le 18 avril 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 décembre 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute Garonne de procéder au réexamen de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu dans la mesure où il a été privé de la possibilité d'assister à l'audience en dépit d'une demande expresse en ce sens ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde : le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son intégration en France et de sa situation familiale ; le refus de séjour méconnaît également les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain dès lors qu'il travaille régulièrement en détention ; ce refus méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il peut se prévaloir d'un séjour régulier sur le territoire français pendant plusieurs années avant son incarcération en 2011 et qu'il fait valoir des motifs exceptionnels d'admission au séjour car sa femme et son fils sont tous les deux français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été adoptée par une autorité incompétente en raison du caractère général et permanent de la délégation de signature consentie à M. F...A... ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il partage toujours une communauté de vie avec son épouse ;
- le préfet a méconnu les dispositions protectrices des 6° et 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 14 avril 2017, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour de faire droit aux conclusions présentées par M. C....la date de la mesure en litige, la communauté de vie entre les époux ne peut être regardée comme ayant cessé entre les époux mariés depuis 2005
Elle soutient que :
- elle dispose d'un intérêt à intervenir dès lors que le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement prise à l'encontre de son époux a des répercussions sur sa vie de couple ainsi que sur celle de leur enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde : M. C...n'a jamais été destinataire d'une précédente mesure d'éloignement qui date de 2011 ; le préfet de la Haute-Garonne a méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de M. C...tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M. C...entrait de plein droit dans le champ des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels ;
- cette décision porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 20 avril 2017.
Une note en délibéré présentée par le préfet de la Haute-Garonne a été enregistrée le 20 mai 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant marocain, est entré régulièrement en France le 22 juillet 2002 et s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, régulièrement renouvelé jusqu'au 17 août 2005. De son union avec une ressortissante française, avec laquelle il a contracté mariage le 25 juin 2005, est né un enfant le 10 août 2004, de nationalité française. M. C...a alors bénéficié d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Le 31 mai 2012, M. C...a été condamné à 4 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour agression sexuelle et le 4 décembre 2012, la cour d'assisses de la Drôme l'a condamné à huit ans d'emprisonnement pour destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes ayant entraîné une incapacité supérieure à huit jours. M.C..., a été écroué au centre de détention de Muret. Pour pouvoir bénéficier d'une permission de sortie, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté en date du 16 décembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 23 décembre 2016, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse après avoir renvoyé ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale, a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi.
Sur l'intervention de Mme C...:
2. Eu égard à la nature et à l'objet du litige, MmeC..., qui est l'épouse de M. C..., justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions du requérant tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de ce dernier. Son intervention est par suite recevable.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...)7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ".
4. M. C...soutient qu'il entre dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il est marié à une ressortissante française et qu'il est père d'un enfant français. Si le préfet fait valoir que l'épouse de M. C...a indiqué, lors d'une enquête de gendarmerie le 31 aout 2008, que le couple était séparé depuis plusieurs années, toutefois, rien ne vient corroborer cette séparation. Le requérant produit un procès-verbal du 27 février 2015, rédigé par le brigadier de police chargé par le juge d'application des peines de procéder à l'audition de Mme C...afin de déterminer si elle souhaite et peut recevoir son mari lors d'une éventuelle permission de sortie dont il ressort que Mme C..." déclare rendre visite régulièrement à son mari avec son fils, au centre de détention de Muret tous les mercredis, les samedis, et parfois les dimanches ainsi que pendant les vacances scolaires ". Elle précise qu'" elle entretient de bonnes relations avec son mari, et désire sans aucun problème le recevoir à son domicile lors de son éventuelle permission de sortie ". L'historique des parloirs du 4 novembre 2011 au 2 avril 2017 atteste des nombreuses visites de Mme C...avec son fils. Mme C...ajoute par un mémoire en intervention enregistré le 14 avril 2017 que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de son époux aurait des répercussions sur sa vie de couple ainsi que sur celle de leur enfant. Par suite, même si le requérant était incarcéré à....la date de la mesure en litige, la communauté de vie entre les époux ne peut être regardée comme ayant cessé entre les époux mariés depuis 2005 En application du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C...ne pouvait dès lors faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de M. C...que ce dernier est fondé à demander l'annulation de la décision du 16 décembre 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
7. L'annulation ci-dessus prononcée implique seulement que le préfet de la Haute Garonne, procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressé, dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de M.C..., Me B..., d'une somme de 1 200 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE
Article 1er : L'intervention de Mme C...est admise.
Article 2 : Le jugement du 23 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi du préfet de la Haute-Garonne en date du 16 décembre 2016 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation M. C...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à MeB....la date de la mesure en litige, la communauté de vie entre les époux ne peut être regardée comme ayant cessé entre les époux mariés depuis 2005
Délibéré après l'audience du 18 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 juin 2017.
Le rapporteur,
Florence Madelaigue
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00657