Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1602687 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 avril et le 18 mai 2017, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de la munir d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il résultait des termes mêmes de l'arrêté qu'il portait uniquement obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi alors que la notification de l'arrêté mentionne que l'arrêté porte refus de séjour et alors même que, dans son dispositif l'arrêté ne porte pas cette mention ; les conclusions qu'elle avait présentées en première instance contre le refus de séjour étaient donc bien recevables ;
- la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; elle réside en France avec trois enfants dont l'un est né en France et deux sont scolarisés ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2017, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2017 à 12h00.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité albanaise, est entrée irrégulièrement en France le 27 octobre 2013 selon ses déclarations. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile en France qui a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 septembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 juin 2015. Par un arrêté du 28 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 29 janvier 2016, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. Mme A...qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, a déposé, le 30 octobre 2015, une demande d'admission exceptionnelle au séjour qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme A...a été convoquée au commissariat de police le 4 novembre 2016 à la suite de son expulsion d'un logement occupé dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile et le même jour, le préfet lui a notifié un arrêté dont le dispositif énonce une obligation de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de la Charente-Maritime a examiné si Mme A...pouvait obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et sur celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il vise, avant de conclure que " l'intéressée n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code précité ". Par suite, l'arrêté, en dépit des lacunes du dispositif, doit être regardé comme ayant opposé expressément à l'intéressée un refus de séjour. Dans ces conditions, les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de séjour étaient recevables, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. Le jugement, irrégulier, doit donc être annulé.
3. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Poitiers.
Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté :
4. Par un arrêté du 26 octobre 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de la Charente-Maritime le 27 octobre 2015, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation à M. Michel Tournaire, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté, qui n'avait pas à comporter une description exhaustive de la situation personnelle et familiale de MmeA..., comporte l'ensemble des éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de MmeA....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre (...) " . En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
8. Mme A...soutient qu'elle est parfaitement intégrée en France où se trouve désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux dès lors que son époux et ses enfants y résident. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est arrivée récemment sur le territoire français, et n'a été admise à y séjourner que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile. Elle ne démontre pas avoir noué des liens particuliers en France et la circonstance qu'elle a suivi des cours de français n'est pas de nature à justifier d'une insertion suffisante dans la société française. Elle n'établit pas qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales et personnelles hors de France. Son époux fait lui-même l'objet d'une mesure d'éloignement. Mme A...ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce qu'elle puisse vivre avec sa cellule familiale en Albanie. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France de MmeA..., la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
9. En quatrième lieu, ni la durée de sa présence en France, ni la présence de son mari et de ses trois enfants dont deux sont scolarisés, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le refus de séjour n'est ainsi entaché d'aucune illégalité.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre d'un étranger à qui est opposé un refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de ce refus dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées, ce qui est le cas en l'espèce.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 8 du présent arrêt.
12. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement en litige et qu'il a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante. Cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en adoptant automatiquement une décision portant obligation de quitter le territoire français à la suite de celle portant refus de titre de séjour.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
14. Mme A...soutient qu'elle craint pour sa vie en cas de retour en Albanie pays qu'elle a fui après avoir fait l'objet de menaces et de persécutions. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, ne justifie pas la réalité des risques personnels allégués. L'article de presse qu'elle produit, dont l'authenticité n'est pas établie, est notamment dépourvu de valeur probante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A...peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 mars 2017 est annulé.
Article 2 : Le recours pour excès de pouvoir de Mme A...contre l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 4 novembre 2016 et le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A...sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 juin 2017.
Le rapporteur,
Florence Madelaigue
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX01124