Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Guyane d'enjoindre au recteur de la Guyane de réexaminer son dossier, de prononcer l'annulation de la décision
du 22 janvier 2014 par laquelle le recteur de la Guyane a décidé de lui retirer la mission de représentation dans les instances où elle représentait le rectorat, de procéder à sa réintégration dans les missions mentionnées dans sa fiche de poste, de lui verser une somme de 1 560 euros au titre des années 2012 et 2013 correspondant à la revalorisation de l'indemnité pour les agents du service social et de condamner le rectorat de la Guyane au versement d'une somme
de 50 000 euros en raison du harcèlement moral qu'elle a subi.
Par un jugement n° 1400412 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Guyane a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 9 juin 2015 sous le n° 15BX01923, et des mémoires enregistrés respectivement les 31 août, 5 septembre et 16 octobre 2016, Mme B...représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Guyane du 9 avril 2015 ;
2°) d'annuler la décision en date du 22 janvier 2014 par laquelle le recteur de la Guyane a décidé de la retirer de ses missions de représentation dans les instances où elle représentait le rectorat ;
3°) d'enjoindre le recteur de Guyane de procéder à sa réintégration dans les missions mentionnées dans sa fiche de poste et par conséquent de lui verser une somme de 1 560 euros au titre des années 2012 et 2013 correspondant à la revalorisation de l'indemnité pour les agents du service social, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de condamner le rectorat de la Guyane à raison du harcèlement moral qu'elle a subi et lui verser une somme de 50 000 euros à ce titre ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance ainsi qu'une somme de 8 000 euros sur le même fondement au titre des frais d'appel.
Elle soutient que :
- la décision a été prise par une autorité n'ayant pas compétence pour ce faire ;
- le courriel du 3 octobre 2013 ne l'informait pas des fonctions qui devaient lui être retirées ;
- la décision est dépourvue de toute motivation ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de fait et d'un détournement de pouvoir ;
- elle a été victime d'une rupture d'égalité ;
- elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, du fait du retrait de plusieurs missions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la décision de retirer à Mme B...ses missions de représentation du recteur dans les différentes instances et réunions ne constitue en réalité qu'une mesure prise dans le cadre de l'organisation et du fonctionnement ordinaire des services administratifs et constitue ainsi une mesure d'ordre intérieur, qui n'est donc pas susceptible de recours ;
- cette décision de retirer ses missions de représentation a été prise à la suite d'une intervention de Mme B...révélant un comportement inapproprié et caractérisant un manquement à ses obligations de réserve et loyauté, lors d'une réunion du 2 octobre 2013 ;
- le secrétaire général de l'académie de la Guyane, qui a bien reçu délégation, était donc bien compétent pour signer la décision attaquée qui confirme notamment le retrait de la mission de représentation du recteur dans certaines instances et réunions attribuée à MmeB... ;
- la décision intervenue n'est pas de celles qui doivent être motivées ;
- l'administration n'était pas tenue de recueillir les observations de Mme B...avant de prendre la décision attaquée ;
- la réalité des faits est établie par un rapport circonstancié, qui n'est d'ailleurs pas véritablement contesté par MmeB... ;
- l'administration n'a pas entendu sanctionner disciplinairement Mme B...mais a fait le choix, par une simple mesure d'organisation du service, de modifier les missions de l'intéressée ; la décision ne peut donc pas être qualifiée de sanction disciplinaire déguisée ;
- Mme B...ne saurait se prévaloir d'un quelconque droit à voir ses indemnités revalorisées à un niveau déterminé car elle n'apporte pas la démonstration qu'elle aurait été victime d'une rupture d'égalité dans l'attribution de ses indemnités ;
- MmeB..., qui se borne à reprendre ses écritures de première instance, n'apporte à aucun moment par son argumentation ou par les pièces produites à l'appui de sa requête des éléments susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
- Mme B...soutient à tort que la politique de l'académie aurait provoqué une souffrance au travail chez les assistantes sociales alors que c'est son propre comportement autoritaire qui est seul responsable du climat difficile avec les agents placés sous sa responsabilité ;
- la requérante a bénéficié d'un détachement dans les corps des conseillers territoriaux socio-éducatifs dans les effectifs de la commune de Cayenne à compter du 9 février 2015, ce qui prouve bien qu'elle n'a pas été victime de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.
II°) Par une requête enregistrée le 11 juin 2015 sous le n° 15BX01988, Mme B...représentée par Me C... conclut aux mêmes fins que dans sa requête susvisée n° 15BX01923.
Elle soutient les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de l'instance susvisée n° 15BX01923.
Par ordonnance du 13 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 octobre 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2012-1099 du 28 septembre 2012 ;
- le décret 2012-1100 du 28 septembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gil Cornevaux ;
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., conseillère technique de service social, occupait depuis l'année 2009, les fonctions de conseillère technique auprès du recteur de la Guyane, responsable du service social académique en faveur des élèves et des personnels. MmeB..., dans le cadre de ses fonctions, était notamment chargée de représenter le recteur de l'académie de la Guyane dans les instances et réunions relevant de son domaine d'activité. A la suite d'une réunion qui s'est tenue le 2 octobre 2013 en présence de cadres de l'administration et de représentants syndicaux, MmeB..., par un courriel du 3 octobre 2013, a été avertie de l'intention du recteur de la Guyane de lui retirer sa mission de représentation dans ces différentes instances. Mme B...a formé, le 19 novembre 2013, un recours gracieux tendant à l'annulation de cette décision ainsi que le versement d'une indemnité revalorisée pour les années 2012 et 2013 et d'une somme de 50 000 euros en réparation du harcèlement moral qu'elle estimait avoir subi. Le recteur de la Guyane a confirmé sa décision par lettre en date du 22 janvier 2014.
Mme B...relève appel du jugement du 9 avril 2015, par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté les demandes de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision rectorale
du 22 janvier 2014 ainsi que ses diverses demandes indemnitaires.
2. Les requêtes enregistrées sous les nos 15BX01923 et 15BX01988 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
3. Mme B...demande l'annulation de la lettre du recteur de l'académie de Guyane du 22 janvier 2014, en réponse à son recours gracieux qui, d'une part confirme et explicite sa décision délivrée par mail du 3 octobre 2013 de modifier la mission de représentation
de MmeB..., d'autre part, répond sur une revalorisation indemnitaire et, enfin, rejette ses demandes indemnitaires en réparation d'un préjudice pour harcèlement moral.
Sur la décision modifiant les attributions de Mme B...:
4. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
5. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., conseillère technique de service social, qui occupait depuis l'année 2009, les fonctions de conseillère technique auprès du recteur de la Guyane, s'est vu confirmer par le secrétaire général du rectorat de Guyane, par délégation du recteur, par la lettre attaquée 22 janvier 2014, la décision lui retirant la possibilité de représenter le recteur de l'académie de la Guyane dans les instances et réunions relevant de son domaine d'activité. Cette mesure a été prise, dans l'intérêt du service, après que Mme B...a, pendant une réunion où participait notamment des représentants syndicaux, fait état de critiques sur la politique mise en place par le recteur dans le secteur dont elle avait la responsabilité, en soulignant que le secrétaire général avait désorganisé le dispositif des réseaux d'urgence. Cette décision, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée et dont il ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle traduirait une discrimination, n'a entraîné pour Mme B...ni diminution significative de ses responsabilités ni perte de rémunération et n'a pas porté atteinte à ses droits statutaires ni à ses droits et libertés fondamentaux. Par suite, et alors même que cette mesure de retrait de représentation a été prise pour des motifs tenant au comportement de l'intéressée, elle présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, ainsi que le soutient le ministre en défense.
Sur la décision refusant la revalorisation de l'indemnité allouée aux agents du service social :
6. Mme B...soutient qu'elle a fait l'objet, antérieurement à la décision
du 3 octobre 2013 attaquée, d'une discrimination relative au montant des indemnités afférentes à sa mission, car elle n'aurait pas obtenu la revalorisation de la dite indemnité. Or, en se bornant à comparer sa situation indemnitaire à celle d'agents exerçant leurs missions dans un secteur géographique différent du sien et à produire les fiches de paie d'agents dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils seraient placés dans la même situation ni que leur manière de servir serait comparable, la requérante n'apporte aucun élément permettant d'estimer qu'elle aurait fait l'objet d'une discrimination.
Sur le harcèlement moral :
7. Aux termes de l'article 6 ter l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ".
8. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. Mme B...soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral du fait d'avoir été écartée de ses missions comme conseillère du recteur dans le secteur social. Toutefois, la décision de modifier les attributions de Mme B...n'a été prise comme indiqué au point 5, qu'après que l'intéressée a failli au devoir de loyauté et aux obligations de réserve qui étaient les siens à l'égard du recteur de la Guyane et répondait aux nécessités de bon fonctionnement du service. Par ailleurs, il ressort tout d'abord de deux comptes-rendus des 14 mars 2013 et
27 mars 2014 que Mme B...est restée conseillère technique du recteur et chef de service des conseillères techniques sociales, et ce malgré l'incident du 3 octobre 2013. Les agissements imputés à la direction du rectorat ne sont nullement établis par une quelconque pièce du dossier et ne sauraient être tenus pour acquis au vu des seuls courriers rédigés par MmeB..., non plus que par les énonciations des certificats médicaux qu'elle a produits et qui ne font que retranscrire ses propos ni par les nombreuses attestations qui ne font que mettre en exergue les mauvaises relations de travail qui existaient entre Mme B...et les membres de son équipe d'assistantes sociales. Les certificats médicaux produits qui attestent d'un état dépressif lié aux conditions de travail ne permettent pas de faire présumer l'existence de faits ou d'agissements fautifs à l'encontre de MmeB.... Il suit de là que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le harcèlement moral invoqué par Mme B...n'était pas établi. En conséquence, le fait générateur invoqué par l'intéressée, à savoir le harcèlement moral, n'étant pas établi, c'est également à bon droit que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guyane a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No15BX01923, 15BX01988