Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier de Montéran à l'indemniser des préjudices subis à l'occasion d'un incendie qu'il a provoqué, en 1991, dans sa chambre pendant son hospitalisation à la demande d'un tiers.
Par un jugement avant dire droit n° 1300886 en date du 18 juin 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné une expertise en vue notamment de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. B...et d'évaluer ses chefs de préjudices.
Par un jugement n° 1300886 en date du 2 juin 2016, ce même tribunal a rejeté la demande de M. B...en estimant que la prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier de Montéran était fondée.
Procédures devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2015 sous le n°15BX03111, et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 décembre 2015 et le 7 mars 2017, et des pièces nouvelles enregistrées le 22 juillet 2016, le centre hospitalier de Montéran, représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement avant dire droit en date du 18 juin 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce même tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la créance de M. B...est prescrite ;
- le jugement méconnaît l'autorité de chose jugée ;
- il n'a commis aucune faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier.
Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2015, la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe informe la cour de la prise en charge de la victime pour un montant de débours s'établissant à 1 513,72 euros et indique qu'elle n'entend pas intervenir à l'instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2015, M. C...B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 9 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2017.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2015.
II°) Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2016 sous le n°16BX03042, M. C...B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300886 en date du 2 juin 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Montéran à lui verser une indemnité de 250 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Montéran à lui verser les indemnités suivantes :
- 1 311 euros au titre de son préjudice temporaire total ;
- 10 000 euros au titre de son préjudice esthétique ;
- 8 000 euros au titre de sa souffrance physique ;
- 40 000 euros pour la perte du lobe supérieur des deux oreilles et les dépenses de santé futures qu'entrainera leur reconstruction chirurgicale ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montéran une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il résulte du rapport d'expertise que les séquelles dont il demeure atteint sont liées à l'incendie accidentel survenu durant son hospitalisation et au défaut de surveillance au sein de l'établissement ;
- il est fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cet accident.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2017, le centre hospitalier de Montéran, représenté par MeD..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête dès lors que la créance de M. B...est prescrite, à titre subsidiaire, au rejet de la requête au motif qu'il n'a commis aucune faute, et en tout état de cause à la mise à la charge de M. B...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la créance est prescrite ;
- en l'absence de faute, sa responsabilité ne saurait être engagée.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle de 25 % par une décision du 8 juillet 2016.
Par une ordonnance du 9 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 avril 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été blessé le 11 mai 1991 lors d'un incendie qu'il a provoqué dans sa chambre à l'occasion de son hospitalisation à la demande d'un tiers au sein du centre hospitalier de Montéran. Il a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner ce dernier à l'indemniser des préjudices subis à cette occasion. Par un jugement avant dire droit en date
du 18 juin 2015, le tribunal a ordonné une expertise en vue notamment de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. B...et d'évaluer ses chefs de préjudice. Par un jugement en date du 2 juin 2016, ce même tribunal a rejeté la demande de M. B...en estimant que la prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier de Montéran était fondée. Par la requête n° 15BX03111, le centre hospitalier relève appel du jugement avant dire droit
du 18 juin 2015. Par la requête n° 16BX03042, M. B... relève appel du jugement
du 2 juin 2016.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 15BX03111 et n°16BX03042 portent sur la même affaire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul et même arrêt.
Sur l'instance n° 15BX03111 :
3. Si le tribunal administratif de la Guadeloupe a, par le jugement avant dire droit du 18 juin 2015, ordonné la réalisation d'une expertise, un tel jugement n'a pas eu pour objet ni pour effet de reconnaître la responsabilité du centre hospitalier de Montéran, et n'a pu ainsi, en tout état de cause, ni écarter l'exception de prescription quadriennale opposée par ce dernier, ni méconnaître l'autorité de chose jugée. Il résulte de l'instruction que la réalisation de l'expertise avait notamment pour objet de déterminer la date de consolidation de l'état de santé du requérant permettant ainsi de calculer le point de départ du délai de prescription. L'expertise présentait donc un caractère utile. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Montéran, qui n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de remettre en cause l'utilité de l'expertise diligentée par le jugement du 18 juin 2015, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné la réalisation d'une expertise.
Sur l'instance n° 16BX03042 :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
5. Le requérant soutient, comme en première instance, que, malgré la survenance des faits à l'origine du dommage dont il demande la réparation, eu égard à son suivi médical pour des troubles psychiatriques depuis le 24 juillet 1990, il doit être regardé comme ayant été dans l'ignorance de l'existence de sa créance ou dans l'impossibilité d'agir par lui-même, circonstance faisant obstacle, en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, à la computation du délai de prescription précité. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. B...résultant de l'incendie dont il a été victime le 11 mai 1991 est consolidé depuis le 8 juillet 1991 et que le requérant a eu connaissance dès la survenance de l'accident, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été blessé, du lien entre l'incendie dans sa chambre, dont il est l'auteur, et les brûlures et les séquelles dont il demeure atteint. L'intéressé soutient que son suivi psychiatrique a entraîné des séjours ponctuels en établissements spécialisés, sans établir la nature des circonstances qui l'auraient empêché d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'un mandataire, ni celles qui l'auraient maintenu dans l'ignorance de sa créance, alors que, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, dès l'année 2006, et alors même que son état de santé était similaire, il a entamé les démarches auprès de l'administration visant à obtenir la réparation des préjudices liés à l'incendie dont il a été victime. M. B...n'établit donc pas que son état de santé et ses hospitalisations auraient constitué un cas de force majeure au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions, le requérant ne peut être légitimement regardé, au sens des dispositions ci-dessus rappelées, comme ayant été empêché d'agir par lui-même ou ignorant l'existence de sa créance. Le centre hospitalier de Montéran est donc fondé à se prévaloir, à la date d'introduction de la requête
de M.B..., soit le 28 mai 2013, de la prescription de la créance de l'intéressé.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a, par le jugement attaqué du 2 juin 2016, rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Montéran au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Montéran et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 15BX03111 du centre hospitalier de Montéran et la
requête n° 16BX03042 de M. B...sont rejetées.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., au centre hospitalier de Montéran et à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Copie en sera adressée au docteur Manguin, expert.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
Le rapporteur,
Philippe DelvolvéLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme,
Le greffier
Vanessa Beuzelin
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Nos 15BX03111, 16BX03042