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28/09/2017 | FRANCE | N°15BX02453

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 28 septembre 2017, 15BX02453


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SA Limoges Dis a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période de décembre 2000 à octobre 2003, pour un montant de 639 315 euros.

Par un jugement n° 1301754 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, la SA Limoges Dis, représentée par Me A... et MeB..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de prononcer la res...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SA Limoges Dis a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période de décembre 2000 à octobre 2003, pour un montant de 639 315 euros.

Par un jugement n° 1301754 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, la SA Limoges Dis, représentée par Me A... et MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de la période de juin 2001 à octobre 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai imparti à un contribuable pour présenter une réclamation à l'administration fiscale expire le 31 décembre de la seconde année suivant, selon notamment la réalisation de l'évènement qui motive la réclamation, c'est-à-dire de nature à exercer une influence sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul ;

- par sa décision n° 333860 du 16 mars 2011, le Conseil d'Etat a décidé que l'administration fiscale ne peut remettre en cause une décision de dégrèvement et maintenir une imposition litigieuse à la charge du contribuable sans que le comptable de la direction générale des impôts en charge du recouvrement de la taxe sur les achats de viande émette un avis de mise en recouvrement ; or, en l'occurrence, l'administration n'a pas émis de nouveau titre après avoir prononcé le dégrèvement de la taxe par une décision du 13 août 2004 ;

- la décision du Conseil d'Etat, qui constate l'existence d'un paiement indu en l'absence de mise en recouvrement et donne donc d'un texte une interprétation inédite profitable à l'ensemble des contribuables, exerce pour la société Limoge Dis une influence sur le principe même de l'imposition et constitue donc un évènement susceptible de rouvrir le délai de réclamation ; elle pouvait donc présenter une réclamation jusqu'au 31 décembre 2013 ;

- l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales a pour finalité la sécurité juridique et l'égalité des contribuables et implique qu'un évènement puisse être invoqué non seulement pour l'avenir mais aussi pour contester des impositions déjà acquittée ;

- la doctrine administrative BOI-CTX-PREA 10-30-20120912 ne dit pas autre chose.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la jurisprudence n'admet la réouverture des délais de réclamation par une décision juridictionnelle que si celle-ci affecte directement le contribuable pour l'impôt en cause ou si elle révèle la non-conformité à une norme supérieure de la règle de droit fondant l'imposition ;

- la décision Somadis du Conseil d'Etat a simplement interprété les dispositions de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales relatives à la mise en recouvrement des impositions ; il n'a pas invalidé la taxe sur les achats de viande et ne peut donc exercer d'influence sur le principe qui s'attache à l'imposition à laquelle a été assujettie la SA Limoge Dis ; il n'est donc pas profitable à l'ensemble des contribuables ;

- la conformité de la taxe sur les achats de viande aux normes supérieures a d'ailleurs été confirmée par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- la réclamation de la société devant l'administration est donc tardive et irrecevable ;

- la société Limoges Dis n'a pas contesté devant le Conseil d'Etat l'ordonnance du 6 janvier 2011 de la cour administrative d'appel confirmant le bien-fondé de l'imposition la concernant ; cette ordonnance est donc revêtue de l'autorité de chose jugée ;

- elle n'a pas été privée de son droit au recours protégé par l'article 13 de la convention européenne des doits de l'homme ;

- sa contestation initiale ne portait que sur la légalité de la taxe et non sur le rétablissement de la taxe après une décision de dégrèvement suivie d'un retrait ; elle ne peut donc se prévaloir d'une créance fiscale ;

- l'administration ne peut renoncer au bénéfice de l'autorité qui s'attache à la chose définitivement jugée ; pour ce motif la procédure prévue à l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales ne peut être mise en oeuvre.

Par une ordonnance du 21 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 avril 2016 à 12 heures.

Par un courrier du 4 juillet 2017, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'inapplicabilité des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Limoges Dis, qui exploite un magasin à l'enseigne Leclerc à Limoges, a déclaré et acquitté un montant de taxe sur les achats de viande de 639 708,47 euros au titre de la période du 1er décembre 2000 au 31 octobre 2003. Le 29 décembre 2003, elle a réclamé à l'administration fiscale la restitution de cette taxe en raison de sa contrariété au droit communautaire. Le 13 août 2004, le directeur des services fiscaux a finalement procédé au dégrèvement de la totalité de ces impositions. Le service n'a toutefois remboursé à la société que la somme de 393 euros et non le surplus des taxes acquittées sur la période, soit 639 315 euros. La société Limoges Dis a sollicité le remboursement de ce surplus par une réclamation du 4 février 2013, rejetée par l'administration fiscale. Elle relève appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a opposé à sa demande tendant aux mêmes fins une fin de non-recevoir tiré de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande :

2. Lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable. La circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n'aient pas fait l'objet d'une compensation pour avoir paiement d'autres impositions dues est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement. Il s'ensuit que lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir.

3. Si l'administration n'a pas remboursé les taxes acquittées à hauteur de 639 315 euros, il est constant qu'aucun avis de mise en recouvrement susceptible de fonder de nouveau légalement ces impositions n'a été notifié à la SA Limoges Dis. Dans ces conditions, la demande qu'elle a présentée en vue d'obtenir la restitution des sommes acquittées et non remboursées ne saurait être regardée comme soulevant un litige d'assiette relatif à une imposition. Par suite, le tribunal administratif n'a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, opposer à cette demande une fin de non-recevoir tirée de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, qui ne s'applique qu'aux réclamations d'assiette. Il y a lieu en conséquence pour la cour d'annuler le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur la demande de la société Limoges Dis.

4. Selon l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents (...) doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / (...) 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. ".

5. Les sommes dont la société Limoges Dis demande la restitution ayant donné lieu à dégrèvement à la suite d'une réclamation, cette demande s'analyse, en application des dispositions précitées, comme une contestation en matière de recouvrement.

6. Le ministre des finances et des comptes publics oppose à la société Limoges Dis l'autorité relative de chose jugée s'attachant au jugement du 21 juin 2007, confirmé par une ordonnance du 6 janvier 2011 du président de la 3ème chambre de la cour, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de restitution des cotisations de taxe portée devant lui par la société à la suite du rejet de sa première réclamation du 29 décembre 2003. Cette décision de justice, toutefois, ne s'est prononcée, au regard de l'argumentation alors développée devant le juge de l'impôt, que sur des conclusions d'assiette ayant pour objet la décharge de la taxe. Dès lors que la société Limoges Dis saisit désormais la cour de conclusions relevant du contentieux du recouvrement, sa présente action en restitution ne peut être regardée comme présentant avec la précédente une identité d'objet. Le ministre n'est dès lors pas fondé à opposer à cette action l'autorité de chose jugée.

7. Faute d'avoir, après le prononcé du dégrèvement des cotisations de taxe sur les achats de viande payées par la société au titre de la période allant du 1er décembre 2000 au 31 octobre 2003, émis un nouveau titre fondant le paiement de cette imposition, l'administration ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, refuser à la SA Limoges Dis le remboursement des taxes dont le dégrèvement lui avait été accordé le 13 août 2004.

8. Il résulte de ce qui précède que la SA Limoges Dis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA Limoges Dis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1301754 du 13 mai 2015 est annulé.

Article 2 : Le montant non encore remboursé des cotisations de taxe sur les achats de viande acquittées par la SA Limoges Dis au titre de la période du 1er juin 2001 au 31 octobre 2003 lui sera restitué.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Limoges Dis une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Limoges Dis et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 31 août 2017, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 15BX02453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX02453
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXES SUR LE CHIFFRE D`AFFAIRES ET TAXES ASSIMILÉES AUTRES QUE LA TVA. - INAPPLICABILITÉ DE L'ARTICLE R. 196-1 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES À UNE DEMANDE DE REMBOURSEMENT D'IMPOSITIONS DÉGREVÉES DÈS LORS QUE L'ADMINISTRATION N'A PAS RÉTABLI LES IMPOSITIONS APRÈS CE DÉGRÈVEMENT.

19-06-04 Société demandant la restitution des taxes sur les achats de viande qu'elle a acquittées. Dès lors que l'administration lui a accordé le dégrèvement de ces taxes et que, après ce dégrèvement, elle n'a émis aucun avis de mise en recouvrement susceptible de fonder à nouveau légalement les impositions, cette demande de restitution ne soulève pas un litige d'assiette mais un litige de recouvrement. Les dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne lui sont donc pas opposables.


Références :

Les conclusions de M. Guillaume de La Taille ont été publiées dans le n° 16-17 du 19 Avril 2018, comm. 264 de la revue de droit fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LAURANT ET MICHAUD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-09-28;15bx02453 ?
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