Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative carburant d'intérêt régional public privé a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 7 octobre 2013 par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion a refusé de lui accorder une subvention de 5 670 000 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1400092 du 25 août 2015, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 octobre 2015 et 24 janvier 2017, la société coopérative carburant d'intérêt régional public privé, représenté par la SELARL Sehili-Franceschini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion a refusé de lui octroyer une subvention à hauteur de 5 millions d'euros ;
3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département de La Réunion la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'aide apportée par le département de La Réunion aux distributeurs de gaz en place dans le cadre de la convention conclue le 28 février 2012 constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- l'aide en litige a été octroyée en violation des principes d'égalité et de liberté du commerce et de l'industrie ;
- en réservant le bénéfice de cette aide à certains opérateurs économiques seulement, sur la base de critères inconnus, l'administration porte atteinte à l'égalité des opérateurs économiques et fausse la concurrence ;
- alors même qu'elle ne s'est manifestée qu'en 2013, elle est en droit de bénéficier de cette aide dès lors qu'elle est dans une situation comparable à celle des cinq bénéficiaires de l'aide ;
- le soutien de l'Etat peut être nécessaire pour permettre aux nouveaux opérateurs d'entrer sur le marché et favoriser l'émergence d'une concurrence dans un secteur où elle n'existait pas ; sa demande aurait dû aboutir dès lors qu'elle est émergente sur le marché de la distribution de produits pétroliers et qu'elle se propose d'être une véritable alternative au monopole en place.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 février 2016 et 23 février 2017, le Département de La Réunion, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société coopérative carburant d'intérêt régional public privé à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la requérante ;
- la demande de première instance ne répondait pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et était, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société coopérative carburant d'intérêt régional public privé ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 avril 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La coopérative carburant d'intérêts régional public privé (CCIRPP), créée en 2010, a pour objet social " le commerce de gros, distribution (commerce interentreprises) de tous produits pétroliers annexes ou connexes et négoce de toutes matières premières finies et semi finies ". Le 31 juillet 2013, elle a formé auprès du département de La Réunion une demande de subvention " à hauteur du montant qui a été attribué, soit 5 670 000 euros, au monopole pétrolier " en place à La Réunion. Par courrier en date du 7 octobre 2013, le président du conseil départemental a rejeté sa demande. Le 5 décembre 2013, la coopérative a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision et a réitéré sa demande tendant à l'octroi d'une subvention " destinée au financement d'une coopérative ayant pour objectif d'importer du carburant afin de générer une véritable concurrence garantissant de manière pérenne la baisse du coût de cette matière première essentielle à la population réunionnaise ". Par un jugement du 25 août 2015, dont il est régulièrement fait appel par la présente requête, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande de la CCIRPP tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de La Réunion du 7 octobre 2013, ensemble de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de prendre une nouvelle décision.
2. Pour justifier de son droit à bénéficier de la subvention en litige, la CCIRPP se prévaut exclusivement de ce que, en vertu d'une " convention sur la baisse du prix de la bouteille de gaz à La Réunion pour l'année 2012 à compter du 1er mars 2013 " conclue le 28 février 2012 par le département de La Réunion et la région Réunion avec cinq sociétés ayant, sur le territoire de La Réunion, une activité de distribution de bouteilles de gaz, ces dernières ont bénéficié, en violation du principe d'égalité et du principe de liberté du commerce et de l'industrie, de versements publics destinés à ramener le prix de la bouteille de gaz payé par le consommateur de 22,70 euros à 15 euros et de ce que ces versements auraient le caractère d'une aide d'Etat, prohibée par l'article 107 § 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Selon la coopérative, l'attribution à son profit d'une subvention lui permettrait d'importer et de commercialiser d'autres sources d'énergie et ainsi de remédier à l'atteinte à la libre concurrence résultant du versement aux entreprises bénéficiaires de sommes constituant une aide d'Etat illégale.
3. Comme l'expose clairement le courrier du 31 juillet 2013 que la CCIRPP a adressé au département de La Réunion, celle-ci prétend, non pas à l'indemnisation d'un préjudice financier dont la réalité n'est d'ailleurs pas établie, mais bien au bénéfice de la subvention susmentionnée, en faisant valoir qu'il s'agit d'un régime d'aide illégal au regard des règles européennes prohibant les aides d'Etat qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence entre les distributeurs de bouteilles de gaz et les opérateurs qui, comme elle, commercialisent des produits pétroliers.
4. Une telle argumentation, si elle est susceptible d'être opérante à l'appui d'une demande présentée au juge administratif et tendant à l'annulation des actes ayant instauré un régime d'aide en méconnaissance de l'obligation de notification de ce régime à la Commission européenne permettant à cette dernière d'en contrôler la compatibilité avec le droit européen de la concurrence avant son entrée en vigueur, ne peut être utilement invoquée en vue d'obtenir le bénéfice de la subvention en litige, la demande n'ayant alors pas d'autre objet que de solliciter l'extension de l'aide prétendument illégale.
5. Il résulte de ce qui précède que la CCIRPP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de La Réunion qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la CCIRPP et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCIRPP, une somme au titre des frais de procès exposés par le département de La Réunion.
DECIDE
Article 1er : La requête de la coopérative carburant d'intérêts régional public privé est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de La Réunion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la coopérative carburant d'intérêts régional public privé et au département de La Réunion. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme. Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence DeligeyLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03479