Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2016 par lequel le préfet de la Charente a rejeté sa demande d'une carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1700144 du 3 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté du 19 décembre 2016 et a enjoint au préfet de la Charente de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité dans un délai de 45 jours à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, le préfet de la Charente demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2016 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers.
Il soutient que :
- l'intéressé ne remplit pas les conditions requises pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il résulte d'un rapport technique de la DZPAF en date du 10 octobre 2016 que les actes de naissance produits par M. B...sont frauduleux puisque la qualité de l'officier d'état civil est non conforme par rapport au lieu d'établissement de ces actes et que la légalisation par cachet humide est artisanale ;
- ces conclusions ont été confirmées par les investigations menées auprès des autorités maliennes, qui ont considéré que ces documents revêtaient un caractère apocryphe ;
- en tout état de cause, en admettant même que le rapport susmentionné du 10 octobre 2016 serait susceptible d'être remis en cause, l'intéressé n'est pas isolé dans son pays d'origine, où résident sa soeur et sa mère ;
- la circonstance que l'intéressé ait sollicité, le 19 janvier 2017, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2017, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il reprend les différents moyens développés en première instance devant le tribunal administratif de Poitiers.
Par une décision du 28 septembre 2017, M. B...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle de plein droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant malien né le 25 février 1998, est entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2014 selon ses propres dires. Après avoir fait l'objet, après son seizième anniversaire, d'une ordonnance de placement provisoire à l'aide sociale à l'enfance en date du 23 mars 2015 du juge des enfants près le tribunal de grande instance d'Angoulème, il a été pris en charge par le département de la Charente au titre de cette mesure d'assistance éducative à compter du 29 mai 2015. Ayant accédé à la majorité, M. B...a sollicité, le 18 mars 2016, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", à titre exceptionnel, sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 décembre 2016, le préfet de la Charente a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Charente relève appel du jugement du 3 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. B..., a annulé cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est confié par ces dispositions, il appartient au préfet d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Dès lors que ce dernier article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
4. Pour refuser le titre de séjour sollicité par M. B...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente s'est fondé sur un rapport technique établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) chargé d'analyser le passeport malien, la carte d'identité consulaire malienne et les deux extraits (blanc et beige) d'acte de naissance présentés par l'intéressé lors du dépôt de sa demande de titre. Après avoir conclu que le passeport malien et la carte d'identité consulaire malienne de M. B... étaient conformes aux critères définis par la réglementation en vigueur, l'analyste a toutefois relevé, pour rendre " un avis fortement défavorable " à cette étude, que les actes d'état civil présentaient un nombre important d'anomalies relatives à la qualité de l'état civil non conforme par rapport au lieu d'établissement des actes, à la légalisation par cachet humide artisanalement réalisée, ainsi qu'une mention de jugement supplétif incohérente. Toutefois, il est constant que c'est sur la base de ces extraits d'actes de naissance que les autorités maliennes du consulat général du Mali à Paris ont délivré à M. B...son passeport et sa carte d'identité, sans émettre à cette occasion la moindre réserve quant à leur authenticité et leur valeur probante. En outre, le rapport susmentionné de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) ne fait qu'émettre des doutes sur les conditions de délivrance des extraits d'actes de naissance sans conclure de manière formelle à leur caractère apocryphe. D'ailleurs, dans un courriel adressé au ministère de l'intérieur le 12 avril 2017, certes postérieur à la décision contestée mais mettant en évidence une situation de fait existant alors, le service des visas du consulat général de France à Bamako a relevé que les tampons apposés sur les actes d'état civil ne pouvaient qu'être de " facture artisanale " compte tenu des moyens matériels mis à disposition des autorités maliennes dans la zone géographique d'origine de l'intéressé. Ainsi, les pièces versées par le préfet de la Charente ne suffisent pas à renverser la présomption de validité des actes de naissance litigieux. Il s'ensuit que le motif opposé par le préfet de la Charente, et tiré du caractère inauthentique de ces documents d'état civil, ne pouvait légalement fonder le refus de délivrance du titre de séjour sollicité par M.B....
5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, et notamment d'un rapport d'accueil établi le 10 décembre 2014 par le département de la Charente, que l'intéressé, célibataire et sans enfant à charge en France, détient des attaches dans son pays d'origine, où résident ses deux parents, son frère et sa soeur ainsi qu'un oncle. Contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, l'autorité préfectorale a expressément opposé une telle circonstance de fait dans ses écritures de première instance pour refuser de régulariser la situation de M.B.... Au surplus, il ressort des pièces du dossier que, si, dans le cadre de sa scolarité au lycée des métiers Jean Albert Grégoire au cours de l'année scolaire 2015-2016, M. B...a progressé dans plusieurs matières, notamment en histoire-géographie et en arts appliqués - culture artistique, plusieurs de ses enseignants ont relevé un manque d'assiduité et d'autonomie et déploré son absentéisme. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer à M.B..., à titre exceptionnel, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision de refus de séjour au motif tiré de ce qu'elle contrevient à ces dispositions ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté contesté.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers :
7. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 1er d'un arrêté du 21 novembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. Xavier Czerwinski, secrétaire général de la préfecture de la Charente, s'est vu délivrer, par le préfet de ce département, une délégation de signature à l'effet de signer les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire desdites décisions doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Pour soutenir que la décision de refus de séjour a méconnu les stipulations précitées, M. B...se prévaut de ce qu'il vit en France depuis décembre 2014, qu'il a été pris en charge depuis plus de deux ans dans le cadre d'un accompagnement mineur et dorénavant jeune majeur, qu'il s'est particulièrement investi dans sa scolarité et dans ses relations et qu'il n'a plus de liens avec sa famille d'origine, à l'exception de sa soeur aînée avec laquelle il n'entretient que quelques conversations téléphoniques épisodiques et qui ne serait pas en mesure de l'accueillir. Toutefois, compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressé et de la nature de ses attaches au Mali, telles qu'elles ont déjà été exposées au point 5, la décision portant refus de délivrance titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit.
10. En troisième lieu, M. B...soutient qu'il souffre d'une hépatite B chronique et qu'il bénéficie d'un traitement antiviral par Tenofovir depuis septembre 2015 dont il ne pourra pas bénéficier au Mali. Toutefois, l'arrêté contesté dans la présente instance n'a pas pour objet de répondre à une demande de titre de titre de séjour formée en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, M. B...admet lui-même qu'il a sollicité, le 17 janvier 2017, la délivrance d'un titre de séjour en cette qualité, soit postérieurement à la date de l'arrêté contesté. Dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Il s'ensuit que M. B...ne saurait exciper de l'illégalité de celle-ci au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté contesté du 19 décembre 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700144 du 3 mai 2017 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande de M. B...présentée devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.B.... Copie en sera transmise au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2017.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX01628