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11/10/2017 | FRANCE | N°17BX01664

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2017, 17BX01664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 30 mars 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixation du pays de renvoi.

Par une ordonnance du 21 avril 2017 statuant sur les requêtes enregistrées sous les numéros 1701595 et 1701760, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision portant obligati

on de quitter le territoire sans délai et fixation du pays de renvoi.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 30 mars 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixation du pays de renvoi.

Par une ordonnance du 21 avril 2017 statuant sur les requêtes enregistrées sous les numéros 1701595 et 1701760, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai et fixation du pays de renvoi.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 21 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 30 mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'hypothèse où il ne serait pas admis à l'aide juridictionnelle totale.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :

- c'est à tort que son recours pour excès de pouvoir a été rejeté pour tardiveté ; le délai de recours de quarante-huit heures ne pouvait avoir commencé à courir en raison des conditions irrégulières de notification de cet arrêté en détention et en méconnaissance de son droit à un recours effectif garanti par les dispositions des articles 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il ne sait ni lire, ni écrire le français et n'a pas eu accès à un conseil, ni à un téléphone ; les délais de recours ne peuvent donc lui être opposés ;

- si l'ordonnance contestée mentionne une notification de l'arrêté attaqué le 3 avril 2017 à 11h, mentions qui ne figurent pas sur la copie de l'arrêté dont dispose le requérant, il a déposé une requêtes sommaire auprès de l'administration pénitentiaire le 4 avril 2017, comme cela ressort du récépissé délivré par le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, soit dans le délai de recours de quarante-huit heures ; cette requête enregistrée au greffe du tribunal le 6 avril 2017 n'était donc pas tardive.

En ce qui concerne l'arrêté contesté :

- le préfet a commis une erreur de fait dès lors qu'il vit en France depuis son enfance alors qu'une entrée récente sur le territoire a été retenue ;

- le préfet de la Haute-Garonne a commis, en outre, une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, toute sa famille réside en France où il est établi depuis de nombreuses années ; il est marié depuis l'âge de seize ans et père de dix enfants ; il ne peut retourner en Serbie où les populations roms font l'objet de discriminations et font notamment l'objet de refus de délivrance de papiers d'identité et ne peuvent accéder aux services sociaux ;

- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation de la menace de troubles à l'ordre public que représente la présence en France du requérant dès lors qu'une seule condamnation pénale a été prononcée à son encontre ;

- enfin, le préfet a méconnu les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour ; en effet, il justifie résider en France depuis ses plus jeunes années.

Par ordonnance du 8 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2017 à 12h00.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

- le rapport de Mme Sylvande Perdu, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...est un ressortissant serbe qui déclare être entré en France durant son enfance. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 24 février 2016, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 août 2016. Durant son incarcération au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses du 31 janvier 2017 au 8 avril 2017 pour des faits de tentative de vol par effraction, il s'est vu notifier un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination en date du 30 mars 2017. M. C...interjette appel de l'ordonnance du 21 avril 2017 par laquelle le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses requêtes enregistrées les 6 et 17 avril 2017, tendant à obtenir l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "III. - En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français (...) dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification (...) sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...)/ IV.-Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure et dans les délais prévus au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. ". Et aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 ". Et, en vertu de l'article R. 776-31 du code de justice administrative, la requête d'un étranger détenu peut valablement être déposée, dans le délai de recours de contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français a été notifié à M. C...le 3 avril 2017 alors qu'il était incarcéré au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses. Il soutient cependant, sans être contesté, que les conditions de cette notification ont porté atteinte à son droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ne le mettant pas en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix. Dans ces conditions, aucun délai, et notamment pas le délai spécial de 48 heures par les dispositions précitées du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait être opposé à M.C....

4. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que le requérant a manifesté sa volonté de former une requête contre cet arrêté, ainsi qu'en atteste le récépissé de dépôt auprès de l'administration pénitentiaire, le 4 avril 2017, d'un courrier à destination du tribunal administratif de Toulouse. Ce n'est que le 17 avril 2017, par un mémoire présenté par un avocat, que le tribunal a regardé à tort comme constituant une seconde requête, que M. C... a exercé son droit au recours.

5. M. C...est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme étant tardif son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 30 mars 2017. Il s'ensuit que l'ordonnance doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse à l'encontre de l'arrêté du 30 mars 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 mars 2017 :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

8. Aux termes, par ailleurs, de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

9. Le préfet de la Haute-Garonne a fondé la mesure d'éloignement litigieuse sur le rejet définitif de la demande d'asile déposée par M.C..., sur la menace à l'ordre public que constituait sa présence en France et a également examiné si le mesure était susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

10. Il est cependant constant que M. C...a fait l'objet d'une seule condamnation pénale à une peine de trois mois d'emprisonnement prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 31 janvier 2017 pour des faits de tentative de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt. Dans ces conditions, le préfet a porté une appréciation erronée sur la situation de M. C...en considérant, du seul fait de cette condamnation, que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public au sens du 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. M. C...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour au motif qu'il avait résidé en France depuis son enfance et avait été scolarisé en région parisienne. Mais il ne produit aucun élément au soutien de ces allégations. Dès lors, ce moyen, ainsi que, pour le même motif, le moyen tiré l'erreur de fait commise par le préfet dans l'appréciation de la durée de son séjour en France, ne peuvent qu'être qu'écarté.

12. M. C...soutient également que toute sa famille réside en France où elle s'est établie depuis de nombreuses années, qu'il est marié et père de dix enfants. Toutefois, il ne produit aucune preuve au soutien de ses allégations et se contente de verser aux débats le titre de séjour de sa mère, Mme D...C..., dont la validité a, au demeurant, expiré le 24 février 2017. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. En outre, si le requérant fait valoir qu'il ne peut retourner en Serbie où les populations Roms font l'objet de discriminations et ne peuvent accéder aux services sociaux, ces considérations sont inopérantes à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet, s'il n'avait pas retenu à tort le motif tiré de l'atteinte à l'ordre public que constituait la présence de M. C...sur le territoire et s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs rappelés au point 9, aurait pris la même mesure d'éloignement à l'encontre du requérant.

15. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2017 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°1701595 et n°1701760 du 21 avril 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2017 ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX01664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01664
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : MEAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-11;17bx01664 ?
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