Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me C...B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL IH Group a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'accorder à la société le remboursement du reliquat de 476 984 euros d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 774 128 euros, correspondant au droit à déduction qu'elle estimait n'avoir pu exercer au 31 décembre 2011, après admission partielle de la demande de remboursement.
Par un jugement n° 1301827 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à Me B...le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 476 984 euros.
Procédure devant la cour :
I. Par un recours enregistré le 25 mai 2016 sous le n° 16BX1728, et des mémoires enregistrés, le 30 août 2016 et le 28 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2016.
Il soutient que :
- la taxe afférente à l'année 2009 d'un montant de 476 984 euros ne peut être admise en déduction dès lors qu'aucune déclaration effectivement souscrite avant le 31 décembre 2011 ne la mentionne distinctement : la seule mention d'un montant global déductible de 774 128 euros à la ligne 23 de la déclaration afférente au 3ème trimestre 2010 déposée le 21 octobre 2010 ainsi que celle d'un crédit reportable du même montant à la ligne 22 de la déclaration afférente au 3ème trimestre 2011 déposée le 25 octobre 2011 ne sont pas suffisantes, de telles mentions ne constituant pas une inscription distincte au sens de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ;
- les déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2009 mentionnant la taxe déductible en litige n'ont été remises au vérificateur que le 31 juillet 2012, postérieurement au délai de péremption prévu par l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, soit en l'espèce le 31 décembre 2011 ;
- la société, qui se borne à rejeter la charge de la preuve sur l'administration, doit être regardée comme ayant souscrit les déclarations manquantes de l'année 2009 à la date de leur remise au vérificateur, soit le 31 juillet 2012 ;
- l'administration n'a manqué ni à son devoir de loyauté ni à sa propre doctrine en constatant l'omission de la taxe déductible au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 et son absence de régularisation sur une déclaration ultérieure mentionnant distinctement ladite taxe avant l'expiration du délai de péremption fixé au 31 décembre 2011 conformément à l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ;
- la doctrine invoquée par la société, qui porte sur les règles de compensation entre un rehaussement justifié et une surtaxe ou une double imposition applicables au stade de la procédure de rectification, ne saurait faire échec à l'application des l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 août 2016 et 15 septembre 2016, Me C... B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL IH Group, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 octobre 2016 à 12h00.
II. Par une requête, enregistrée le 25 mai 2016 sous le n° 16BX1729, et un mémoire enregistré le 30 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour de suspendre l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2016 en application des articles R. 811-14 à R. 811-19 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il existe un risque sérieux que le trésor public ne puisse récupérer sa créance en cas d'annulation du jugement, la société IH Group étant en liquidation judiciaire depuis le 14 juin 2012, d'une part, et que le tribunal a jugé à tort que l'administration n'était pas fondée à rejeter la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, d'autre part.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2016, Me C...B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL IH Group, représentée par MeA..., conclut au rejet de la demande de sursis à exécution présentée par le ministre.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 16 septembre 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La SARL IH Group, dont le principal établissement est situé à Saint-Martin, a pour activité l'ingénierie et le conseil dans l'investissement immobilier et hôtelier et est à ce titre, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a été placée en redressement judiciaire à compter du 14 juin 2012. Me C...B..., agissant en qualité de mandataire de la société, a présenté courant décembre 2011 puis le 12 avril 2013 une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 774 128 euros provenant à hauteur de 476 984 euros de la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à l'année 2009. Par une décision du 24 octobre 2013, il a été fait droit à cette demande à concurrence de 297 144 euros seulement, le surplus ayant été rejeté au motif de la forclusion de la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à l'année 2009. Sur demande de MeB..., le tribunal administratif de la Guadeloupe, par jugement du 10 mars 2016 dont le ministre des finances et des comptes publics relève appel par la requête enregistrée sous le n° 17BX01728, a fait droit à la demande de remboursement du reliquat de la somme sollicitée, pour un montant de 476 984 euros. Par une requête distincte, enregistrée sous le n° 17BX01729, le ministre demande le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les recours du ministre enregistrés sous les numéros 17BX01728 et 17BX01729 ont trait au même jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur le recours n° 16BX01728 :
3. Aux termes de l'article 287 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. / II. - Lorsque, sur une déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K et par le V de l'article 271 du code général des impôts. ". Aux termes de l'article 242-0 A de la même annexe : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis (...) ". Aux termes de l'article 242-0 E de la même annexe : " Le crédit de taxe déductible dont le remboursement a été demandé ne peut donner lieu à imputation ; il est annulé lors du remboursement ".
4. Il résulte de ces dispositions que la possibilité d'obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée est limitée aux cas où l'assujetti n'est pas en mesure d'imputer l'intégralité de sa taxe déductible sur le montant de la taxe due. Dans ces conditions, un redevable ne peut demander le remboursement d'un crédit de taxe déductible qu'à condition de l'avoir mentionné dans les déclarations qu'il est tenu de déposer pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, afin que l'administration fiscale puisse vérifier que la demande en cause correspond effectivement à un crédit de taxe dont l'imputation n'a pu être faite.
5. La proposition de rectification en date du 3 octobre 2012 notifiée à la SARL IH Group à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en matière de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 indique que la société est soumise au régime réel normal d'imposition à la TVA imposant le dépôt mensuel de taxe exigible mais que, compte tenu de ce que la taxe exigible annuellement avait été inférieure à 4 000 euros, cette dernière était admise à déposer ses déclarations par trimestre civil ainsi que le prévoyait le 2 de l'article 287 du code général des impôts. Le service relève que la société n'a pas déposé dans les délais les 7 déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée afférentes à la période du 1er janvier 2008 au 30 juin 2010, qui n'ont été remises en main propre au vérificateur que le 31 juillet 2012 par le représentant de la société. Me B...conteste cette affirmation mais, alors qu'il appartient au contribuable d'établir qu'il a respecté ses obligations déclaratives, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que la société aurait effectivement adressé ses déclarations trimestrielles par voie postale ou tout autre moyen aux échéances fixées par l'article 39 de l'annexe IV au code général des impôts.
6. En l'absence de souscription des déclarations pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2009, c'est ainsi à bon droit que l'administration a rejeté la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2009 d'un montant de 476 984 euros.
7. La circonstance que la société a mentionné sur ses déclarations afférentes au 3ème trimestre 2010 et au 3ème trimestre 2011, l'une et l'autre déposées avant le 31 décembre 2011, un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 774 128 euros englobant les droits à déduction nés en 2009, ne saurait être utilement invoquée par la société dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la société n'a pas souscrit dans les délais fixés par le code général des impôts, pour l'année 2009, les déclarations qu'elle était tenue de déposer trimestriellement : l'omission du dépôt de ces déclarations prive en effet la société de toute possibilité de régularisation ultérieure en ce qui concerne le montant de la taxe déductible pour la période correspondant aux déclarations omises.
8. L'administration s'étant bornée à faire application des dispositions précitées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, le moyen invoqué par Me B...tiré d'un manquement par l'administration au devoir de loyauté ne peut qu'être écarté. Doit également être écarté le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de sa propre doctrine administrative, les instructions administratives invoquées par Me B...se rapportant à d'autres dispositions législatives et réglementaires que celles dont il a été fait application.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de Me C...B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL IH Group. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et de remettre à la charge de l'intimée les droits de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'un montant de 476 984 euros.
Sur le recours n° 16BX01729 tendant au sursis à exécution du jugement :
10. La cour statue par le présent arrêt sur le recours du ministre tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions du ministre tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 16BX01729.
Article 2 : Le jugement n° 1301827 du 10 mars 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 3 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée sont remis à la charge de la SARL IH Group à concurrence d'un montant de 476 984 euros.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Me C... B..., agissant en qualité de mandataire de la SARL IH Group. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N°16BX01728,16BX01729