Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 8 janvier 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.
Par un jugement n° 1500199 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 juillet 2017 ;
2°) d'annuler la décision contestée du 8 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, notamment en fait ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tenant au défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il appartenait au préfet de se prononcer sur la demande d'autorisation de travail qu'il avait produite en application de l'article R. 5221-17 du code du travail ;
- la décision en litige méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi et procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; il était dispensé de la production d'un visa de long séjour dès lors qu'il bénéficiait d'un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier ; le préfet était tenu d'user de son pouvoir discrétionnaire pour lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen ; il a transmis à l'autorité préfectorale un contrat de travail à durée indéterminée pour un poste de vendeur en boucherie ; ce travail lui a procuré un emploi stable ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a méconnu l'article le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle ; il est parfaitement inséré en France où il travaille depuis l'année 2012 et a conclu un contrat de travail à durée indéterminée le 14 février 2014 ; il est dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M.B.... Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 10 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2017 à 12 heures.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 21 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité marocaine, est entré régulièrement en France le 25 février 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour, valable du 18 février au 19 mai 2013, émis par le consulat de France à Casablanca. Le 15 avril 2013, il a obtenu une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de trois ans venant à expiration le 14 février 2016, en qualité de travailleur saisonnier. Le 22 octobre 2014, l'intéressé a sollicité un changement de statut de " travailleur saisonnier " à " salarié ". Par une décision du 8 janvier 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande. M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours dirigé contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui se sont substitués à compter du 1er janvier 2016 aux dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision attaquée mentionne le 4° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise le parcours professionnel de M. B...en France et souligne qu'il y séjourne sous couvert d'une carte temporaire portant la mention " travailleur saisonnier ", dont l'octroi est notamment subordonné au maintien d'une résidence habituelle hors du territoire français. Elle relève qu'il ne peut prétendre à un titre de séjour lui permettant de résider de façon continue sur le sol national en l'absence d'un visa de long séjour. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision en litige. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le précise l'article L. 111-2 du même code : " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". Selon l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". En vertu de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ". Il résulte de ces dispositions combinées que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain est subordonnée, notamment, à la présentation d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi.
5. Il est constant que M. B...est entré sur le territoire français le 25 février 2013 muni d'un visa de long séjour valable du 18 février au 19 mai 2013, qui l'autorisait à solliciter une carte de séjour " travailleur saisonnier " dans les deux mois suivant son arrivée sur le sol national. A la suite de sa demande d'admission au séjour formulée sur le fondement de l'article L. 313-10 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur présentation d'un contrat de travail saisonnier conclu avec la société " Forestier chez Qostal " pour des travaux forestiers, le préfet de la Haute-Garonne lui a délivré le 15 avril 2013 ce titre, dont la date d'expiration était fixée au 14 février 2016, en vue d'exercer des travaux saisonniers, à la condition expresse de maintenir sa résidence habituelle hors de France. Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce titre de séjour est accordé pour une durée de trois ans renouvelable et donne à son titulaire le droit de séjourner en France pendant les périodes qu'il fixe, qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois pas an. Or, il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est maintenu sur le territoire français sans respect de cette condition de durée à la suite de la cessation d'activité de la société Qostal, en novembre 2013, et a conclu le 14 février 2014 avec la SARL l'Oranaise un contrat à durée indéterminée pour exercer un emploi de vendeur en boucherie. Si M. B...fait valoir que le préfet était tenu de prendre en compte la demande d'autorisation de travail présentée pour exercer cet emploi, le titre de séjour dont il bénéficiait à la date de sa demande de changement de statut ne l'autorisait pas à conclure des contrats autres que saisonniers et, au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait effectivement transmis ce document à l'administration préfectorale. Dès lors, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions précitées et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.B....
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. A l'appui de sa demande de titre de séjour " salarié ", M. B...se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France et de sa bonne insertion professionnelle, faisant valoir qu'il travaille depuis 2013 et qu'il a conclu un contrat à durée indéterminée le 14 février 2014. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, âgé de trente-sept ans à la date de la décision en litige, célibataire et sans enfant, n'a été admis à résider temporairement en France depuis le 25 février 2013 jusqu'au 24 février 2016 en qualité de " travailleur saisonnier ", ainsi qu'il a été dit, qu'à raison de six mois maximum par an. Il ne justifie pas de liens personnels ou amicaux sur le sol national et ne conteste pas disposer d'attaches personnelles et familiales au Maroc, où vit à tout le moins sa mère et où il a passé la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle du requérant.
8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 de ce code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Il résulte des dispositions de l'article R. 312-2 dudit code que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 312-2, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de l'article L. 312-2 renvoient.
9. Il résulte de ce qui a été énoncé précédemment que M. B...ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans et qu'il n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour défaut de consultation de la commission du titre de séjour doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, lequel n'est pas entaché d'omission à statuer, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02647