Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eurocars Sabaron a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le marché public du département du Gers ayant pour objet l'exécution de services de transports scolaires pour la desserte des établissements d'enseignement pour l'année scolaire 2014-2015.
Par un jugement n° 1401848 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2016, la société Eurocars Sabaron, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2015 ;
2°) d'annuler le marché public de services de transport scolaire pour la desserte des établissements d'enseignement conformément au calendrier scolaire ;
3°) d'enjoindre au département du Gers de mettre un terme à l'exécution du marché et de lancer une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence pour attribuer un nouveau marché ;
4°) de mettre à la charge du département la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la violation de l'article 35 II du code des marchés publics ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le dossier de consultation des entreprises ne serait pas entaché d'ambiguïtés, notamment en ce qui concerne les obligations de l'attributaire relatives aux règles de sécurité s'agissant des moyens en personnel et des moyens matériels ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le principe d'égalité entre les candidats n'aurait pas été méconnu concernant l'évaluation des critères de choix des offres ; que le Conseil général a reconnu avoir commis des erreurs sur la notation des offres, notamment en ce qui concerne le critère relatif à l'âge des véhicules, et a ainsi méconnu l'article 53 du code des marchés publics ;
- le tribunal n'indique pas en quoi la société n'aurait pas été lésée par la neutralisation du critère relatif au mémoire technique, alors qu'elle conduit à évaluer les candidats sur trois critères au lieu des quatre prévus initialement, de sorte que la sélection des offres n'est plus basée sur l'offre économiquement la plus avantageuse ;
- l'écart de prix étant très important entre l'entreprise retenue et les autres candidats faisant planer le doute sur la méconnaissance de l'article 55 du code des marchés publics, le tribunal aurait dû exiger du département qu'il démontre qu'il n'a pas été confronté à une offre anormalement basse ; que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il n'a pas rejeté les offres anormalement basses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le département du Gers, représenté par Richer et associés droit public, conclut au rejet de la requête et à ce que la
SARL Eurocars Sabaron lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la société Eurocars Sabaron n'établit pas qu'elle aurait été lésée par les vices qu'elle invoque, de sorte que les moyens soulevés ne sont ni opérants, ni fondés.
Par ordonnance du 30 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le département du Gers a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue du renouvellement du marché public de services de transport scolaire pour la desserte des établissements d'enseignement conformément au calendrier scolaire, à compter de la rentrée 2014/2015, comprenant 184 lots définis de manière géographique. La SARL Eurocars Sabaron a présenté des offres pour les lots 82, 83, 86 à 89, 161 à 164, 167 et 171 à 174. Par courrier
du 6 juin 2014 le département du Gers a notifié à la société Eurocars Sabaron l'attribution des lots 161 et 173 et rejeté son offre pour les treize autres lots pour lesquels elle avait candidaté en lui indiquant pour chacun des lots son classement, l'attributaire, et le montant du coût journalier hors taxe de l'offre retenue, ainsi qu'un document récapitulant les notes obtenues par les attributaires. Le 12 juin 2014, la société a demandé au département la communication des motifs détaillés du rejet de ses offres par lots, ainsi que les caractéristiques et les avantages des offres retenues. Elle relève appel du jugement du 29 décembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché public de transport scolaire pour la desserte des établissements d'enseignement pour l'année scolaire 2014-2015.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui d'un recours de plein contentieux contre un contrat, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
3. En premier lieu, la SARL Eurocars Sabaron soutient que la clause prévue à l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières, relative à la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de conclure un ou des marchés négociés complémentaires pour des prestations similaires, sans publicité préalable et sans mise en concurrence, en application de l'article 35 du code des marchés publics, est irrégulière faute de définition des types de prestations en cause. Cependant, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, elle n'établit pas que cette option était susceptible de la léser. Il ne résulte pas de l'instruction que cette possibilité de recourir à des marchés complémentaires dans le cadre au demeurant défini au code des marchés publics, l'ait empêchée de présenter utilement son offre, ni qu'elle ait eu, ainsi qu'elle l'allègue, des conséquences sur les prix des offres présentées par les autres attributaires des lots, ni davantage sur le classement final de ces offres par le département, de nature à vicier les règles de publicité et de mise en concurrence. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cette clause du marché contesté ne serait pas suffisamment précise ne peut dès lors qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'en exigeant à l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) le respect par le transporteur de la législation sociale applicable aux transports et à son article 4, la mise en oeuvre, l'entretien et le renouvellement par ce dernier des moyens matériels nécessaires à l'exploitation des services objet du marché, sans prévoir de lignes relatives à ces moyens matériels et humains dans la décomposition du prix global et forfaitaire proposée aux candidats par le département, ni dans les critères de jugement des offres, les documents de la consultation comporteraient une ambigüité ou imprécision qui ne permettait pas aux concurrents d'évaluer précisément les attentes du pouvoir adjudicateur, constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le moyen doit par suite être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes du II de l'article 1er du code des marchés publics alors en vigueur : "Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ". Aux termes du I de l'article 53 de ce code : "Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, (...). D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. (...)" Pour assurer le respect de ces principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre. Il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères.
6. Il résulte de l'instruction, notamment de l'article 5 du règlement de la consultation, que le choix des offres devait s'effectuer dans les conditions prévues à l'article 53 du code des marchés publics, en fonction de deux critères d'attribution, l'un pondéré à 70 % portant sur le prix de la prestation et l'autre correspondant à la valeur technique, pondéré à 30 %. Ce critère de la valeur technique a été décomposé en deux sous-critères : 20 % pour l'âge des véhicules affectés au service et 10 % pour le mémoire technique précisant notamment les mesures mises en place par l'entreprise pour assurer la continuité du service public. L'article 4.1 du CCTP relatif à l'âge des véhicules prévoyait que " Le niveau et la sécurité des services conduisent à fixer comme suit l'âge des véhicules affectés au transport scolaire :/ L'âge des véhicules utilisés pour toute la durée du présent marché ne pourra pas être supérieur à :/ 10 ans pour les véhicules d'une capacité inférieure à 10 places adultes assurant un service scolaire/ 15 ans pour les véhicules d'une capacité supérieure ou égale à 10 places adultes et inférieure ou égale
à 33 places adultes/ 18 ans pour les véhicules d'une capacité supérieure à 33 places adultes/ L'âge du véhicule précisé ci-dessus est déterminé à partir de la date anniversaire de la date de première mise en circulation. ". Il résulte ainsi des documents de la consultation que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le pouvoir adjudicateur a clairement fixé l'âge limite des véhicules utilisés en fonction de leur capacité et, a délivré aux candidats une information appropriée suffisante sur les attentes correspondant à cette spécification technique pour l'attribution du marché, alors qu'il n'était pas tenu d'indiquer la méthode de notation retenue pour apprécier ce sous critère consacré à l'âge des véhicules. Par ailleurs, les erreurs commises par le département du Gers entachant la note attribuée à la société appelante pour ce sous critère en ce qui concerne les lots 82 et 89, ne sont pas de nature à l'avoir lésée compte tenu de l'écart constaté entre la note finale attribuée à chacune de ses offres et celle donnée à l'offre de l'attributaire de chacun de ces lots. Dans ces conditions, la SARL Eurocars Sabaron n'établit pas que le département aurait, dans la mise en oeuvre de ce sous-critère, commis un manquement aux principes rappelés à l'article 1er du code des marchés publics. Le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement des candidats en méconnaissance de l'article 53 du code des marchés publics doit être écarté.
7. En quatrième lieu, la seule circonstance que l'ensemble des candidats aient obtenu la même note de 2 sur 2 à l'un des quatre sous-critères de jugement des offres prévus à
l'article 5 du règlement de la consultation, ne constitue pas, en elle-même, une irrégularité. En l'espèce, la SARL Eurocars Sabaron n'établit pas que l'attribution de cette note maximale au mémoire technique des concurrents concernant les lots pour lesquels elle s'était portée candidate serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi que l'a jugé le tribunal, le moyen doit être écarté.
8. Enfin, il résulte des dispositions de l'article 55 du code des marchés publics que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques.
9. Si la SARL Eurocars Sabaron se prévaut d'un écart de prix important entre l'offre des attributaires des lots 83, 86, 87, 89, 163, 164, 171, 172, et 174 et sa propre offre, allant de 11,68 % à plus de 40 % sur les lots 164 et 174, elle n'apporte cependant aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Pau sur son argumentation de première instance et à démontrer qu'il y avait lieu, pour l'administration, de constater la présence d'offres susceptibles de rendre difficile l'exécution du marché ou fondées sur une sous-estimation significative du coût des prestations et de solliciter auprès de leur auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé en application de l'article 55 du code des marchés publics. Dès lors, le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne rejetant pas des offres comme anormalement basses ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, la SARL Eurocars Sabaron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Gers, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Eurocars Sabaron, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'appelante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Société Eurocars Sabaron est rejetée.
Article 2 : La Société Eurocars Sabaron versera au département du Gers une somme
de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Eurocars Sabaron et au département du Gers.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2017.
Le rapporteur,
Aurélie B...
Le président,
Didier SalviLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au préfet du Gers, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX00860