Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 février 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Par un jugement n° 1701687 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que l'arrêté du 20 février 2017 du préfet de la Gironde ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'erreurs de fait quant aux dates de son entrée en France et de dépôt de sa demande de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, sans vérifier l'effectivité de l'accès aux soins sur laquelle le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas non plus prononcé ;
- elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation dès lors que les soins nécessaires au traitement de sa pathologie ne sont pas disponibles en Algérie et que sa prise en charge médicale ne peut être assurée dans ce pays.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation : sa situation entre dans les prévisions des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles font obstacle au prononcé de la décision contestée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il n'aura pas accès aux soins qui lui sont nécessaires et sera exposé à des risques graves pour sa santé tant physique que mentale.
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2017, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et renvoie au mémoire produit en première instance qu'il joint à la présente requête.
Par ordonnance du 4 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 décembre 2017 à 12h00.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sylvande Perdu, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 14 novembre 1992 à Oran (Algérie), de nationalité algérienne, est entré sur le territoire français sous couvert d'un visa Schengen de court séjour, valable du 27 mars 2016 au 26 septembre 2016, après une entrée sur le territoire Schengen par l'Espagne le 17 mai 2016. M. C...a déposé le 26 octobre 2016 une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article 6-5 et de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 20 février 2017, le préfet de Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...interjette appel du jugement du 29 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'ensemble de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre le refus de titre :
2. En premier lieu, si M. C... soutient que la décision portant refus de titre de séjour comporte des erreurs sur la date à laquelle il est entré en France et celle à laquelle il a déposé sa demande de titre, ces erreurs sont en l'espèce sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que, pour rejeter la demande de titre de l'intéressé, le préfet de la Gironde a porté une appréciation globale sur sa situation et, plus précisément, sur le fait, d'une part, que sa pathologie ne lui permettait pas de bénéficier d'un titre de séjour et que, d'autre part, eu égard aux liens qu'il maintenait avec son pays d'origine et à son absence d'insertion particulière en France, il ne justifiait pas d'une vie privée et familiale suffisamment ancienne et stable en France.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
4. Aux termes, par ailleurs, des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux faits : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. ". L'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et pouvant indiquer, le cas échéant, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi.
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. En appel, M. C...conteste uniquement le refus opposé à sa demande présentée sur le fondement des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre d'une colopathie fonctionnelle ayant entraîné une intervention chirurgicale le 5 octobre 2016 et d'un état anxieux ayant nécessité une prise en charge psychologique.
8. Pour rejeter la demande de délivrance du titre de séjour présentée par M. C... sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de la Gironde a recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine. Ce médecin a estimé, dans un avis du 2 décembre 2016, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait dans son pays d'origine un traitement approprié. Ainsi, cet avis, qui n'avait pas à mentionner si le requérant disposait d'un accès effectif aux soins en Algérie, est complet et satisfait aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 précité.
9. Les certificats médicaux produits par le requérant, qui attestent qu'il présente un état dépressif avec signes d'angoisse corrélés à une colopathie fonctionnelle, ne remettent pas en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur l'existence d'un traitement approprié en Algérie. Si M. C...soutient qu'il ne bénéficiera pas en Algérie d'un accès effectif aux soins qui lui sont nécessaires, notamment dans la région de Béchar, aux portes du Sahara, dont il est originaire, il ne fournit pas de précisions sur ce point. En tout état de cause, rien ne fait obstacle à ce qu'il se déplace en Algérie pour accéder aux structures médicales disposant de la capacité à le soigner. Par suite, le préfet de la Gironde, dont il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier qu'il se serait cru lié par cet avis, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait sur ce fondement.
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire :
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...). ".
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que le défaut de prise en charge de l'état de santé du requérant ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé qu'il n'existait aucune contre-indication médicale au voyage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi :
12. Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas établi et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en cas de retour en Algérie, M. C... serait exposé à un risque grave pour sa santé tant physique que psychologique qui constituerait un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 janvier 2018.
Le rapporteur,
Sylvande PerduLe président,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03372