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15/02/2018 | FRANCE | N°15BX03662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 février 2018, 15BX03662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une somme de 152 473,50 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite des infections nosocomiales dont elle a été victime, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne a demandé la condamnation du CHU de Poitiers à lui verser une somme de 174 884,04 euros au titre des

prestations engagées au bénéfice de Mme B....

Par un jugement n° 1400359 du 16...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une somme de 152 473,50 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite des infections nosocomiales dont elle a été victime, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne a demandé la condamnation du CHU de Poitiers à lui verser une somme de 174 884,04 euros au titre des prestations engagées au bénéfice de Mme B....

Par un jugement n° 1400359 du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le CHU de Poitiers et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à payer à Mme B...une somme de 87 695,50 euros et à la CPAM de la Vienne la somme totale de 174 127,44 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 novembre 2015, les 4 janvier et

23 mars 2016 et le 5 janvier 2017, le CHU de Poitiers et la SHAM, représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...et les conclusions de la CPAM de la Vienne.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'ils ne rapportaient pas la preuve d'une cause étrangère;

- c'est à tort que le tribunal a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent

de 25 % alors que la patiente présentait un état antérieur de déficit de 8 % en raison de sa gonalgie invalidante ;

- à supposer ce seuil de gravité atteint, les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par Mme B...doivent alors être prises en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale en application des articles L. 1142-1, L. 1142-1-1, et D. 1142-1 du code de la santé publique ;

- en tout état de cause, c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas tenu compte de l'état antérieur et des prédispositions de la victime et a estimé que la chance perdue par

Mme B...d'éviter les préjudices subis était de 100 % ;

- enfin, le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices subis

par MmeB..., notamment de son incidence professionnelle alors qu'elle n'avait pas d'activité professionnelle stable, du déficit temporaire partiel qui n'aurait pas dû

excéder 9 315 euros et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- la créance de la caisse est également excessive dès lors que le tribunal n'a pas déduit une somme de 3 891,65 euros correspondant au fauteuil roulant, à l'attelle et aux frais de transport non justifiés, et a inexactement calculé les indemnités journalières imputables à l'infection nosocomiale et le CHU et son assureur s'opposent par ailleurs à une prise en charge des frais futurs sous forme de capital.

Par un mémoire, enregistré le 3 mars 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête du CHU de Poitiers, à sa mise hors de cause et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du CHU de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ONIAM soutient que si le tribunal a, à juste titre, condamné le CHU à indemniser Mme B...des conséquences de son infection, il a prononcé cette condamnation sur un fondement juridique erroné dès lors que seul le taux d'incapacité permanente conditionne la prise en charge du dommage imputable à l'infection par l'établissement de soin ou par l'ONIAM. En l'espèce, Mme B...a été victime d'une infection nosocomiale ayant entrainé un taux de déficit fonctionnel permanent de 17 % compte tenu d'un déficit de 8 % au titre de l'état antérieur, soit un taux imputable à l'infection qui n'est pas supérieur à 25 % de sorte qu'il n'ouvre pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, conformément aux dispositions prévues à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.

Par des mémoires enregistrés les 5 février et 5 décembre 2016 et le 21 février 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne, représentée par MeD..., demande, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le CHU de Poitiers et la SHAM à lui verser 170 977,73 euros en remboursement de sa créance, avec intérêts à compter du jugement ;

2°) de condamner le CHU et la SHAM à lui verser la somme de 1 028 euros en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ;

3°) de mettre à la charge du CHU et de la SHAM la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Vienne soutient, dans le dernier état de ses écritures, que c'est à tort que le CHU et la SHAM contestent certains postes de créance alors qu'elle justifie de l'achat du fauteuil roulant, ainsi que des frais de transports nécessités par les suites des infections et les indemnités journalières qui sont bien en lien direct avec les infections subies par MmeB.... Ses frais futurs sont fondés et le CHU et la SHAM, qui ne s'étaient pas opposés en première instance au paiement en capital, ne peuvent s'y opposer en appel alors, en outre, que la modification des modalités de versement la contraindrait à rembourser, puis à ce que le CHU lui verse sous forme de rente sur la base de la somme de 33 527,65 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2017, Mme H...B..., représentée par MeI..., demande :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 16 septembre 2015 en tant qu'il a limité à la somme de 87 695,50 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CHU de Poitiers et la SHAM en réparation de l'infection nosocomiale ;

2°) à titre principal, de condamner le CHU de Poitiers et la SHAM à lui verser la somme de 152 473,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de sa première réclamation le 8 juillet 2011 et capitalisation de ces intérêts à compter de l'introduction de sa requête, à titre subsidiaire, de mettre cette somme à la charge de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers et de la SHAM, à titre subsidiaire à la charge de l'ONIAM, la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le CHU de Poitiers et la SHAM, à titre subsidiaire l'ONIAM, aux entiers dépens.

Sur l'imputation de l'indemnisation, Mme B...soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a condamné le CHU et la SHAM à indemniser l'ensemble de ses préjudices en réparation de l'infection nosocomiale dont elle a été victime dès lors qu'elle n'est pas due à une cause étrangère et que le déficit fonctionnel permanent ne dépasse pas le seuil de 25 % fixé par l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;

- à titre subsidiaire, ils devront être réparés par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale dès lors qu'elle atteint le pourcentage fixé par l'article D. 1142-1 de 24 % et en outre qu'elle subit de lourdes conséquences des infections nosocomiales contractées puisqu'elle est sans emploi à 59 ans et reconnue inapte du fait de son handicap ;

Sur l'évaluation des préjudices, Mme B...soutient être fondée à solliciter :

- l'indemnisation des frais d'adaptation de son véhicule comprenant la formation engagée pour conduire un véhicule avec boîte automatique et pédalier spécial, des frais de changement et d'adaptation du véhicule, et des frais de renouvellement du véhicule qu'elle a calculés à hauteur de 6 695,50 euros ;

- une indemnité de 50 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle, compte tenu de son âge et de son état ;

- le remboursement des frais de déplacement et d'expertise pour un montant

de 250 euros ;

- la réparation des souffrances physiques et morales endurées fixées à 4/7, à hauteur de 12000 euros ;

- de son préjudice esthétique fixé à 3/7 à hauteur de 9 000 euros ;

- des troubles temporaires constitués de la gêne totale dans les conditions d'existence pour un montant de 13 500 euros, de la gêne partielle avant consolidation correspondant à la somme de 3 528 euros, et de ses troubles permanents résultant du déficit fonctionnel permanent de 25 % imputable à l'infection nosocomiale, pour lequel elle réclame 47 500 euros et de son préjudice d'agrément, à hauteur de 10 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la CPAM de la Vienne, et

de MeG..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 18 juin 1951, souffrant d'une gonarthrose invalidante déjà opérée en 2005, a subi, le 1er septembre 2008, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers une intervention chirurgicale consistant en la pose d'une prothèse totale du genou droit, qui a dû être retirée, le 19 octobre 2008, à la suite d'une infection. Les prélèvements bactériologiques effectués per-opératoires ont mis en évidence un streptocoque du groupe B et un staphylocoque aureus méticillino-sensible. Un spacer aux antibiotiques a alors été mis en place afin de faciliter l'administration des médicaments pour traiter le genou infecté par la prothèse. Toutefois, Mme B...a dû, de nouveau, être hospitalisée, du 11 mars 2009 au

2 avril 2009, à la suite de l'apparition d'une infection diagnostiquée au point d'entrée sur le cathéter tunnelisé sous clavier droit qui a été retiré le 13 mars 2009. Le 16 avril 2009, son spacer a également été déposé en raison d'une récidive du syndrome infectieux, qui n'a pas permis la réimplantation prothétique envisagée. Les prélèvements alors réalisés ont de nouveau mis en évidence le staphylocoque aureus méticillino-sensible. Le 24 mars 2010 une arthrodèse du genou a été réalisée. Le CHU de Poitiers et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), relèvent appel du jugement du 16 septembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Poitiers les a condamnés à payer à Mme B...une somme de 87 695,50 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite des infections nosocomiales dont elle a été victime et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne la somme totale de 174 127,44 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si les appelants soutiennent, dans leur requête sommaire, que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, ils n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien fondé. Le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la responsabilité du CHU de Poitiers :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute./ Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.

4. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les complications infectieuses dont a été victime MmeB..., qui ont consisté en une infection profonde du site opératoire à la suite de la mise en place d'une prothèse de genou droit réalisée le 1er septembre 2008 et en une infection sur le cathéter central mis en place pour l'antibiothérapie, sont survenues au cours de sa prise en charge au CHU de Poitiers et peuvent donc être qualifiées de nosocomiales. Le CHU de Poitiers, qui ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère, est par suite responsable des dommages en résultant.

5. Le CHU de Poitiers se prévaut des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, selon lesquelles lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, les victimes d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale peuvent prétendre à la réparation de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale dans des conditions tenant au degré de leur invalidité et précisées par décret. En vertu de l'article L. 1142-22 du même code, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est chargé de cette indemnisation au titre de la solidarité nationale.

6. Toutefois, aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2002 : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ". Ces dispositions, distinctes de celles de l'article L. 1142-1 du même code dont se prévaut le CHU, entrées en vigueur à la publication de cette loi au Journal officiel

le 1er janvier 2003, ont créé un nouveau régime de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales, à la seule condition qu'elles aient entraîné un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % ou le décès du patient.

7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la prise en charge des conséquences d'une infection nosocomiale survenue au cours ou au décours d'une hospitalisation postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2002 n'incombe à l'ONIAM qu'à la seule condition qu'elle ait entraîné un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou le décès du patient. Or, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 24 mai 2013 du Dr E...désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers que le taux dont reste atteinte Mme B...imputable à la seule complication infectieuse a été fixé à 25 %. Ce taux n'étant pas supérieur à 25 %, il ne peut ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique. L'ONIAM est par suite fondé à demander sa mise hors de cause.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la nature des infections dont a été victime Mme B...et de l'ampleur du dommage en résultant, le CHU de Poitiers et la SHAM ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a mis à leur charge et non à celle de l'ONIAM l'indemnisation des préjudices que Mme B...a subis.

Sur l'évaluation des préjudices :

9. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'estimer que les infections dont Mme B...a été atteinte, alors même que cette dernière présentait un facteur de risque du fait d'une précédente intervention d'ostéosynthèse subie en 2005, sont la cause de 100 % du dommage dont elle demande réparation et non d'une perte d'une chance d'éviter les préjudices qu'elle subit.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

10. En premier lieu, il n'est pas contesté que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne, qui produit une attestation d'imputabilité de son médecin conseil, ainsi qu'une notification de ses débours actualisés le 25 novembre 2016, a pris en charge des dépenses de santé pour le compte de son assuré, correspondant à des frais hospitaliers pour un montant de 112 912,92 euros , de 112,47 euros pour des frais pharmaceutiques et de 2 508,16 euros pour des frais médicaux imputables aux complications infectieuses dont a été victime MmeB..., soit une somme totale de 115 533,55 euros qui doit être mise à la charge du CHU.

11. En deuxième lieu, la CPAM de la Vienne justifie, par une facture produite pour la première fois en appel, l'achat d'un fauteuil roulant pour un montant de 558,99 euros dont elle demande le remboursement au titre des frais d'appareillage et établit, par le rapprochement des dates d'hospitalisation de Mme B...figurant au rapport d'expertise précité avec le détail des prestations facturées pour les transferts de la patiente, avoir exposé une somme totale de 1 274,76 euros au titre de frais de transport du 29 octobre 2008 au 1er octobre 2010 en lien avec les infections nosocomiales dont la responsabilité incombe au CHU de Poitiers. Il y a lieu, par conséquent, de mettre à la charge de ce dernier la somme totale de 1 833,75 euros.

12. En troisième lieu et contrairement à ce que soutiennent les appelants, les indemnités journalières que la CPAM de la Vienne réclame dans le dernier état de ses écritures, correspondant à la période du 9 octobre 2008 au 31 mars 2009 pour un montant

de 3 836,70 euros et du 1er avril 2009 au 6 avril 2011 pour un montant de 16 390,72 euros, sont dans leur totalité consécutifs à des séjours hospitaliers de Mme B...nécessités par le traitement des infections nosocomiales. Il ne résulte en effet pas de l'instruction que les périodes du 10 mars au 15 avril 2009 contestées devraient être, comme le demandent le CHU de Poitiers et la SHAM, exclues de ce remboursement alors que Mme B...était notamment ré-hospitalisée, du 10 mars au 2 avril 2009, dans le service des maladies infectieuses du CHU de Poitiers pour la prise en charge de l'infection sur le cathéter posé en novembre 2008 puis, en rééducation, du 2 au 15 avril 2009, au centre Saint Charles avant d'être opérée,

le 16 avril suivant, pour la dépose du spacer du fait de "la récidive du syndrome infectieux". Il suit de là que le CHU de Poitiers doit être condamné à verser à la CPAM la somme

de 20 227,42 euros au titre des indemnités journalières.

13. En quatrième lieu, la CPAM demande le remboursement de ses frais futurs pour un montant de 33 527,65 euros correspondant, selon l'attestation de son médecin conseil, à une paire de chaussures orthopédique par an, quatre consultations par an d'un médecin généraliste pour prescription de chaussure orthopédique et antalgique, un contrôle radiographique du genou droit par an pendant cinq ans à partir de la date de consolidation puis une fois tous les trois ans pendant la durée de vie de la prothèse, une consultation spécialisée au même rythme que les radiographies de contrôle et un traitement antalgique. Toutefois, le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. Si le CHU de Poitiers ne conteste pas le montant de la somme demandée par la CPAM de la Vienne au titre des frais qu'elle sera amenée à exposer pour les besoins de MmeB..., il s'oppose en revanche au versement immédiat d'une telle somme en capital. En dépit de l'absence d'opposition de sa part en première instance, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait donné son accord pour une telle modalité de versement de l'indemnité. Dans ces conditions, le CHU de Poitiers et la SHAM sont fondés à soutenir que, par le jugement attaqué, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers les a condamnés à verser un capital au titre des dépenses de santé futures.

14. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Poitiers et la SHAM sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué. La somme qu'ils ont été condamnés à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie est ramenée à 137 594,72 euros et, faute de l'accord du CHU pour les frais futurs sur le versement en capital, la caisse primaire d'assurance maladie ne peut prétendre qu'au remboursement au fur et à mesure des débours qu'elle exposera à l'avenir pour le compte de Mme B...et sur justificatifs.

Quant aux frais divers :

15. Si Mme B...réclame le remboursement de la somme de 250 euros qu'elle soutient avoir exposée au titre des frais de déplacement pour se rendre à l'expertise à Limoges dans le cadre de la mission de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, ainsi qu'à Paris dans le cadre de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Poitiers, elle n'apporte aucun élément en appel permettant de remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges de son préjudice qu'elle n'établit pas. En l'absence de justifications, sa demande ne peut donc qu'être rejetée.

Quant à l'incidence professionnelle :

16. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la gêne fonctionnelle dont Mme B...souffrait du fait de la gonarthrose avant l'intervention

du 1er septembre 2008 à l'origine des complications infectieuses qu'elle a subies, ne faisait pas obstacle à l'exercice par l'intéressée d'une activité professionnelle, même précaire.

MmeB..., qui travaillait dans des abattoirs en contrats à durée déterminée régulièrement reconduits, et avait repris cette activité après l'ostéotomie du genou en 2005, a été reconnue inapte au travail le 1er juillet 2011 du fait de son handicap en lien avec les infections nosocomiales. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle subie en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 euros.

Quant aux frais liés au handicap :

17. Mme B...justifie des frais qu'elle a dû engager auprès d'une auto-école pour adapter sa conduite sur un véhicule aménagé avec boîte automatique et pédalier spécial pour un montant de 446 euros, du coût d'acquisition d'un nouveau véhicule pour la somme

de 4 000 euros et de son aménagement au niveau du pédalier pour un montant de 495 euros ainsi que de la somme de 269,50 euros qu'elle a exposée pour immatriculer ledit véhicule. En tout état de cause, il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont condamné le CHU de Poitiers et la SHAM à lui verser la somme de 6 695,50 euros qu'elle sollicitait au titre des frais liés à l'adaptation de son véhicule, y compris futurs, en l'absence de contestation de ce montant.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

18. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise précité qu'avant la consolidation de son état de santé, fixée au 6 avril 2011, Mme B...a subi plusieurs périodes d'hospitalisation, d'un total d'environ quinze mois imputables aux complications infectieuses, ainsi qu'une gêne temporaire de classe 3 (50 %) du 11 juillet 2009 au 23 janvier 2010,

du 25 janvier 2010 au 23 mars 2010 et du 17 septembre 2010 au 6 avril 2011. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour elle de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à la somme de 12 000 euros.

Quant aux souffrances endurées :

19. Mme B...a éprouvé durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé, des souffrances physiques et psychiques dont l'intensité a été évaluée par l'expert à

4 sur 7 constituées " par les interventions itératives, l'antibiothérapie, la mise en place d'un cathéter implantable avec extraction secondaire sur infection ". Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 7 500 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 24 mai 2013, que Mme B...demeure atteinte après consolidation de son état d'une incapacité permanente partielle de 25 % imputable aux seules complications infectieuses survenues après la pose d'une prothèse totale de genou. Elle connaît en effet une réduction de son potentiel physique, notamment des troubles de la marche en raison du genou raide avec un raccourcissement du membre de quatre centimètres, qui l'oblige à porter une chaussure orthopédique, et garde des cicatrices de ses interventions. En outre, l'expert indique que son incapacité liée à la raideur du genou et à l'image dégradée qu'elle a d'elle-même a un retentissement psychologique et des répercussions sur sa vie personnelle tenant à une limitation des activités relationnelles et des déplacements. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent, en lui allouant la somme de 37 000 euros.

Quant au préjudice esthétique :

21. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que le préjudice esthétique de Mme B...résultant des troubles de la marche, des cicatrices, et du port d'une chaussure orthopédique à laquelle elle est contrainte, a été évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7.

Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 3 600 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

22. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme B...a subi une altération de sa vie sociale et de ses déplacements. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'agrément en lui allouant une somme de 1 850 euros.

23. Mme B...ne justifie en revanche pas des troubles dans les conditions d'existence dont elle demande réparation, distincts de son déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément. Dès lors, sa demande doit être rejetée.

24. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Poitiers et la SHAM sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué. La somme qu'ils ont été condamnés à verser à Mme B...sera ramenée à 78 645,50 euros.

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

25. Mme B...a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité citée au point précédent à compter du 8 juillet 2011.

26. La capitalisation des intérêts a été demandée par Mme B...le 7 février 2014 date d'enregistrement de sa demande de première instance au greffe du tribunal administratif de Poitiers. À cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

27. La CPAM de la Vienne a droit aux intérêts au taux légal de la somme de

137 594,72 euros à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Poitiers, ainsi qu'expressément demandé dans ses écritures.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la santé publique :

28. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ".

29. La CPAM de la Vienne a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 066 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais d'expertise :

30. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme

de 2 852,90 euros à la charge définitive du CHU de Poitiers.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Poitiers et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et par l'ONIAM et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Bordeaux la somme que la CPAM de la Vienne demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 87 695,50 euros que le CHU de Poitiers et la SHAM ont été condamnés à verser à Mme B...par le jugement du tribunal administratif de Poitiers

du 16 septembre 2015 est ramenée à 78 645,50 euros avec intérêts à compter du 8 juillet 2011. Les intérêts échus à la date du 8 juillet 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le montant des débours mis à la charge du CHU de Poitiers et de la SHAM par le jugement du 16 septembre 2015 en remboursement des débours de la CPAM de la Vienne est ramené à la somme de 137 594,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du

16 septembre 2015.

Article 3 : Le CHU de Poitiers et la SHAM sont condamnés à rembourser à la CPAM de la Vienne, à échéance annuelle et sur justificatifs, les dépenses de santé futures que la caisse déboursera pour le compte de MmeB....

Article 4 : La somme que le CHU de Poitiers et la SHAM ont été condamnés à verser à la CPAM de la Vienne au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article

L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 066 euros.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le CHU de Poitiers et la SHAM verseront à Mme B...et à l'ONIAM une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par le CHU et la SHAM, par Mme B...et la CPAM de la Vienne est rejeté.

Article 8 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers, à la société hospitalière des assurances mutuelles, à Mme H... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 février 2018

Le rapporteur,

Aurélie C...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé. en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03662
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.

61 Santé publique.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP GIROIRE REVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-15;15bx03662 ?
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