Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 15 juillet 2015 par laquelle la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de résident d'une validité de dix ans en qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française.
Par un jugement n° 1502060 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 20 octobre et 27 décembre 2017, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2015 de la préfète de la Vienne susmentionnée ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne saurait être contesté qu'il remplit les conditions requises pour obtenir une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-9 alinéa 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est marié avec une ressortissante française depuis le 26 février 2011, qu'il est père de trois enfants de nationalité française et qu'il a déjà bénéficié à trois reprises d'une carte de séjour temporaire, d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale " ;
- contrairement à ce que fait valoir le préfet, il n'a pas vécu aux dépens de son épouse, puisqu'il est démontré qu'il a été titulaire de contrats de travail et exercé des activités rémunérées au cours des années 2014 à 2016 ;
- le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer ce titre de séjour au motif tiré de l'absence d'intégration républicaine ou d'une menace à l'ordre public dès lors que, d'une part, les faits d'atteinte sexuelle sur mineur pour lesquels il a fait l'objet d'une condamnation pénale à quatre mois de prison avec sursis par arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 20 décembre 2007 remontent au mois d'octobre 2001 et que, d'autre part, il s'agit d'un fait unique, qui n'a jamais été réitéré depuis lors ;
- en outre, il réside sans discontinuer sur le territoire français depuis le 25 août 2001, soit depuis plus de dix ans ;
- dès lors, et pour les mêmes motifs, le refus litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle réitère ses observations présentées en première instance et fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 27 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 janvier 2015, M. C...A..., ressortissant marocain né le 1er décembre 1982 à Meknès (Maroc), a sollicité la délivrance d'une carte de résident d'une validité de dix ans en qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française, sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 15 juillet 2015, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande. M. A...relève appel du jugement du 4 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " (...) Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " La carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. (...) ". Aux termes de l'article L. 314-10 du même code : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident (...) est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2 ". Aux termes de l'article L. 314-2 dudit code : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 314-3 de ce code : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. ".
3. Il ressort de l'examen de la décision litigieuse que, pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, la préfète de la Vienne, après avoir indiqué que l'intéressé s'était marié avec une ressortissante française le 26 février 2011 à Poitiers et remplissait la condition de durée de mariage minimale de trois ans mentionnée par les dispositions précitées de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est fondée sur le seul motif tiré de ce qu'il a été condamné le 20 décembre 2007 par la chambre des appels correctionnel de Poitiers à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de viol commis sur une personne de quinze ans et qu'il représentait, dès lors, une menace pour l'ordre public. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'a admis l'autorité préfectorale en première instance dans le cadre de sa demande de substitution de motifs, qu'un tel motif est entaché d'inexactitude matérielle dès lors que M. A...a été condamné pour des faits d'agression sexuelle et non de viol sur mineur, commis en octobre 2001. En outre, il est constant que la condamnation de M. A...à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, relativement légère et prononcée à raison de faits anciens remontant à plus de quatorze ans avant l'édiction de la décision litigieuse, est demeurée isolée et que l'intéressé ne s'est jamais fait connaître défavorablement des services de police depuis lors. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne, qui reconnaît d'ailleurs elle-même en instance d'appel avoir spontanément mis M. A...en possession d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 15 juillet 2015 au 14 juillet 2016, ne saurait sérieusement se prévaloir de ce que sa présence sur le territoire français constituerait une menace réelle et actuelle à l'ordre public. Par ailleurs, il est constant que M. A... est entré régulièrement en France le 25 août 2001 sous le couvert de son passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités consulaires françaises au Maroc et a séjourné régulièrement en France muni de cartes de séjour temporaires en qualité d'étudiant, jusqu'au 15 octobre 2005. Si M. A...a fait l'objet d'un arrêté du 24 juillet 2007 portant refus de renouvellement de ce titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécutée, l'intéressé a toutefois entrepris, le 2 mai 2011, de faire régulariser sa situation administrative en sollicitant une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, à la suite de son mariage avec MmeD..., le 26 février 2011 à Poitiers, puis a bénéficié du titre de séjour sollicité après que le tribunal administratif de Poitiers eût, par jugement n° 1200745 du 7 juin 2012 devenu définitif, annulé l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 16 mars 2012 rejetant sa demande et l'obligeant à quitter le territoire français. Il est tout aussi constant que M. A...est père de trois enfants français nés le 21 juin 2013 pour les deux premiers et le 29 octobre 2014 pour le troisième, avec lesquels le couple réside régulièrement à Poitiers. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. A... a été titulaire de contrats de travail et a exercé des activités rémunérées au cours des années 2014 à 2016. Il s'ensuit qu'en refusant de délivrer à l'intéressé la carte de résident sollicitée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale a entaché la décision contestée du 15 juillet 2015 d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision.
Sur les autres conclusions :
5. Le présent arrêt implique, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que soit délivré à M. A...une carte de résident d'une validité de dix ans. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Vienne de procéder à la remise de cette carte de résident dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502060 du 4 octobre 2017 du tribunal administratif de Poitiers et la décision du 15 juillet 2015 de la préfète de la Vienne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à M. A...une carte de résident d'une validité de dix ans dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX03364