Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 du préfet de la Gironde en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1702411 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2017 et un mémoire ampliatif enregistré le 23 janvier 2018, MmeA..., représentée par Me Pornon-Weidknnet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle justifie d'une communauté de vie de presque deux années avec M.C..., de nationalité française, devenu son époux le 16 août 2017 ; le suivi de cours de français depuis deux ans témoigne de ses efforts d'intégration ; elle est démunie de toute attache familiale au Nigéria où tous ses proches ont été assassinés ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le centre de ses intérêts privés et personnels se trouve désormais sur le territoire français dès lors qu'elle est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; il serait impossible pour le couple de poursuivre une vie normale au Nigéria, au regard de la situation d'insécurité qui y règne notamment envers les personnes de religion chrétienne ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle encourt de graves risques en cas de retour au Nigéria où les violences contre les chrétiens, comme elle, sont toujours d'actualité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de MmeA.... Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 1er décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2018 à 12 heures.
Les parties ont été avisées, par un courrier du 18 janvier 2018 de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de Me Pornon Weidknnet, avocat de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité nigériane, est entrée en France le 6 octobre 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 31 mai 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 février 2017. Par un arrêté du 29 mai 2017, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A...relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour :
2. Il résulte des pièces du dossier que Mme A...dirigeait les conclusions de sa demande présentée devant le tribunal administratif exclusivement contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, ses conclusions d'appel dirigées contre la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre par le préfet de la Gironde sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
3. MmeA..., âgée de vingt-et-un ans, fait valoir que le centre de ses intérêts privés et personnels se trouve désormais en France, où elle séjourne depuis deux ans. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'intéressée vit depuis le début de l'année 2016 avec un ressortissant français, qu'elle a épousé le 16 août 2017. Par ailleurs, si sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision du 9 février 2017 de la Cour nationale du droit d'asile, Mme A...produit devant la cour des documents concordants qui établissent qu'elle se trouverait effectivement en situation d'isolement en cas de retour dans son pays d'origine, où elle ne dispose plus de famille proche. Il ressort en effet de ces documents, dont la validité n'est pas contestée, que son père pasteur, sa mère, ainsi que ses frères et soeurs, ont tous péri dans l'attentat perpétré par le groupe terroriste Boko Haram dans une église de Maidiguri, le 20 septembre 2015. Dans ces conditions, et alors au surplus que la réalité des efforts accomplis par la requérante pour favoriser son insertion en France n'est pas contestée, le préfet de la Gironde, en décidant son éloignement à destination du Nigéria, a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
5. Le présent arrêt annule la mesure d'éloignement de Mme A...sans se prononcer au fond sur son droit à se voir délivrer un titre de séjour. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Gironde du 29 mai 2017 est annulé en tant qu'il fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Nigéria.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouseC..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique le 22 février 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03393