Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de le remettre aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n°1704566 du 18 octobre 2017, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 janvier 2018 et le 15 février 2018, M. A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 octobre 2017 ainsi que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un dossier de demande d'asile afin qu'il puisse saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure normale ainsi qu'une attestation de demande d'asile, dans un délai de 24 heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le premier juge a omis de statuer sur un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 21 et 22 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 en tant que le préfet n'a pas justifié de la saisine et de l'accord des autorités italiennes ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 21 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : la France doit se charger de l'examen de sa demande d'asile dès lors que celle-ci doit être réputée comme ayant été introduite lors de son passage auprès de la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile le 3 novembre 2016 et non pas le 10 janvier 2017 de sorte que la demande de transfert introduite le 16 février 2017 auprès des autorités italiennes est tardive. Aussi bien, le préfet a reconnu dans l'arrêté en litige qu'il avait présenté une demande d'asile en se présentant à l'unité locale de la Croix-Rouge. Le fait pour la structure de premier accueil du demandeur d'asile d'adresser un formulaire électronique aux services du préfet suffit à marquer le début de la procédure d'asile. Il ne saurait être tenu compte d'une attestation délivrée ultérieurement lors d'un rendez-vous fixé en préfecture à la convenance de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés et en particulier que :
- la présentation d'un potentiel demandeur d'asile à la structure de premier accueil ne saurait être regardée comme l'introduction d'une demande d'asile telle qu'elle a été précisée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- les associations en charge du pré-accueil des demandeurs d'asile ne sont pas des autorités publiques au sens de la réglementation européenne telle qu'elle a été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ; ce n'est donc que lorsque l'étranger se présente au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA) que le délai de trois mois commence à courir ;
- la transmission du formulaire électronique par la structure de premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) ne permet pas d'engager le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile ;
- l'attestation justifiant que l'étranger a effectivement sollicité une protection est délivré au moment de l'enregistrement de la demande d'asile au GUDA.
Par ordonnance du 18 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2018 à 12h00.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n°2013/32 du 26 juin 2013 dite " procédures " ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-670/16 du 26 juillet 2017 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Philippe Pouzoulet a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant bangladais né le 15 octobre 1976, déclare être entré en France le 10 octobre 2016 où il a sollicité l'asile. Le préfet de la Haute-Garonne ayant constaté, après avoir consulté les informations du fichier Visabio le 23 décembre 2016, que l'intéressé avait bénéficié d'un visa délivré par les autorités italiennes pour pénétrer sur le territoire de l'Union européenne, a demandé à ces autorités, le 16 février 2017, de le reprendre en charge. Les autorités italiennes n'ayant émis aucune réponse, le préfet de la Haute-Garonne a décidé, par arrêté du 2 octobre 2017, son transfert aux autorités italiennes. M. A...relève appel du jugement du 18 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 15 février 2018, M. A...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur les conclusions présentées à fin d'annulation :
3. M. A...soutient que le préfet n'a pas saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge dans le délai de trois mois à compter de l'introduction de sa demande d'asile, prévu par l'article 21 du règlement n° 604/2013 susvisé, et que par suite l'Etat français est devenu responsable de l'examen de sa demande de protection internationale et que, en application du troisième alinéa de ce même article, il ne pouvait dès lors faire l'objet d'une remise aux autorités italiennes.
4. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Présentation d'une requête aux fins de prise en charge- 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " Début de la procédure - 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a procédé à la transposition de la directive 2013/32 du 26 juin 2013 dite " procédures " : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 741-1, l'autorité administrative compétente peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale prévue au deuxième alinéa de l'article L. 744-1. ". Le deuxième alinéa de l'article L. 744-1 auquel il est ainsi renvoyé permet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de déléguer à des personnes morales, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.
6. Lorsque l'autorité compétente pour assurer au nom de l'Etat français l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a, ainsi que le permet l'article R. 741-2 précité, prévu que les demandes de protection internationale doivent être présentées auprès de l'une des personnes morales qui ont passé avec l'OFII la convention prévue à l'article L. 744-1, la date à laquelle cette personne morale, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l'intention de ce dernier de solliciter la protection internationale doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande de protection internationale au sens du paragraphe 2 de l'article 20 dudit règlement et fait donc partir le délai de trois mois fixé par l'article 21, paragraphe 1, de ce règlement. L'objectif de célérité dans le processus de détermination de l'Etat responsable, rappelé par l'arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne serait en effet compromis si le point de départ de ce délai devait être fixé à la date à laquelle
ce ressortissant se présente au " guichet unique des demandeurs d'asile " de la préfecture ou celle à laquelle sa demande est enregistrée par la préfecture.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est présenté, le 3 novembre 2016, à l'unité locale de la Croix rouge française, organisme auquel le préfet de la Haute-Garonne a confié le soin de se voir présenter les demandes d'asile dans ce département, qu'il a manifesté à cette occasion son intention de demander l'asile et que cet organisme, après avoir rempli un formulaire à l'aide de l'application dédiée à cet effet, reliée à la préfecture, lui a remis une convocation afin qu'il se présente au guichet unique des demandeurs d'asile en vue de l'enregistrement de sa demande le 23 décembre 2016. Ainsi, M. A...doit être regardé comme ayant valablement introduit sa demande de protection internationale le 3 novembre 2016. Or, il est constant que le préfet n'a adressé sa demande de reprise en charge aux autorités italiennes que le 16 février 2017, soit après l'expiration du délai de trois mois prescrit par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013. Dans ces conditions, et en application du troisième alinéa de ce même article, la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de M. A...incombait aux autorités françaises. Par suite, en décidant de remettre le requérant aux autorités italiennes, la décision en litige a méconnu l'article 21 du règlement du 26 juin 2013.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017.
Sur les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui annule la décision de transfert attaquée, implique nécessairement l'enregistrement de la demande d'asile de M. A...et la délivrance à celui-ci d'une attestation de demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait eu lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Tercero, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Tercero de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M.A....
Article 2 : Le jugement n° 1704566 du 18 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 octobre 2017 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer la demande d'asile de M. A... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Tercero une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Tercero.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 mars 2018.
Le président-assesseur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre d'Etat, au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00074