Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ainsi que la décision du 2 mai 2012 par laquelle il a rejeté son recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale confiée à un médecin expert spécialisé en sécurité sociale ou à défaut en neurochirurgie avec pour mission de décrire sa pathologie et les travaux accomplis dans le cadre de son activité professionnelle, de dire s'ils peuvent être en relation avec la pathologie dont il se plaint et s'ils entrent dans le champ d'application du tableau n° 98 des maladies professionnelles.
Par un jugement n° 1203014 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2016, M.A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 novembre 2015 ;
2°) d'annuler les décisions susvisées du 26 janvier 2012 et du 2 mai 2012 du président du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale confiée à un médecin expert spécialisé en sécurité sociale ou à défaut en neurochirurgie avec pour mission de décrire sa pathologie et les travaux accomplis dans le cadre de son activité professionnelle, de dire s'ils peuvent être en relation avec la pathologie dont il se plaint et s'ils entrent dans le champ d'application du tableau n°98 des maladies professionnelles ;
4°) de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Garonne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa maladie, une hernie discale, est bien inscrite au tableau n° 98 ; elle a bien été constatée dès 1993 alors qu'il était en activité professionnelle, même s'il ne l'a déclarée à son employeur qu'en 2011 ; il a bien exercé des travaux de nature à aggraver son état de santé ; hormis son affectation de 1986 à 1989 à l'aéroport de Blagnac, il a bien été affecté au poste de secours aux asphyxiés et aux blessés et a donc été amené à soulever des personnes ; sur ce point, la loi, à savoir les articles L. 461-1 et 2 du code de la sécurité sociale, exige une activité habituelle et non prépondérante ; or, il a eu une activité habituelle de brancardier, même si elle n'était pas prépondérante ; les certificats médicaux établissent que s'il présentait un état antérieur lombaire, il n'y avait pas d'état antérieur herniaire ; il est manifeste que son activité professionnelle a aggravé son état de santé ; en outre, la condition de délai de prise en charge est parfaitement respectée ; il produit de nombreuses pièces médicales contemporaines de son exposition au risque ;
- la charge de la preuve que sa maladie n'est pas professionnelle repose sur l'administration ;
- à titre subsidiaire, il sollicite de la cour qu'elle ordonne une expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2017, le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Garonne, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés ; en particulier, les critères du tableau n° 98 ne sont pas remplis ; il ne ressort pas des pièces produites que M. A...souffrirait, depuis 1993, d'une hernie discale ou d'une des maladies décrites au tableau n° 98 ; le délai de prise en charge n'a pas été respecté ; il y avait absence de caractère habituel des travaux mentionnés dans ce tableau, l'activité de brancardage et de transport des personnes ne constituant pas une activité habituelle et essentielle des sapeurs-pompiers ; l'origine de son affectation est antérieure à 1993 ; M. A...n'apporte pas la preuve que ses activités professionnelles au SDIS sont la cause déterminante de sa maladie.
Par une ordonnance du 24 octobre 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 23 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. H...A..., né en 1954, qui exerçait les fonctions de sapeur pompier professionnel au Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Garonne, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 3 août 2010. Par une déclaration en date du 12 janvier 2011, il a sollicité, la reconnaissance en tant que maladie professionnelle de la sciatique par hernie discale dont il était atteint, en vue de l'obtention d'une allocation temporaire d'invalidité. Le 5 janvier 2012, la commission de réforme a émis un avis défavorable à la reconnaissance de cet état comme maladie professionnelle. Par une décision du 26 janvier 2012, le président du SDIS de la Haute-Garonne, a rejeté la demande de M. A... tendant à la reconnaissance de sa pathologie au titre d'une maladie professionnelle. M. A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 novembre 2015, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. M. A...se prévaut des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel sont présumées d'origine professionnelle les maladies inscrites au tableau annexé à l'article R. 461-3 dudit code et contractées dans les conditions qui y sont mentionnées, une maladie inscrite à ce tableau pouvant néanmoins être reconnu d'origine professionnelle même si toutes les conditions prévues ne sont pas emplies, dès lors qu'elle a été causée par le travail habituel de la personne intéressée. A ce titre, le requérant fait valoir qu'il remplit les conditions d'application de la présomption légale posée par les dispositions de l'article L. 461-1, compte tenu de ce que sa maladie, une sciatique par hernie discale, est inscrite au tableau n° 98 des maladies professionnelles, ainsi que de la date d'apparition de ladite pathologie et de la nature de travaux de brancardage de personnes accomplis dans le cadre de ses fonctions.
3. Toutefois, si l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit le droit à la conservation de l'intégralité du traitement et le remboursement des honoraires médicaux lorsqu'elle reconnu l'imputabilité au service d'une maladie, ni ces dispositions ni aucune autre, ne rendent applicables aux fonctionnaires territoriaux l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées par ce tableau (CE, cne de Roissy-en-Brie, 27 avril 2015, 374451, B). Par suite, il appartient à l'agent de démontrer qu'il existe un lien direct entre ses conditions de travail et la pathologie dont il demande la reconnaissance du caractère professionnel. (CE, Rabiller, 22déc 2017, 397938).
4. En l'espèce, si M. A...soutient que la pathologie dont il est atteint présente un lien direct avec son activité de sapeur-pompier professionnel qu'il exerçait depuis le 1er octobre 1983 au sein du SDIS de la Haute-Garonne, la commission de réforme, se fondant notamment sur le rapport d'expertise du DrG..., établi le 12 mai 2011 à la demande du SDIS, a émis, le 5 janvier 2012, un avis défavorable à la reconnaissance de cet état comme maladie professionnelle.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et des documents médicaux produits par le requérant que celui-ci souffre d'une lombosciatique chronique liée à la présence d'une hernie discale concordante L4/L5 postéro-latérale gauche avec atteinte radiculaire et cruralgies subséquentes.
6. Il ressort également des pièces du dossier qu'alors que M. A...a été intégré dans le corps des sapeurs-pompiers professionnels de la Haute-Garonne le 1er octobre 1983, un bilan radiologique lombo-pelvien effectué en février 1987 montrait, notamment, la présence d'une scoliose sévère avec hémisacralisation de L5 et l'existence d'un canal lombaire anatomiquement trop étroit. Cependant, ce n'est qu'à compter du début 1993 qu'il a commencé à souffrir d'une forte lombosciatique gauche. Les examens effectués en avril et mai 1993, électromyogramme puis tomodensitométrie, ont mis en évidence l'existence de hernies sur L4 et L5. M. A...va subir deux interventions chirurgicales, le 5 janvier 1994 et le 17 mai 2005. Si le compte-rendu opératoire de la première est intitulé " traitement chirurgical d'une scoliose lombaire avec sténose ", il ressort du certificat établi le 5 novembre 2010 par le DrC..., neurochirurgien qui l'avait opéré, qu'au cours de cette intervention, l'exérèse de deux hernies discales a été réalisée. Quant à la seconde opération, son compte-rendu fait état de la présence d'une hernie " éjectée " en L2 L3, laquelle, aux termes du certificat établi par le Dr E...le 22 mai 2013, explique la survenue d'une " cruralgie par pathologie herniaire L2-L3, L3-L4 ".
7. Dans ces conditions, et alors que le SDIS s'appuie sur le seul rapport établi à sa demande par le Dr G...le 16 mai 2011, lequel conclut à l'absence de maladie professionnelle, les nombreux et circonstanciés certificats médicaux produits par M. A...établissent que, s'il présentait certes un état antérieur préexistant d'anomalies lombaires, à savoir une sténose du canal rachidien sur scoliose rotatoire, il ne présentait pas, avant 1993, " d'état antérieur herniaire ", comme l'affirme le certificat précité du DrE..., lequel précise également qu'il est " inexact d'affirmer que l'état antérieur présenté par l'agent a continué à évoluer pour son propre compte ". Cette appréciation est d'ailleurs confortée par celle du DrD..., qui relève, dans son certificat du 15 septembre 2011, " qu'en aucun cas, cet état antérieur ne peut expliquer à lui seul la survenue de cette lombosciatique gauche L5 par hernie discale concordante L4-L5 ".
8. En deuxième lieu, le SDIS fait valoir que l'activité de brancardage et de transport de personnes, correspondant au port de charges lourdes, ne constitue pas une activité essentielle pour un sapeur-pompier professionnel et ne se produit que lorsque l'agent en charge du secours d'urgence à victimes est affecté à un " véhicule de secours et d'assistance aux victimes " (VSAV), anciennement dénommé " véhicule de secours aux asphyxiés et blessés " (VSAB). S'agissant de M.A..., le SDIS fait ainsi valoir que, jusqu'au début des années 90, il n'assurait des gardes qu'une fois par trimestre, qu'au cours de l'année 1994, il a effectué seulement 62 sorties en VSAB et en 2002, 47 gardes et 93 interventions en VSAB, et qu'il a par ailleurs été très fréquemment en congé pour maladie à compter de 1994. Il ressort en effet des pièces du dossier, et en particulier des arrêtés produits par le SDIS, que M. A...a été placé en congé maladie ordinaire du 2 janvier 1994 au 1er janvier 1995, en disponibilité d'office du 2 janvier 1995 au 1er janvier 1996, en congé de longue maladie du 26 janvier 2005 au 25 janvier 2008, avant de reprendre ses fonctions en mi-temps thérapeutique du 26 janvier 2008 au 25 janvier 2009, puis d'être affecté sur un poste aménagé jusqu'à son départ à la retraite pour inaptitude le 3 août 2010. Par suite, s'il est impossible que M. A...ait effectué 62 sorties en VSAB en 1994, année où il a constamment été arrêté en raison de son état de santé, il ressort néanmoins des tableaux d'intervention produits en première instance par le SDIS et qui couvrent la période 2001-2004, années où M. A...avait repris son activité, que les interventions qu'il a effectuées en VSAB représentent une part importante des interventions sur lesquelles il était affecté, à un point tel qu'elles constituaient, pour ce pompier professionnel, un mode très habituel d'intervention. Par exemple, au titre de la seule année 2002, le nombre de jours de " sorties VSAB " établi par le SDIS à 93, hors les " jours de garde VSAB " qui s'élèvent à 47 au titre de cette même année, a ainsi concerné près d'un tiers des jours ouvrés d'une année. Ainsi, nonobstant les circonstances que les ambulanciers effectueraient bien plus de transport de personnes sur une année ou que, rapportées au nombre total d'interventions sur une année, les sorties VSAB en représentent bien moins d'un tiers dès lors qu'un même agent peut effectuer plusieurs interventions par jour, les données fournies par le SDIS établissent que, si les sorties VSAB n'étaient pas le mode prépondérant d'intervention pour M.A..., elles en constituaient néanmoins un mode parfaitement habituel, et non pas seulement occasionnel, s'agissant d'un mode d'intervention banal pour un sapeur-pompier professionnel. Par ailleurs, il est constant que M. A...a dû subir une nouvelle opération chirurgicale en 2005, après avoir repris ses fonctions ainsi décrites du 2 janvier 1996 au 26 janvier 2005. D'autre part, le SDIS n'établit pas, ni même n'allègue, qu'entre 1983 et 1993, les fonctions de M. A...ne le conduisaient pas à pratiquer des interventions dans les mêmes conditions qu'entre 2001 et 2004, voire dans des conditions plus intensives, dès lors qu'il n'avait pas encore subi sa première intervention chirurgicale.
9. Par suite, M. A...doit être regardé comme établissant que, quand bien même aurait-il eu une malformation congénitale du rachis lombaire, cet état, auparavant asymptomatique, s'est décompensé à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et que la pathologie dont il souffre a un lien direct et essentiel avec son travail habituel, ce qui doit la faire regarder comme étant d'origine professionnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ainsi que la décision du 2 mai 2012 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Garonne une somme de 1 500 euros que demande M. A...sur ce fondement. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de ce dernier, sui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le SDIS sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1203014 du 12 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La décision du président du SDIS de la Haute-Garonne du 26 janvier 2012 est annulée, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 2 mai 2012.
Article 3 : Le SDIS de la Haute-Garonne versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du SDIS de la Haute-Garonne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...A..., au Service d'incendie et de secours de la Haute-Garonne et à la Caisse des dépôts et consignations.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
2
N° 16BX00105