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27/04/2018 | FRANCE | N°16BX01475

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 avril 2018, 16BX01475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cofledis a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision en date du 1er septembre 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement économique de Mme A...employée en qualité d'assistante administrative depuis le 3 avril 2013 et déléguée du personnel suppléante depuis le 21 avril 2011.

Par un jugement n° 1402095 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du tra

vail en date du 1er septembre 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cofledis a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision en date du 1er septembre 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement économique de Mme A...employée en qualité d'assistante administrative depuis le 3 avril 2013 et déléguée du personnel suppléante depuis le 21 avril 2011.

Par un jugement n° 1402095 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du travail en date du 1er septembre 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2016, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande de la société Cofledis présentée devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de la société Cofledis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- après avoir annulé la décision du ministre, le tribunal administratif devait vérifier que l'autorisation de licenciement était justifiée, en s'assurant notamment du respect de l'obligation de reclassement ; or, il a omis de statuer sur cette question :

- le principe du contradictoire a été respecté, contrairement à ce qu'a fait valoir la société Cofledis ;

- Cofledis avait accepté la première décision d'autorisation de refus de licenciement rendue par l'inspecteur du travail le 1er août 2013 et ne l'avait pas contestée ; cet aveu judiciaire lui est donc opposable ;

- il est établi que le directeur administratif de Cofledis a confirmé à l'inspecteur du travail que la suppression de son poste était prévue en amont de la transaction, ce qui constitue une violation de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- pour que Cofledis puisse valablement solliciter une seconde autorisation de licenciement, encore aurait-il fallu que la société revienne sur sa décision de suppression de son poste, qu'elle l'en informe et qu'elle la réintègre dans ses fonctions antérieures à la transaction ; or, à la reprise de son travail, elle n'a pas été réintégrée dans ses fonctions et a été placée en dispense d'activité ; la violation de l'article L. 1224-1 du code du travail a donc perduré jusqu'à son licenciement illicite ; la proposition de modification de son contrat de travail n'était qu'un détournement de procédure visant à masquer cette violation ;

- que ce soit dans le cadre de la première ou de la seconde demande d'autorisation, Cofledis, qui appartient à un groupe composé notamment par la société Carrefour, n'a toujours pas fourni d'élément permettant d'apprécier la réalité des difficultés économiques alléguées au niveau dudit groupe ;

- la consultation des délégués du personnel du 27 mai 2013 sur le projet de licenciement économique était privée de toute portée utile, comme l'a relevé l'inspecteur du travail dans sa première décision, de sort que la procédure de consultation a été substantiellement viciée ; les pièces produites par Cofledis ne permettent pas de prouver qu'elle a consulté à nouveau les délégués du personnel ;

- Cofledis a violé l'obligation préalable de reclassement de l'article L. 1233-4 du code du travail ; la société n'apporte pas la preuve qu'elle a effectué des recherches sérieuses, loyales et individualisées au sein du groupe Carrefour ; au contraire, le courrier du 30 décembre 2013 de la société à l'inspecteur du travail prouve que ces recherches ont été très limitées ; or, ce n'est pas parce que le salarié n'a pas fait connaître ses souhaits quant à une éventuelle mobilité que l'employeur peut limiter le périmètre de ses recherches de reclassement ;

- le motif économique allégué n'existe pas ; sur ce point, la société confirme qu'elle avait accepté la décision du 1er août 2013, qui pointait pourtant l'absence de motif économique ; la réalité du motif économique doit être appréciée au niveau du groupe Carrefour ; or, ce groupe se porte économiquement bien ; il n'est donc pas possible de prétendre que la suppression de son poste permettrait de sauvegarder la compétitivité du groupe ; la circonstance qu'un outil de gestion distinct ait été mis en place ne peut être retenue, dès lors que les tâches qui étaient les siennes, de centralisation et de gestion des articles, existent dans toutes les enseignes du groupe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2016, la société Cofledis, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros et à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés ; en particulier, celle-ci disposait bien du statut de salariée protégée ; si la société avait effectivement acquiescé à la première décision de l'inspecteur du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement, elle avait bien, dans le cadre de sa seconde demande d'autorisation, fourni tous les éléments établissant la réalité du motif économique ; ce motif économique est incontestable et elle en a parfaitement justifié tant auprès de la salariée que de l'inspecteur du travail ; le moyen tiré du non respect de l'obligation de reclassement est ici inopérant, dès lors que le ministre du travail n'a pas statué sur ce point ; en tout état de cause, cette obligation a bien été respectée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social déclare s'en remettre à la sagesse de la cour.

Par une ordonnance en date du 30 mars 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 21 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société Cofledis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cofledis exploite une activité de grande distribution sous l'enseigne Carrefour Market, après avoir acquis le fonds de commerce auprès de la société Altis le 2 avril 2013. Mme C...A...était salariée de la société Altis depuis le 16 janvier 1989 et y occupait un poste d'agent administratif au sein de l'établissement de Fleurance (Gers). Elle y occupait également diverses fonctions de représentant du personnel. Préalablement à la cession du fonds de commerce, la société Altis a sollicité, en vertu de l'article L. 2414-1 du code du travail, l'autorisation de procéder au transfert du contrat de travail de Mme A...au profit de la société Cofledis. Par une décision du 25 mars 2013, l'inspecteur du travail a autorisé ce transfert. Toutefois, postérieurement à l'entrée en possession du fonds de commerce détenu par la société Altis, la société Cofledis a engagé une restructuration des services, et notamment du département administratif et comptable, devant conduire à la suppression du poste de MmeA.... Le 25 juin 2013, la société Cofledis a alors sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de MmeA..., toujours salariée protégée. Par une décision en date du 1er août 2013, l'inspecteur du travail de la 1ère section d'inspection du travail du Gers a refusé d'accorder cette autorisation, décision que l'employeur a acceptée, comme il l'a fait savoir au directeur interrégional de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) du Gers par un courrier en date du 10 octobre 2013. La société Cofledis, afin de maintenir l'emploi de Mme A...sur le site de Fleurance, lui a alors, en vertu des dispositions de l'article L. 1226-6 du code du travail, proposé une modification de son contrat de travail, à savoir un poste de salariée polyvalente intégrant un temps de travail administratif et la prise en charge du rayon " culture " nouvellement créé. Mme A...ayant refusé cette modification, l'employeur a, le 30 décembre 2013, sollicité une seconde fois l'autorisation administrative de la licencier pour raison économique. Par une décision du 3 février 2014, le même inspecteur du travail a cette fois autorisé son licenciement. Mme A...a alors formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail à l'encontre cette seconde décision de l'inspecteur. Par une décision en date du 1er septembre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2014 et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement. Cependant, par un jugement du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Pau a, à la demande de Cofledis, annulé la décision du ministre du travail du 1er septembre 2014. Mme A...demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par la société Cofledis devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne la décision de l'inspecteur du travail du 1er septembre 2014 :

2. MmeA..., en ce qu'elle demande de constater que l'autorisation de licenciement était injustifiée et demande de l'annuler, doit être regardée comme présentant des conclusions en annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 1er septembre 2014, seule décision ayant accordé une telle autorisation.

3. Cependant, la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé étant soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun (CE, 32041, 20 nov 2009), l'annulation par le juge administratif d'une décision par laquelle le ministre compétent a lui-même annulé l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de procéder au licenciement d'un représentant du personnel et refusé d'accorder ladite autorisation ne rend pas l'employeur titulaire d'une autorisation de rompre le contrat de travail du salarié. Il s'ensuit que la décision du juge administratif n'a pas pour effet, dans cette hypothèse, d'entraîner la remise en vigueur de la décision initialement prise par l'inspecteur du travail et qu'il appartient à l'employeur de confirmer auprès du ministre compétent, qui demeure saisi du recours hiérarchique, qu'il maintient sa demande d'autorisation de procéder au licenciement.

4. Par suite, la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2014 ayant définitivement disparu de l'ordonnancement juridique, les conclusions dirigées contre celle-ci sont irrecevables.

En ce qui concerne le surplus :

5. Pour le surplus, Mme A...conteste le jugement attaqué ayant annulé la décision du ministre du travail du 1er septembre 2014. En ce que cette décision refusait l'autorisation de licenciement de la salariée, son annulation par le tribunal administratif lui fait grief et elle a intérêt à agir.

6. Le tribunal administratif a estimé qu'aucun des deux motifs retenus par le ministre ne permettait de fonder légalement sa décision. Cependant, Mme A...ne remet aucunement en cause cette appréciation, mais se borne à contester la régularité du jugement qu'elle attaque, en faisant valoir que les premiers juges ont omis de statuer sur l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur.

7. Toutefois, les premiers juges ont annulé la décision du ministre du travail après avoir estimé que le premier motif retenu par l'administration, tiré de l'absence de statut de salarié protégé de MmeA..., était entaché d'une erreur de fait et que le second, tiré de ce que la demande d'autorisation ne comportait pas de précisions sur la cause économique, était entaché d'une erreur d'appréciation. Par suite, dès lors que la décision du ministre n'était aucunement fondée sur la question du respect de l'obligation de reclassement par l'employeur et que l'annulation de cette décision refusant le licenciement ne confère pas, en tout état de cause et comme cela a été dit ci-dessus, audit employeur d'autorisation de licenciement, en ne se prononçant pas sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement, qui s'avérait être inopérant, les premiers juges n'ont pas commis d'omission à statuer. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre du travail en date du 1er septembre 2014.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Cofledis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à la société Cofledis et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX01475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01475
Date de la décision : 27/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS DARMENDRAIL et SANTI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-04-27;16bx01475 ?
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