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15/05/2018 | FRANCE | N°16BX01819

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16BX01819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Aux termes de cinq requêtes, Mme K...D..., MM. G...et H...B..., A...E...et C...D...ont, respectivement, demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme K... D...la somme de 374 944 euros en réparation des dommages qu'elle a subis à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser à ses quatre enfants la somme de 25 000

euros chacun à raison de leurs préjudices respectifs.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Aux termes de cinq requêtes, Mme K...D..., MM. G...et H...B..., A...E...et C...D...ont, respectivement, demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme K... D...la somme de 374 944 euros en réparation des dommages qu'elle a subis à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser à ses quatre enfants la somme de 25 000 euros chacun à raison de leurs préjudices respectifs.

Par un jugement n° 1402345-1500204-1500205-1500206-1500207 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes et mis les frais d'expertise judiciaire à la charge de Mme K...D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2016, et un mémoire, enregistré le 14 juin 2017, Mme K...D..., MM. G...et H...B..., A...E...et C...D..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2016 ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme K...D...la somme de 374 944 euros, assortie des intérêts légaux et capitalisés à compter du 7 mai 2010, en réparation des dommages qu'elle a subis à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser à chacun de ses quatre enfants la somme de 25 000 euros, assortie des intérêts légaux et capitalisés à compter du 4 mars 2014, à raison de leurs préjudices respectifs ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 6 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance par Mme K...D...et une somme de 2 000 euros à chacun de ses enfants au titre des frais qu'ils ont eux-mêmes exposés pour l'instance.

Ils soutiennent que :

- la requête présentée par Mme K...D...n'était pas tardive dès lors que le rapport de l'expert judicaire ne lui a pas été personnellement notifié et que le rejet de sa seconde demande indemnitaire préalable ne pouvait être purement confirmatif dès lors que cette demande était fondée sur les éléments nouveaux contenus dans ce rapport et un fondement juridique distinct de sa précédente demande indemnitaire ;

- que l'ONIAM ne justifiant pas de l'innocuité des transfusions subies par Mme K...D..., l'Office doit, en application des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, être condamné à les indemniser des préjudices que leur a causé la contamination de celle-ci ;

- ils justifient de la réalité et du quantum de leurs préjudices ;

- le mémoire produit en défense par l'ONIAM est tardif et, par suite, irrecevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2017, l'ONIAM, représenté par Me I..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les sommes mises à sa charge soient réduites à de plus justes proportions.

Il soutient que les demandes de Mme K...D...et de ses enfants étaient tardives, que le lien de causalité entre les transfusions subies par celle-ci et sa contamination n'apparaît pas suffisamment vraisemblable et que les appelants ne justifient pas de la réalité et du quantum de leurs préjudices.

Mme K...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016.

Par ordonnance du 15 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.J...,

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme K...D...a appris le 17 octobre 2002 qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C. MmeD..., qui considère que sa contamination par ce virus est due aux produits sanguins qui lui ont été administrés lors des deux césariennes qu'elle a subies en 1986 et 1988, a saisi, le 7 mai 2010, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation, qui a été rejetée par décision du 4 juillet 2012, après qu'une expertise a été réalisée. L'expert judiciaire nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers à la demande de Mme D...a rendu son rapport le 20 juin 2013. Au vu de ce rapport, Mme D...a formé une nouvelle demande indemnitaire devant l'ONIAM, qui l'a rejetée le 27 juin 2014 et a également rejeté, le 25 novembre 2014, les demandes d'indemnisation formées par les enfants de MmeD..., MM. G... et H...B...et A...C...et E...D.... Mme D...et ses enfants demandent à la cour d'annuler le jugement du 7 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs différentes demandes tendant à ce que l'ONIAM soit condamné à les indemniser de leurs préjudices respectifs. Ils demandent également à la cour, à titre principal, de condamner l'ONIAM à verser à Mme D...la somme de 374 944 euros et à verser à chacun de ses quatre enfants la somme de 25 000 euros.

Sur la tardiveté du mémoire de l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". En application de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. "

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.

4. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que le premier mémoire en défense de l'ONIAM a été enregistré au greffe de la cour le 4 mai 2017, antérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 5 mai 2017, et que sa communication aux appelants, le 9 mai suivant, a eu pour effet de rouvrir cette instruction. Ainsi, le moyen tiré de ce que ce mémoire était tardif et ne devait pas être examiné par la cour doit être rejeté comme manquant en fait et en droit.

Sur la tardiveté de la demande présentée par MmeD... :

5. D'une part, aux termes des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa version alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". La saisine du juge des référés devant le tribunal administratif d'une demande d'expertise médicale interrompt cependant ce délai, qui commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l'expert ou de l'ordonnance du juge des référés rejetant la demande d'expertise.

6. D'autre part, l'article R. 621-9 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige, précise que le rapport d'expertise " ...est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification peut s'opérer sous forme électronique. / Le greffe peut demander à l'expert de déposer son rapport sous forme numérique. La notification du rapport aux parties est alors assurée par le greffe. / Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à fournir leurs observations dans le délai d'un mois... ". En outre, chaque partie ou l'avocat qui la représente se voit notifier un code d'accès au système informatique de suivi de l'instruction qui lui permet de vérifier à tout moment l'état de la procédure.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la première demande indemnitaire présentée par Mme D...a été rejetée par l'ONIAM aux termes d'une décision du 4 juillet 2012 qui lui a été notifiée le 10 juillet suivant et qui mentionnait les voies et délais de recours. Le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de justice administrative a été interrompu lorsque Mme D...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'une demande d'expertise médicale. Il résulte des écritures des appelants que le rapport établi par l'expert nommé par le tribunal a été notifié au conseil de Mme D... par courriel le 21 juin 2013. Dès lors, un nouveau délai de recours de deux mois a commencé à courir à compter de cette date sans que Mme D...puisse utilement faire valoir que ce rapport ne lui a pas été personnellement notifié. Ce délai avait, par conséquent, expiré le 14 août 2014, date à laquelle la demande de Mme D...tendant à la condamnation de l'ONIAM a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers.

8. En second lieu, les appelants font valoir que Mme D...a adressé à l'ONIAM une seconde demande d'indemnisation des préjudices que lui a causés sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, que cette demande était fondée sur les conclusions de l'expert nommé par le tribunal, et que l'office l'a rejeté le 27 juin 2014. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette nouvelle demande avait un autre objet, reposait sur une cause juridique distincte de sa première demande ou se fondait sur des circonstances nouvelles, dès lors qu'il ressort de la décision du 4 juillet 2012 par laquelle l'ONIAM avait rejeté cette demande initiale que ladite demande était déjà fondée sur une contamination par transfusion sanguine, que la demande d'indemnisation produite par les appelants, non datée, adressée à l'Établissement français du sang, n'était pas fondée sur les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé public relatives aux infections nosocomiales mais attribuait déjà la contamination de Mme D...à une transfusion sanguine, enfin que le rapport de l'expert judiciaire ne comportait aucun fait nouveau mais uniquement une appréciation différente des faits dont Mme D...avait précédemment eu connaissance et ne peut, par suite, constituer une circonstance nouvelle. Ainsi, la décision de rejet du 27 juin 2014 constitue une décision purement confirmative de la première décision de rejet du 4 juillet 2012 et n'a, par conséquent, pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux.

9. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté comme tardive la demande présentée par MmeD.... En outre, ils ne contestent pas que les demandes indemnitaires présentées par les enfants de Mme D...étaient également irrecevables, ainsi que l'ont jugé les premiers juges. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que les frais qu'ils ont exposés pour l'instance soient mis à la charge de l'ONIAM ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme K...D..., de MM. G...et H...B...et L...A...E...et C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K...D..., à MM. G...et H...B..., à A...E...et C...D...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018

Le rapporteur,

Manuel J...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX01819


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01819
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-04 Procédure. Introduction de l'instance. Délais. Interruption et prolongation des délais.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP DAMY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-15;16bx01819 ?
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