Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1703080 du 27 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier et 13 mars 2018,
MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 25% par une décision du 3 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Didier Salvi a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante béninoise née le 25 juillet 1986, est entrée en France, selon ses déclarations, le 11 juillet 2011. Le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour motif de santé et l'a obligée à quitter le territoire français, par arrêté
du 24 novembre 2014 à l'encontre duquel elle a exercé un recours en définitive rejeté par un arrêt de la présente cour du 5 novembre 2015. Le 13 mai 2016, elle a demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement
du 27 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'appelante, qui soutient être entrée en France
le 11 juillet 2011, a eu un enfant, le 24 juillet 2013, avec un compatriote, M.B..., qu'elle a épousé le 26 mars 2016. M. B...est, par ailleurs, père d'une enfant française née en 2007 d'une autre union et a ainsi obtenu une carte de résident, valable jusqu'en 2022, en qualité de parent d'enfant français. Il exerce, depuis l'année 2012, une activité professionnelle indépendante en qualité d'artisan peintre en bâtiment, qui lui procure des revenus, et contribue effectivement à l'entretien de son enfant française, en versant une pension alimentaire
de 120 euros par mois à la mère de cette enfant. M.B..., propriétaire du logement familial a ainsi vocation à rester durablement sur le territoire national. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce et en dépit des conditions de séjour en France de l'appelante, de la présence au Bénin de ses parents et de son premier enfant ainsi que de la possibilité pour elle de solliciter le bénéfice du regroupement familial, le refus de titre de séjour litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision est intervenue. Le préfet a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance de titre de séjour litigieux, ainsi que l'annulation de ce refus et, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français, et fixation du pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, eu égard au motif qui en constitue le soutien, la délivrance à Mme B...d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de
la Haute-Garonne de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 27 décembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté
du 21 juin 2017 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et au procureur près le tribunal de grande instance de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018
Le rapporteur,
Didier Salvi
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00357